Critique - Opéra/Classique

La Bohème de Giacomo Puccini

Tout est bien qui finit bien

La Bohème de Giacomo Puccini

”La Bohème” de Giacomo Puccini fait partie du fonds de commerce du Liceu barcelonais. L’opéra y fut présenté pour la première fois le 10 avril 1898, deux ans seulement après sa création au théâtre Regio de Turin. Ce 7 juillet 2016 le rideau allait se lever pour la 270ème fois lorsque monta sur scène, mauvais présage, la “Directora Artística General”, Mme. Christina Scheppelmann afin d’annoncer dans un espagnol sans accent, après une brève salutation en catalan, deux changements dans la distribution.

Tatiana Monogarova (Mimi), souffrante, laissait sa place à Dinara Alieva, et le ténor Matthew Polenzani (Rodolfo), souffrant lui aussi, venait d’être remplacé au pied levé par Josep Bros, bien connu du public de la maison. Christina Scheppelmann a eu l’honnêteté de préciser que le ténor catalan n’avait jamais chanté Puccini au Liceu. Le public, rassuré par la présence des deux artistes a applaudi, non sans éprouver une certaine inquiétude bien compréhensible.

Un premier tableau passe-partout.
Si l’orchestre a bien joué sa partition, qu’il connaît sur le bout des doigts, -Marc Piolet se limitant à battre la mesure- l’ensemble du premier tableau n’a pas donné tout son potentiel vocal. Certes les amis de Rodolfo ont tout fait pour assurer un bon niveau artistique, mais les deux rôles principaux -c’était prévisible- ne se sont pas montrés au mieux de leur forme : la voix de Dinara Alieva a manqué de projection et l’artiste a cherché l’effet (« Ma quando vien lo sgelo »), alors que Josep Bros a montré des difficultés dans les aigus au point de renoncer à la note fatale qui conclut le célèbre duo.

Nathalie Manfrino en Musetta
Le début du deuxième tableau fut marqué par le spectaculaire changement de décor à vue. Un décor magnifique -Isabella Bywater- évoquant le Paris de carte postale éternel ; on pense par exemple, aux décors de Léon Barsac du film « Le jour se lève » de Marcel Carné.
Passés les premiers instants de désordre sur scène, au cœur des multiples personnages -passants, enfants, clients de chez Momus, Parpignol,...- Josep Bros a réussi son entrée grâce à la brève présentation de Mimì à ses amis (« Questa è Mimì »). Il a séduit le public par une belle présence scénique et un timbre doux et cristallin. Mais l’action s’emballa ensuite lors de l’apparition de Nathalie Manfrino en Musetta désinvolte sans excès, sûre d’elle, sympathique, clairement amoureuse du peintre Marcello. Son jeu scénique, mais aussi son chant ont maintenu l’intérêt du public pendant le reste du tableau, le couple protagoniste se tenant plutôt à l’écart.

Reprise en main du duo protagoniste ... et des larmes dans la salle à la fin de la soirée
A la porte de Gentilly les dialogues entre Rodolfo et Mimì ont créé un sensible moment d’émotion chez le public. Il semblait impossible que deux chanteurs qui ne se connaissaient pas personnellement la veille, puissent arriver à ce stade de connivence. Diara Alieva a chanté « Addio senza rancor » avec une maîtrise vocale certaine, mais surtout une sincérité touchante. Le dialogue avec Rodolfo et le quatuor qui conclut la scène ont permis à Arthur Rucinski -Marcello- de montrer sa voix -timbre très doux, puissance, justesse- et aussi ses dons dramatiques : les échanges avec Natalie Manfrino, rapides, incisifs, amusants, ont été mémorables.

Au dernier tableau, les six solistes sur scène ont fait vivre un grand moment d’émotion, à un point tel que les performances orchestrales et vocales -dont la belle interprétation de Paul Gay (Colline) chantant à sa « Vecchia zimarra »- sont passés au second plan : Mimì entre la vie et la mort, conduite par Musetta à la mansarde, a arraché des larmes au Liceu tout entier. La fin de l’histoire, bien connue, a soulevé des applaudissements de gratitude envers les deux protagonistes qui avaient assuré la représentation et créé une si intense émotion lors de la mort de la douce Mimì.
Au moment des salutations au public, on pouvait lire sur les visages de Josep Bros et de Dinara Alieva une expression de satisfaction, mais aussi d’étonnement.

La Bohème, opéra en quatre tableaux de Giacomo Puccini, livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica fondé sur les « Scènes de la vie de bohème » d’Henry Murger. Coproduction du English National Opera et Cincinnati Opera. Orchestre et choeur du Gran Teatre del Liceu. Choeur infantil : Cor Vivaldi- Petits cantors de Catalunya. Direction musicale de Marc Piollet. Mise en scène Jonathan Miller. Décors et habillage Isabella Bywater. Eclairages Jean Kalman. Chanteurs le 7 juillet 2016 : Dinara Alieva, Nathalie Manfrino, Josep Bros, Arthur Rucinski, David Menéndez, Paul Gay ...

Gran teatre del Liceu les 18, 19, 20, 21, 22, 27, 28, 30, juin et 1, 2, 3, 6, 7, et 8 juillet 2016
www.liceubarcelona.cat

A propos de l'auteur
Jaime Estapà i Argemí
Jaime Estapà i Argemí

Je suis venu en France en 1966 diplômé de l’Ecole d’Ingénieurs Industriels de Barcelone pour travailler à la recherche opérationnelle au CERA (Centre d’études et recherches en automatismes) à Villacoublay puis chez Thomson Automatismes à Chatou. En même...

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