Les Noces de Figaro au Liceu : les débuts inattendus et salués d’Anett Fritsch

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En raison de l’indisposition d’Olga Mykytenko lors des dernières répétitions, Anett Fritsch se produit pour la première fois au Liceu dans le rôle de la comtesse Almaviva dans les Noces de Figaro. La jeune soprano allemande (née en 1986), qui a triomphé à Salzbourg en 2015 dans le même rôle, fera également ses débuts à la Scala, où elle incarnera prochainement Donna Elvira.


Le Nozze di Figaro, Liceu © Antoni Bofill


Le Nozze di Figaro, Liceu © Antoni Bofill

Anett Fritsch possède tous les attributs d’une parfaite comtesse : une voix magnifique, une prestance naturelle, une forte présence scénique, auxquelles s’ajoute une élégance sensuelle qui confère des nuances très intéressantes à son personnage. Elle nous a livré une interprétation juste et émouvante de l’air Dove sono, magnifiquement accompagné par l’orchestre. Elle a été l’artiste phare de cette soirée d’ouverture marquée dans l’ensemble par des performances vocales d’un excellent niveau.

Le baryton nord-américain Kyle Ketelsen, qui avait déjà incarné Figaro dans cette production en 2008, nous a de nouveau livré des prestations de qualité d’un point de vue artistique et vocal, toutefois légèrement inférieures aux attentes que suscite ce grand personnage mozartien. C’est le cas également pour le baryton hongrois Gyula Orendt, qui débute au Liceu et campe, selon les indications de la direction scénique, un comte Almaviva subtilement hypocrite, arrogant et dépravé. Mais la puissance vocale et la présence requises pour ce rôle n’étaient pas toujours au rendez-vous.

Anna Bonitatibus, qui chante également pour la première fois au Liceu, est parfaite dans le rôle de Cherubino, un rôle qu’elle maîtrise à merveille. Sa prestation dans l’air de Non so più était excellente, contrairement à son interprétation de Voi che sapete, surchargée d’ornements superflus.

La star montante allemande, Mojca Erdmann, était attendue avec enthousiasme pour ses débuts au Liceu. Littéralement inaudible dans son premier duo avec Figaro, l’interprète de Susanna a peu à peu gagné en confiance et en puissance, et sa présence s’est renforcée tout au long de la soirée. Elle s’est montrée parfaite en tout point, sans toutefois livrer de prestations mémorables.  

Maria Riccarda Wesseling s’est montrée convaincante dans le rôle de Marcellina et Rocío Martinez nous a présenté une Barbarina charmante. Valerio Lanchas s’est montré vocalement à la hauteur dans le rôle de Bartolo, réduit ici à la caricature par la mise en scène.

L’orchestre, sous la baguette de Josep Pons, le chef d’orchestre principal du Liceu, se montre excellent, offrant des passages d’une grande musicalité et un dosage subtil des cordes. Les tempos, généralement rapides, bien que souvent ralentis lors des passages émotionnellement transcendants, sont parfaitement adaptés. Seul bémol notable : le manque d’unité entre les voix et l’orchestre – peut-être dû à des répétitions insuffisantes ? Les entrées des voix, notamment dans les concertanti étaient décalées. Un défaut que l’on retrouve au début, dans la scène finale complexe du second acte et à la fin de l’opéra.

Cette production du metteur en scène Lluís Pasqual, reprise cette fois par Leo Castaldi, est identique à celle vue au Liceu en 2008 et en 2012. Cette production légère, qui transpose l’histoire dans les années 30, fonctionne parfaitement dans les premiers actes, mais se révèle inappropriée dans le dernier acte, où la mise en scène devient incompréhensible. Cette version revêt les caractéristiques, le ton et la légèreté d’un vaudeville. Bien que laissant transparaître par moments la profondeur du drame humain qui sous-tend Les Noces de Figaro, cette production reste trop souvent superficielle et ne parvient pas à transcender le ton de la comédie.

Comme dans toutes les productions de Lluís Pasqual, ce spectacle repose sur un haut degré de professionnalisme. Mais cette version, bien qu’offrant une qualité indiscutable, ne compte pas parmi ses meilleures réalisations, et l’on peut se demander s’il était judicieux de la reprendre une troisième fois, après sa création huit ans plus tôt.

traduction libre de la chronique de Xavier Pujol

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