Retour vainqueur de "Jérusalem"
- Publié le 20-03-2017 à 11h30
- Mis à jour le 20-03-2017 à 11h32
Exhumation réussie du premier opéra en français de Verdi. Les 21, 23 et 25 mars à 20 h à l’ORW, à Liège.Ritorna vincitor" ? Pour ce qui est sans doute la première exécution de l’œuvre dans notre pays depuis 1850, "Jérusalem" emporte l’adhésion. L’ouvrage créé par Verdi à l’Opéra de Paris en 1847 est bien plus qu’une simple traduction française de "I Lombardi alla prima crociata", et il tient la route musicalement et dramatiquement nonobstant les 3 h 30 de la soirée.
Stefano Mazzonis avait convoqué pour l’événement le musicologue Paolo Isotta : c’est à cette grande figure de la critique musicale de la péninsule, dont l’Opéra royal de Wallonie (ORW) publie un essai sur l’ouvrage, que le directeur de la maison liégeoise dit devoir cette découverte. Les deux compères crient au "chef-d’œuvre" mais le terme est relatif : parle-ton par rapport aux autres Verdi des années de galère, ou en regard de la trilogie populaire, de "Don Carlos", "Aida", "Otello" ou "Falstaff" ?
Des chœurs dignes de "Nabucco"
Force est de constater qu’on passe une belle soirée riche en airs, cabalettes, concertati et intermèdes instrumentaux, de l’"Ave Maria" d’Hélène au grand final - précédé d’une rutilante bataille orchestrale - en passant par des chœurs dignes de ceux de "Nabucco" ("O mon Dieu, vois notre misère"), l’un ou l’autre air célèbre ("Je veux encore entendre ta voix", version française de "La mia letizia infondere"), des ballets pas trop kitsch et une intense marche funèbre.
Coup de chapeau, d’abord, à Speranza Scapucci : la cheffe d’orchestre réussit à Liège des débuts prometteurs, capable tout à la fois de faire croître l’intensité dramatique, de couver ses chanteurs, de gérer les masses et de soigner les détails. Là où d’autres passeraient en vitesse sur les pages orchestrales, l’Italienne prend le temps de les faire s’épanouir. L’orchestre et les chœurs semblent se sentir bien avec elle, tout comme les solistes.
Puissance et générosité
Le grand Roberto Scandiuzzi donne à Roger, frère du Comte de Toulouse, toute la noirceur d’un beau rôle de méchant sans tomber dans la caricature. Sa puissance est impressionnante, presque autant que celle - soufflante - d’Elaine Alvarez : on peut mégoter sur une certaine instabilité à plein régime de la voix de la soprano cubano-américaine, mais quel souffle, quelle générosité et quel moelleux dans le timbre.
Les Belges ne sont pas en reste. On admire, une fois encore l’extraordinaire diction de Marc Laho et l’élégance de ses phrasés : l’aigu est moins lumineux que par le passé, mais la voix a gagné en largeur. Surmontant l’éternelle difficulté des jeunes chanteurs devant camper des pères nobles, Ivan Thirion, voix claire et bien timbrée, confère à son Comte une force parfois presque animale. Mise en scène fidèle, lisible mais sans surprise de Stefano Mazzonis, avec toujours cette gestion un peu maladroite des chœurs faussement naturels.
--> Rens : www.operaliege.be les 21, 23 et 25 / 03; sur Musiq3 le 25 mars.