Festival de Salzbourg : panne de théâtre sur La Dame de pique

- Publié le 16 août 2018 à 12:17
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Entre le spectacle sans grande originalité de Hans Neuenfels et une distribution à l'éclat modeste, on retient de cette Dame de pique la direction musicale tout en délicatesses de Mariss Jansons.

Qu’arrive-t-il à Hans Neuenfels ? Cet adepte des relectures radicales signe une production étonnamment sage de La Dame de pique. Est-ce à cause de ce décor unique aseptisé, un immense hall tout noir qui, en dépit de quelques vidéos, éteint les contrastes et les changements d’humeurs ? Seule exception : la scène entre Herman et la Comtesse se passe dans une petite chambre blanc hôpital ; c’est là, aussi, que la direction d’acteurs montre le plus de finesse et d’originalité. On n’assiste pas, comme trop souvent, à une caricature d’affrontement où les personnages font les gros yeux. Au contraire : Herman étreint avec une infinie douceur une vieille dame visiblement toujours travaillée par les démons du sexe, pour tenter de lui soutirer son secret, avant qu’elle ne meure dans ses bras (elle-même, jadis, avait payé de ses charmes la fameuse martingale).

Ailleurs, rien à signaler, si ce n’est quelques incongruités qui laissent perplexe : pourquoi le chœur d’enfants, au début, est-il en cage puis tenu en laisse ? pourquoi ces bonnets de bain sur la tête des convives à l’acte II ? pourquoi, au lieu de Catherine II à qui l’on souhaite « longue vie », est-ce son squelette couvert de diamants qui paraît ?

Bien que personne ne démérite, le plateau n’est pas tout à fait au niveau de ce que l’on attend à Salzbourg. S’il se jette voix et âme dans la folie d’Herman, sans jamais troubler une ligne impeccable ni un timbre lumineux, Brandon Jovanovich n’a pas le cuir aussi épais que les plus illustres titulaires du rôle. Traduisant à merveille, aux premiers actes, les émois de Lisa, le soprano épanoui d’Evgenia Muraveva atteint ses limites dans sa grande scène du III – aigu à la peine, intonation fragile. Hanna Schwarz accomplit son numéro avec les honneurs (malgré un français brouillon dans l’air de Grétry), mais on a connu des Comtesse à l’opulence et à l’abattage autrement monumentaux. Excellent Yeletsky d’Igor Golovatenko, un rien impavide toutefois, déroulant son air tel un ruban de legato.

Avec mille délicatesses, Mariss Jansons semble diriger une immense Symphonie « pathétique », sur laquelle la forêt des timbres des Wiener Philharmoniker répand ses feux automnaux, faisant planer quelques ombres mahlériennes. Si le geste n’est pas le plus théâtral qui soit, difficile de résister à tant de beautés.

La Dame de pique de Tchaïkovski. Salzbourg, Grosses Festspielhaus, le 13 août.

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