Chroniques

par françois cavaillès

Ali Baba
opéra-comique de Charles Lecocq

Opéra de Rouen Normandie / Théâtre des arts
- 29 avril 2016
à Rouen : Ali Baba, opéra-comique de Charles Lecocq
© jean pouget

Annoncé par une petite Ouverture modeste et régulière, apparu sous les lumières vives d'un centre commercial aux grands escalators, pris entre la jalousie niaise du commis Saladin, les avances maladroites de sa cousine et protectrice Zobéide et le timide amour tendre de la mignonne Morgiane, voici donc Ali Baba, personnage contemporain et décalé comme son pimpant bleu de travail, qu'on croirait sorti d'un film de Jacques Demy. Un air de comédie musicale, peut-être à la Broadway avec ses numéros un peu forcés et son rythme assez fou, souffle en effet ici, ainsi dans les savoureux costumes criards signés Anne Dumour-Autran, dans la musique souvent guillerette et sautillante composée par Charles Lecocq à la fin du XIXe siècle ou encore dans la débauche d'énergie constamment renouvelée par la mise en scène d'Arnaud Meunier.

À un palmier de plastique poussant sous cet aride climat consumériste le brave Ali Baba, endetté et menacé de faillite par son patron, a noué la corde de sa pendaison. Tendue bel et bien comme celles des violons alors en alerte dans l'Orchestre de l'Opéra de Rouen Normandie dirigé par Jean-Pierre Haeck vers l'éclosion harmonieuse du drame... Ainsi cet opéra-comique oscille entre la farce poussive et les bons sentiments prévisibles, entretenant à travers quelques petites infortunes la flamme du divertissement léger en sautant d'un tableau, de liesse plutôt, à l'autre (il y en a huit en tout).

Heureusement prévaut un bel esprit de troupe, depuis le chœur « maison » plein de vivacité jusqu'à chacun des membres de cette équipe bigarrée, tonique et généreuse que revoilà, deux ans après la naissance de la production à l'Opéra Comique de Paris, avec le renfort d'éléments de la Compagnie de l'Opéra de Rouen Haute Normandie.

Le mezzo Majdouline Zerari, Zobéide pétillante, embourgeoisée et drôlement grivoise [lire nos chroniques des 3 novembre et 18 mai 2015], le ténor Mark Van Arsdale (Saladin), aussi à l'aise dans le chant que dans la danse, l'humour et l'autodérision, le baryton Tassis Christoyannis, élançant le rôle-titre du comique pompier jusqu'au lyrique touchant de son superbe dernier air [lire nos chroniques du 28 septembre 2011 et du 13 juillet 2010], le ténor François Rougier, Cassim bondissant, infatigable et excellent pitre, le soprano Judith Fa (Morgiane), parfaite dans la grâce, le liant et l'émission [lire notre chronique du 19 novembre 2014], le ténor Carlos Natale (Zizi), fin grotesque, joyeux margoulin armé de son accent espagnol : tous remportent ensemble un succès immédiat auprès du public et une franche victoire sur la critique (peut-être un peu à l'usure).

FC