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Les Fêtes d’Hébé par l’Académie de l’Opéra de Paris à l’Amphithéâtre de la Bastille – Vivacité et variété - Compte-rendu

Les Fêtes d’Hébé demeurent un opéra rare de Rameau. Ce fut pourtant en son temps un de ses grands succès : plus de 300 représentations pendant les 25 ans qui ont suivi la création en 1739. Puis survint l’oubli, comme pour tout Rameau. Sauf que Les Fêtes d’Hébé – un opéra-ballet – ont attendu davantage leur redécouvertes que les tragédies lyriques qui ont fait la gloire de Jean-Philippe. John Eliot Gardiner s’y attaque dans les années 80, en version de concert tout en laissant un enregistrement (mais partiel, de la seule Troisième Entrée). William Christie reprend le flambeau une décennie plus tard, avec aussi un enregistrement (le seul intégral). Puis succède à nouveau une forme de silence, assez inexplicable.
 
Il est vrai que ce quatrième opéra de Rameau présente un côté hiératique, sinon académique, qui entend célébrer sur une trame mythologique de circonstance, les trois « Talens lyriques » (sous-titre de l’œuvre). Autrement dit : la poésie, la musique et la danse, au cours des trois Entrées différenciées. Sur des vers et péripéties assez convenues, au ton de comédie, mettant au prise les amours tout aussi convenues des dieux de l’Olympe pour des bergères. Mais la musique sauve tout, d’un grand Rameau, son « chef-d’œuvre absolu », selon le ramiste Cuthbert Girdlestone, pour qualifier la Troisième Entrée.
On ne peut donc que louer le choix de l’Académie de l’Opéra de Paris, en coproduction avec le Centre de musique baroque de Versailles et en partenariat avec le Royal College of Music de Londres. D’autant que la réussite est indéniable, pour ce qui constitue mieux qu’un exercice d’école.

© Studio J'adore-ce-que-vous-faites / OnP
 
C’est donc l’occasion pour les jeunes recrues internationales de l’Académie de se frotter au style et à la déclamation, éminemment française, de ce joyau baroque. À cet égard, reconnaissons que les participations vocales féminines l’emportent sur celles de leurs partenaires masculins. Et en particulier Adriana Gonzalez, soprano irradiante pour le double rôle de Sapho et Iphise, que les plus prestigieuses scènes lyriques vont désormais s’arracher. Mais aussi Laure Poissonnier et Pauline Texier (photo), autres grandes promesses accomplies de l’Académie. Sans oublier Eleanor Penfold et Julieth Lozano, mais elles issues du Royal College précité, avec un aplomb et une assurance vocales consommés. Côté masculin, Juan de Dios Mateos tire sa belle épingle du jeu, ténor désormais à suivre. Comme aussi Tomasz Kumiega, baryton ferme, mais qui ne fait guère un sort à l’élocution française.
 
S’ajoute le chœur, préparé par Olivier Schneebeli, constitué des Chantres du Centre de musique baroque de Versailles, mais aussi du Royal College, pour un appoint bien en phase. Sauf que, dans ces cas et parfois pour les chanteurs solistes, l’acoustique étalée de l’Amphithéâtre de la Bastille, comme la place de la formation instrumentale sur les gradins de côté, induit un certain nombre de décalages, qui s’estomperont à n’en pas douter au fil des prochaines représentations. Cet orchestre, constitué de vingt-et-un instrumentistes venus du Royal College, manifeste aussi individuellement quelques flottements, de la part des vents notamment, qui eux aussi ne sauront qu’aller en se rectifiant, sachant la battue attentive de Jonathan Williams.
 
Reste la mise en scène. Eh bien ! elle n’appelle que des éloges. Thomas Lebrun parvient à donner vie à ces histoires de divinités et pastorales, sans quasiment de décor (hors quelques cubes blancs transportés de-ci de-là). Il choisit, judicieusement, de meubler l’ensemble de mouvements chorégraphiques (Lebrun est aussi chorégraphe), à l’appui de six excellents danseurs. Citons-les, car ils le méritent tous : Karima El Amrani, Antoine Arbeit, Maxime Camo, Lucie Genon, Léa Scher et Julien-Henri Vu Van Dung. Mais ces mouvements s’étendent jusqu’au participants vocaux, chœur et solistes, dans une mise en jeu impeccable. Conférant à l’ensemble une vivacité et une variété de chaque instant. Bravo ! Les costumes et les éclairages se conforment aux tonalités de chaque Entrée, dans des dominantes bleues, rouges puis jaunes, devant quelques fonds de projections champêtres en situation (dues à Charlotte Rousseau). Suffisant pour insuffler une frétillante tournure à un spectacle, que le thème et son sujet pouvaient faire craindre ébroué ou lancinant.
 
Pierre-René Serna

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Rameau : Les Fêtes d’Hébé – Paris, Amphithéâtre de l’Opéra Bastille, 22 mars ; dernière représentation le 27 mars 2017 / https://www.operadeparis.fr/saison-16-17/opera/les-fetes-dhebe-ou-les-talens-liriques

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