L’opéra La Rondine, composé durant la Grande Guerre, n’est sans doute pas la pièce la plus connue de Puccini. En 2005, le Capitole avait contribué à une mise en scène magnifique qui avait conduit à de nombreuses tournées. Revenu en 2009, le travail de Nicolas Joel était de nouveau intégré au programme lyrique toulousain en 2017-2018, avec naturellement un nouveau plateau d’artistes.

Le Théâtre du Capitole semble avoir renouvelé l’utilisation du rideau dont l’effet est largement appréciable à l’ouverture et les tombées parfaitement maîtrisées. Le décor signé Ezio Frigerio choisit de révéler l’époque art déco de la composition et non celle du Second Empire comme le conte le livret. La rencontre de Magda et Ruggero au café mondain Bullier montre un intérieur riant. La verrière niçoise accueillant le couple romantique – et temporaire – rayonne parfaitement et le spectateur voit, à travers les glycines, passer le jour et la nuit.

La brève ouverture lacée par Pablo Arrivabeni plonge la salle dans l’ambiance musicale très naïve retenue par Puccini, avec ses colorations modales, prédestinant de nombreux et fameux thèmes à venir. Rambaldo (Geezim Myshketa) révèle d’entrée le sujet de la pièce en raillant la mode romantique en cours à Paris et moquant, à grand renfort de mépris de classe, la beauté des sentiments face au bonheur que procure l'argent, auquel doit tendre l’homme « rationnel ». Prunier (Marius Brenciu), objet des moqueries, ne lâche pour autant pas son conte littéraire et introduit magnifiquement le rêve de Doretta / Magda, ici sous les traits d'Ekaterina Bakanova. Cette dernière interprète avec langueur et espoir le célèbre air "Chi il bel sogno", allongeant volontiers les appuis et appogiatures de la mélodie, et on retrouvera les échos magnifiques de sa voix dans l’air de bravoure de Ruggero (Dmytro Popov), lors de sa rencontre chez Bullier. Le couple formé par Prunier et Lisette (Elena Galitskaja) porte plus son attention sur la dimension scénique et comique de leur rôle, sans toutefois en faire trop. La troupe et les figurants complètent à merveille le tableau, contribuant à souligner cette dimension, laquelle va néanmoins s’évaporer au fur et à mesure de l’avancée de l’intrigue. La quatuor des deux couples rejoint par le chœur du Capitole chantant une ode à l’amour est particulièrement grandiloquent et réussi.

Retour à la situation initiale pour les personnages au III, après un bref épisode de rêve sous forme de fuite. À Nice, le poète, mandaté par Rambaldo, révèle à Ruggero le passé de femme entretenue de Magda. La nuit tombe sur les sentiments et les cloches tubulaires sonnent le renoncement. Les bonnes lumières de la production (Vinicio Cheli) abandonnent le spectateur à ses propres interrogations existentielles avec un dernier arrêt sur le visage de Magda, avant que le noir total ne s’impose.

Plus que l’inconstance des sentiments, c’est la prédominance du monde matériel sur celui des affects purs et spontanés qui est dépeinte, tant par le compositeur que par les choix scéniques ici mis en avant. L’œuvre fait écho à La Dame aux camélias et à la Traviata de Verdi, et on y retrouve, comme bien souvent, la dénonciation d’une urbanité impitoyable et une idéalisation de la campagne, ici montalbanaise, plus simple mais plus pure. De quoi ravir le public toulousain. 

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