Il viaggio a Reims, une mise en bouche légère et appétissante au Liceu

Xl_ilviaggio_liceu_ap01_bofill © (c) Antoni Bofill

Le Liceu de Barcelone vient de reprendre ses activités avec Il viaggio a Reims, un titre inhabituel pour donner le coup d’envoi de sa nouvelle saison – quand bien même nous devons prendre en considération que ces représentations, certes les premières de la saison, n’en sont pas « officiellement » l’ouverture qui est prévue en octobre prochain avec Un ballo in maschera.

Mais pourquoi Le voyage à Reims ne serait pas un titre adapté pour ouvrir une saison ? D’abord parce que d’un point de vue dramatique, l’œuvre n’est pas à proprement parler un opéra, mais plutôt une sorte de cantata mise en scène, avec une action dramatique réduite à portion congrue. Ensuite (et surtout), parce que l’œuvre requiert dix chanteurs de haut niveau, capables de surmonter les écueils d’une partition extrêmement exigeante, composée par un Rossini alors âgé et expérimenté, et que peu de théâtres aujourd’hui peuvent s’offrir le luxe de recruter dix chanteurs de premier plan pour interpréter cet opéra atypique en un acte. Cette œuvre, composée par Rossini en 1825 et qui devait célébrer le couronnement du roi de France Charles X, réunit un groupe d’extravagants aristocrates venus des quatre coins de l’Europe, bloqués dans l’hôtel Il Giglio d’Oro à Reims la nuit précédant précisément le couronnement de Charles X – un événement auquel ils ne pourront finalement pas assister.




Irina Lungu © A. Bofill

Il viaggio a Reims est l’opéra idéal pour les cours de chant et les académies opératiques, notamment parce qu’il compte nombre de rôles et offre, à l’ensemble des interprètes, des airs et duos dans lesquels ils sont susceptibles d’exprimer tous leurs talents. Et logiquement, le Rossini Opera Festival de Pesaro d’où est issue la présente production, monte le titre relativement fréquemment pour ses cours annuels de chant.

Le Liceu ne joue pas exclusivement la carte des jeunes chanteurs et, avec une grande pertinence, compose ici une distribution réunissant à la fois des noms expérimentés ayant une solide expérience de l’interprétation buffo de Rossini, comme Pietro Spgnoli (Don Profondo) ou Carlos Chausson (Baron de Trombonok) qui méritent à eux seuls le déplacement, mais leur adjoint aussi des concertanti robustes. On retrouve ainsi à leurs côtés des chanteurs exactement en milieu de carrière comme Manel Esteve (Don Alvaro), Maite Beaumont (la marquise Melibea), Irina Lungu (Corinna) ou Sabina Puértolas (Comtesse de Folleville), tout comme des interprètes dont les débuts augurent de grandes promesses comme Lawrence Brownlee (Comte de Libenskof) – après avoir par exemple remporté le Singer of the Year Award 2017 aux International Opera Awards – ou encore des chanteurs plus novices comme Ruth Iniesta (Madame Cortese), Taylor Stayton (Chevalier Belfiore) ou Roberto Tagliavini (Lord Sidney). Et le résultat s’avère particulièrement satisfaisant : si rien n’est réellement mémorable, l’ensemble est plaisant et étonnement homogène pour une distribution si diverse.

À de nombreux égards, le principal artisan de la réussite de cette soirée est le maestro Giacomo Sagripanti, jeune chef qui dirige pour la première fois dans la fosse du Liceu et s’est connaitre à travers l’Europe pour sa maîtrise du répertoire italien et plus spécifiquement en matière de buffo. Les intonations de l’orchestre ne sont pas particulièrement fines ou nuancées, mais restent solides et en parfaite harmonie avec les voix – une prouesse particulièrement complexe dans une œuvre comme Il viaggio, avec sa débauche de duos et de concertanti (dont l’un réunit pas moins de quatorze voix !).

La production, signée par le metteur en scène Emilio Sagi, est extrêmement sobre, austère et synthétique : une simple plateforme surélevée sur la scène représente le solarium d’un spa où évoluent, en peignoirs de bain, les différents personnages extravagants de l’œuvre. Et quand bien même la dramaturgie est minimaliste, la direction d’acteurs est pleine de détails et de subtilités, contribuant à gommer la monotonie et l’extrême uniformité de l’espace scénique.

Ce Voyage à Reims apparait comme la mise en bouche à la fois légère et bienvenue d’une saison qui promet nombre de productions plus consistantes et robustes dans les semaines et mois à venir.

traduction libre de la chronique de Xavier Pujol

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