Opéra: un Domino drolatique, poétique et magique
Auber offre à l’ORW sa plus belle réussite depuis longtemps.
- Publié le 24-02-2018 à 12h14
- Mis à jour le 24-02-2018 à 12h38
Auber offre à l’ORW sa plus belle réussite depuis longtemps.
La surprise est divine : « Le domino noir » donné en coproduction par l’Opéra de Liège et l’Opéra-Comique à Paris s’inscrit d’ores et déjà comme une des productions lyriques de l’année 2018. Pour l’œuvre, bien sûr, mais pas seulement. Moins ampoulée que sa « Muette de Portici », la partition de Daniel François Esprit Auber se révèle habile, inventive, colorée, légère. Et les dialogues parlés ont été discrètement modernisés – sans forcer le trait – pour les rendre accessibles à un public du XXIe siècle.
Patrick Davin dirige avec verve et élégance un orchestre de l’Opéra de Wallonie en belle forme, et il veille amoureusement sur ses solistes en gardant constamment parfaitement alignées les pièces d’un puzzle parfois complexe. Autre triomphatrice de la soirée, Anne-Catherine Gillet s’empare à la perfection du rôle d’Angèle, qui semble presque écrit pour elle : virtuosité vocale constante, aigus souverains, qualité de diction impeccable et abattage scénique à toute épreuve – en ce compris des transformations physiques successives –, toutes qualités qu’a l’Ardennaise et auxquelles elle ajoute ici une sorte de classe et d’évidence qui forcent l’adhésion. Le reste du plateau n’est pas en reste : Cyrille Dubois est un formidable Horace suave et corsé à la fois et les autres, qu’ils soient chanteurs lyriques à l’origine (Antoine Dennefeld en Brigitte, François Rougier en Juliano, Marie Lenormand en Jacinthe et Laurent Kubla en Gil Perez) ou comédiens (Sylvia Bergé et Laurent Montel), sont également impeccables. Même les chœurs de Pierre Iodice se montrent sous leur plus beau jour, alors même qu’ils doivent bouger et danser de façon bien plus substantielle qu’à l’habitude – ce qui prouve qu’ils en sont capables quand ils sont bien mis en scène.
Mais le succès de la soirée tient aussi aux deux néophytes du lyrique que sont les metteurs en scène Valérie Lesort et Christian Hecq. Fort du succès de leur spectacle « Vingt mille lieues sous les mers » (qu’ils citent joliment dans un interlude où Saint-Saëns vient se mêler à Auber), le couple franco-belge amène à l’opéra un vent frais que l’on rêve déjà de voir souffler sur d’autres œuvres. Des danseurs hilarants, des costumes d’une inventivité incessante, de beaux décors (un par acte) dont les accessoires (cochon, gargouilles ou caryatides) se mettent en mouvement : c’est plein d’humour absurde et de grâce poétique, et sans la moindre vulgarité. Le spectateur ne s’ennuie pas un instant, et quitte la salle avec des étoiles plein les yeux.
----> Liège, Théâtre Royal, les 25 et 27 février et 1er et 3 mars ; www.operaliege.be