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La Chauve-Souris à l’Opéra de Tours - Plaisir communicatif – Compte-rendu

La Chauve-Souris du Grand Théâtre de Tours, à la différence de celle présentée récemment à l’Opéra-Comique, ne recherche ni réécriture ni évocation de l’actualité. L’alternance entre dialogues français et chant allemand, astucieusement ménagée, se déroule sans véritable discontinuité. Quant à la scénographie de Christophe Vallaux, classique mais intelligemment conçue, elle situe l’action dans un intérieur petit-bourgeois de la fin du XIXe siècle avec grand escalier et animaux empaillés, puis dans la salle de bal du Prince Orlofsky décorée d’un tableau reconstitué sous la forme d’un triptyque figurant Le Déjeuner sur l’herbe et Musique aux Tuileries de Manet, au III le dépouillement prévaut.
Jacques Duparc, dont la connaissance de l’opérette et de l’opéra-comique constitue une garantie, opte plus pour la farce que pour la subtilité. Toutefois, le spectacle bien rôdé fonctionne dans un esprit « Au Théâtre ce soir » avec ses excès, ses clins d’œil appuyés. En vérité, cette histoire de fête et d’expédition punitive sous couvert de champagne, prétexte à tous les déguisements, aurait mérité davantage de légèreté théâtrale.
 
Maître-d’œuvre de la soirée, Jean-Yves Ossonce communique un plaisir évident à son orchestre et aux chœurs, instillant des moments de grâce qui transparaissent dès la célèbre Ouverture conduite sans s’attarder avec tact, souplesse, sensualité, sens affiné de la couleur viennoise. L’ironie douce-amère, le passage entre rire et nostalgie sont rendus avec une finesse de touche (la ductilité du hautbois) et une tendresse qui mettent en avant les arrière-plans de l’œuvre derrière le divertissement de façade.
 
Distribution homogène : côté féminin, Mireille Delunsch, familière du rôle de Rosalinde qu’elle a chanté sur les plus grandes scènes, campe un personnage alangui, peu excitant, se métamorphosant en fausse princesse hongroise d’une superbe élégance. Elle se montre particulièrement convaincante y compris sur le plan vocal (Csardas du II). Flamboyante Adele de Vannina Santoni dont la voix souple impressionne par sa tenue et son engagement. Aude Extremo joue un Prince Orlofsky au timbre charnu et de belle prestance tandis qu’en Ida, Béatrice Dupuy confirme pour sa première venue à l’Opéra de Tours ses talents pour l’opérette (notamment à l’acte III).

Les hommes donnent le change bien que l’Eisenstein de Didier Henry ne soit plus de toute jeunesse ; il compense cependant par sa présence et son expérience ce que la voix a perdu en éclat. Face à lui le Dr Falke du jeune polonais Michal Partyka (issu de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris) se distingue par son aisance, comme Eric Huchet en Alfred entreprenant, Frédéric Gonçalves très en verve dans le rôle de Franck, notaire détonnant de Jacques Lemaire. Une mention pour la prestation de Jacques Duparc improvisant un Frosch comique, décalé, d’un humour au second degré. Applaudissements fournis à la fin de la représentation et remerciements par quatre rappels du final où chaque protagoniste exprime une joie partagée.
 
       
Michel Le Naour
 
J. Strauss : La Chauve-Souris - Tours, Grand Théâtre, 30 décembre 2014
 
Photo © François Berthon

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