Festival d’Aix-en-Provence : le théâtre dans le théâtre de Don Giovanni

- Publié le 16 juillet 2017 à 03:14
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Pour mettre en scène le chef-d'œuvre mozartien, Jean-François Sivadier fait... du Jean-François Sivadier, offrant une fascinante mise en abyme du mythe. L'interprétation musicale et vocale n'est hélas pas tout à fait à la hauteur.

Encore une mise en abyme comme les aime Jean-François Sivadier, où l’on navigue entre la scène et la coulisse, entre costumes hispanisants et contemporains, avec une volonté affichée de faire quelque chose de rien – de simples jeux de rideaux sur une estrade, par exemple. La direction d’acteurs est au cordeau, avec des personnages aimantés par un Don Juan presque adolescent, faune aux souplesses d’elfe ou de rocker, qui parfois danse autant qu’il joue : on se laisse vite prendre à ce jeu du croisement des désirs. Sa perruque blonde, au moment du bal, le fait étrangement ressembler à l’Amadeus de Forman…

A la fin, il meurt sans mourir, quasi nu, marionnette aux bras en croix comme une figure christique, dans une sorte de renversement du mythe – sans détournement à la Tcherniakov. Production classique, mais très vivante, au plus près de la musique et du livret, épousant la magie de la nuit avec de magnifiques lumières venant de verres colorés de Murano. Rien de lissé pour autant : le mot « Liberta » semble écrit en lettres de sang sur un mur que l’on détruit à coups de marteau, jusqu’à atteindre la niche de la statue du Commandeur.

Musicalement, le niveau est-il celui du Festival d’Aix… et du prix de ses places ? A la tête d’un orchestre (Le Cercle de l’Harmonie) qui n’a pas toujours les moyens des ambitions de son chef, Jérémie Rhorer, s’il ne manque pas d’énergie, peine à tendre l’arc du drame et à créer des climats avant l’acte II. Sans voix après le I, Philippe Sly, excellent Guglielmo à Garnier, est de toute façon dépassé par un rôle dont il n’a guère le format, ne faisant pas oublier ses limites par une incroyable composition.

Leporello ne lui fait pas d’ombre : certes très stylé, Nahuel di Pierro est  singulièrement en panne de relief. L’Anna d’Eleonora Buratto, aux aigus parfois trop bas, comme l’Elvira d’Isabel Leonard ne sont qu’honnêtes, pas très brillantes dans la vocalise. Restent l’Ottavio belcantiste et patricien de Pavol Breslik, un peu effacé scéniquement, et, surtout, le couple de paysans : Masetto très prometteur de Krzysztof Bączyk, Zerline charmeuse et fruitée, parfaite mozartienne de surcroît, d’une irrésistible Julie Fuchs. Un peu court pour un Don Giovanni, non ?

Don Giovanni de Mozart. Aix-en-Provence, Théâtre de l’Archevêché, le 6 juillet.

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