"La Favorite" de Donizetti: bien chanté, mais dans un français approximatif et une production ratée

L’ORW monte "La Favorite" de Donizetti. Bien chanté, mais dans un français approximatif et une production ratée.

Nicolas Blanmont
"La Favorite" de Donizetti: bien chanté, mais dans un français approximatif et une production ratée

L’ORW monte "La Favorite" de Donizetti. Bien chanté, mais dans un français approximatif et une production ratée.Belle idée qu’a eue l’Opéra royal de Wallonie de monter "La Favorite" de Donizetti dans sa version originale en français : c’est que l’ouvrage, même si on l’entend le plus souvent en italien, a été composé pour, et créé à l’Opéra de Paris en 1840. Comme Rossini avant lui et Verdi après, le compositeur de Bergame s’était laissé attirer par la renommée de la "Grande Boutique" de la ville lumière et avait cédé aux usages - quatre actes et le ballet - pour ce livret original inspiré très librement d’un épisode de la vie du roi Alphonse XI de Castille. L’œuvre conte le destin de Fernand, jeune provincial qui s’apprête à entrer dans les ordres, tombe éperdument amoureux de Léonor, une belle courtisane dont il ignore qu’elle est la maîtresse du Roi.

On regrette en revanche que la maison liégeoise, capable d’aligner une distribution entièrement francophone (et même entièrement wallonne !) pour "Les pêcheurs de perle" de Bizet recrute une majorité d’Italiens à la diction française approximative pour cette "Favorite" : c’est non seulement la musique de la langue, mais aussi le naturel des prestations qui en souffre chez les personnages masculins. Heureusement qu’il y a les chœurs (mais avec quelques désordres récurrents), Cécile Latschenko (jeune soprano bruxelloise en résidence à la Chapelle Reine Elisabeth, qui incarne ici avec vaillance Inès, la suivante de Léonor) et surtout Sonia Ganassi, formidable Léonor au timbre somptueux, qui, toute Italienne qu’elle soit, maîtrise presque parfaitement la prononciation de notre langue. Côté masculin, au-delà des réserves linguistiques, on saluera le Fernand rayonnant et puissant de Celso Albelo, l’Alphonse au legato élégant de Mario Cassi (mais le timbre s’éraille parfois) et les très corrects Ugo Guagliardo (Balthazar) et Matteo Roma (Don Gaspar). Honnête aussi, mais sans flamme particulière et avec quelques soucis de mise en place en début de soirée, la direction musicale de Luciano Acocella.

Après la laideur kitsch de "Norma", l’ORW ne fait pas mieux cette fois. On est pourtant aux antipodes du prosaïsme péplum du Bellini d’octobre puisque Rosetta Cucchi a transposé son Donizetti dans un univers de plastique où le trône du Roi est entouré de l’improbable croisement entre un ballon de plage et un rideau de douche. La metteuse en scène italienne a voulu raconter deux histoires dont aucune n’a le moindre rapport avec le livret original : celle d’un monde où les femmes ont été privées de leurs droits et séparées des hommes pour enfanter des guerriers (elles sont tout de blanc vêtues, couvertes de voiles et de perruques de cheveux blancs) et celle d’un monde où les végétaux sont en voie de disparition et, du coup, soigneusement conservés dans des bocaux/vivariums qu’on case dans les coffres d’une sorte d’immense colombarium. "WTF", aurait pu dire Donizetti s’il avait pratiqué l’anglais.Nicolas Blanmont

---> Liège, Théâtre Royal, jusqu’au 28 novembre; www.operaliege.be

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