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Lohengrin brabant la foudre

Bayreuth
Festspielhaus
07/25/2018 -  et 29 juillet, 2, 6, 10* août 2018
Richard Wagner : Lohengrin
Georg Zeppenfeld (König Heinrich), Piotr Beczała (Lohengrin), Anja Harteros (Elsa von Brabant), Tomasz Konieczny (Friedrich von Telramund), Waltraud Meier (Ortrud), Egils Silins (Der Heerrufer des Königs), Michael Gniffke, Eric Laporte, Kay Stiefermann, Timo Riihonen (Edler)
Chor der Bayreuther Festspiele, Eberhard Friedrich (préparation), Orchester der Bayreuther Festspiele, Christian Thielemann (direction musicale)
Yuval Sharon (mise en scène), Neo Rauch, Rosa Loy (décors et costumes), Reinhard Traub (lumières)


(© Bayreuther Festspiele/Enrico Nawrath)


Aller écouter un opéra à Bayreuth s’apparente toujours à un pèlerinage. En cet été caniculaire, la salle est surchauffée, ce qui provoque des malaises et des évacuations en cours de représentation ; les fauteuils ne sont pas des plus confortables et l’absence de surtitres peut être un obstacle à la compréhension de l’ouvrage. Mais lorsque les lumières s’éteignent, plongeant le Festspielhaus dans le noir, et que retentissent les premières notes, la magie opère instantanément et tous les désagréments sont vite oubliés. Eté après été, le Festival attire des spectateurs du monde entier. Pour Lohengrin, on entend beaucoup parler français dans le public. La raison est connue : Roberto Alagna devait chanter son tout premier Wagner sur la Colline verte. Las, quelques jours avant le début des répétitions, il a déclaré forfait, expliquant qu’il n’avait pas eu suffisamment de temps pour apprendre le rôle du Chevalier au cygne. La presse allemande a été particulièrement sévère, jugeant l’attitude du ténor français peu sérieuse et professionnelle. Peu importe, les mélomanes n’ont rien perdu au change, bien au contraire, puisque c’est Piotr Beczala qui a repris le rôle au pied levé. On se souvient que le ténor polonais a chanté son premier Lohengrin à Dresde en 2016, déjà sous la direction de Christian Thielemann. Avec sa voix lyrique, son timbre méditerranéen et ses aigus rayonnants, il incarne un Lohengrin lumineux et nuancé, au chant élégant et raffiné, un Lohengrin davantage humain que héros. Piotr Beczala se place d’emblée parmi les meilleurs titulaires actuels du rôle.


La distribution réunie à Bayreuth est l’une des meilleures qu’on puisse trouver aujourd’hui, malgré la légère déception causée par l’Elsa d’Anja Harteros : la soprano se montre très précautionneuse et sur la réserve au premier acte, avec une tendance au vibrato, avant de se ressaisir pour les deux actes suivants et de retrouver son chant magnétique et lumineux, même si elle n’atteint pas les sommets de ses interprétations passées à Munich et Milan. Tomasz Konieczny est absolument convaincant en Telramund noir et violent. Son Ortrud est une Waltraud Meier très en voix et totalement investie dans son personnage. On relèvera aussi le Heinrich au chant noble et élégant de Georg Zeppenfeld Au rideau final, tous les chanteurs sont accueillis par des bravos et des applaudissements frénétiques qui vont durer une bonne vingtaine de minutes. L’émotion est palpable à l’arrivée sur le devant de la scène de Waltraud Meier, qui, pour cette dernière représentation de Lohengrin, faisait ses adieux à Bayreuth.


Très applaudi Christian Thielemann l’est aussi, pour sa direction tout en douceur et en nuances, avec des tempi passablement alanguis qui font parfois baisser la tension dramatique, mais le chef porte une attention de chaque instant aux chanteurs, jamais couverts par l’orchestre. Le chœur a, lui aussi, offert une somptueuse prestation. Et la mise en scène ? Naïve dira-t-on pour être indulgent, ridicule si on veut être objectif. Dans les toiles aux nuances infinies de bleu des plasticiens Neo Rauch et Rosa Loy, lesquelles ne sont pas sans rappeler l’esthétique de Wieland Wagner dans les années 1950, Yuval Sharon (pour l’anecdote le premier Américain à mettre un opéra en scène à Bayreuth) a conçu une sorte de conte de fées, avec des personnages à collerette et portant des ailes dans le dos. Lohengrin, arrivant non pas sur un cygne mais dans un vaisseau spatial et muni d’une foudre jupitérienne, introduit l’électricité dans un royaume du Brabant en déliquescence, dans lequel trône un transformateur électrique. Dans ce microcosme, les femmes sont brutalisées et certaines brûlées vives. Au début du troisième acte, Lohengrin se fait violent lui aussi et ligote Elsa. Les questions de cette dernière lui valent donc son salut... A la fin du spectacle, Gottfried, le frère d’Elsa, fait son apparition en petit bonhomme vert, déclenchant les rires du public.



Claudio Poloni

 

 

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