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Epique

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Opera Vlaanderen
10/31/2014 -  et 2*, 4, 5, 7, 8 (Antwerpen), 26, 28, 29, 30 novembre, 2 décembre (Gent) 2014
Modest Moussorgski: La Khovantchina (orchestration Chostakovitch)
Ante Jerkunica*/Gleb Nikolsky (Ivan Khovanski), Maxim Aksenov*/Dimitri Golovnin (Andrei Khovanski), Vsevolod Grivnov (Vassily Golitsine), Oleg Bryjak (Chakloviti), Alexey Tikhomirov/Alexey Antonov* (Dosifei), Elena Manistina, Julia Gertseva* (Marfa), Liene Kinca (Susanna), Aylin Sezer (Emma), Michael J. Scott (Le clerc), Adam Smith (Kouzka), Vesselin Ivanov (Strechniev), Christian Luján (Varsonofiev), Patrick Cromheeke (Premier strelets), Thomas Mürk (Second strelets)
Koor en Kinderkoor Opera Vlaanderen, Jan Schweiger (chef des chœurs), Symfonisch Orkest Opera Vlaanderen, Dimitri Jurowski (direction)
David Alden (mise en scène), Paul Steinberg (décor), Constance Hoffman (costumes), Adam Silverman (lumières), David Laera (chorégraphie)


(© Annemie Augustijns)


Auteur d’un mémorable Peter Grimes il y a quatre ans, David Alden s’intéresse au contenu social et politique de La Khovantchina (1886) plutôt qu’à son contexte historique. Le metteur en scène transpose l’opéra à l’époque actuelle sans accuser les références à la Russie. Le décor de Paul Steinberg consiste pour l’essentiel en des parois concaves et mobiles quasiment nues, à l’exception d’un tableau de temps à autre et d’une immense horloge présente presque en permanence. Aérée, dépouillée, presque trop propre, la scénographie invite à se concentrer sur les personnages qui constituent une formidable galerie de portraits grâce à une direction d’acteur expérimentée et saisissante lorsqu’il s’agit d’animer le peuple. Illustrant l’oppression, l’absence de morale, le poids de la religion et les rapports de force sans didactisme ni trivialité, le spectacle évite de tomber dans les travers du théâtre moderne, encore que la scène dans laquelle les choristes copulent facticement et titubent sous l’effet de l’alcool sacrifie au mauvais Regietheater. La chorégraphie refuse le folklore, le faste et les pacotilles, la danse persane se résumant à un face à face abusif entre Ivan Khovanski et une pauvre jeune fille. Grâce à ses éclairages, Adam Silverman réalise en outre des jeux d’ombre évocateurs et parfois anxiogènes. La proposition de David Alden a du sens et ne s’égare pas : il ne sert à rien de surcharger d’intentions le chef-d’œuvre de Moussorgski.


L’interprétation musicale engrange encore plus de points. La distribution, qui comporte majoritairement des chanteurs russophones, compte parmi les meilleures entendues à Anvers et à Gand depuis longtemps. L’Opéra de Flandre a manifestement préféré investir dans le chant plutôt que dans le décor. Idiomatiques et jeunes pour la plupart, les voix s’épanouissent avec bonheur tandis que la ligne vocale demeure disciplinée et même stylée chez les interprètes plus chevronnés. Davantage encore que celui du Roi Marke l’année passée, Ante Jerkunica, basse d’origine croate, marque de son empreinte le rôle d’Ivan Khovanski qu’il interprète pour la première fois : brutal et infréquentable, le Boyard marque les esprits dans son lourd manteau en fourrure.


Autres prestations atteignant un degré d’intégrité musicale plus élevé encore : le Dosifei habité bien qu’encore un peu vert d’Alexey Antonov, promis à un bel avenir s’il continue à se produire avec autant de tenue et de présence, et le Chakloviti monumental et caractérisé en profondeur d’Oleg Bryjak. Huée par quelques spectateurs indélicats en Hérodiade il y a trois ans, acclamée en Marfa aujourd’hui, Julia Gertseva trouve un emploi approprié pour sa voix de mezzo nourrie et vibrante – incarné avec beaucoup de sensibilité, le personnage s’impose par son émotion contenue et son intensité. Les prestations de Maxim Aksenov en Andrei Khovanski et de Vsevolod Grivnov en Vassily Golitsine se situent en comparaison un peu plus en retrait mais elles restent malgré tout abouties. Le reste de la distribution remplit parfaitement son office : se distinguent surtout la Susanna de Liene Kinca, le Clerc de Michael J. Scott et même la ravissante Emma d’Aylin Sezer.


Les forces locales se couvrent de gloire, les chœurs, d’abord, très engagés et relevant brillamment le défi lancé par Moussorgski, l’orchestre, ensuite, rarement aussi concerné, dense et transparent. Dimitri Jurowski, qui ne s’engage pas dans une course aux décibels, obtient de tous les pupitres une implication maximale et un fini remarquable : cordes souples et unies, bois éloquents et exacts, cuivres nets et imposants. Le directeur musical confère à ces cinq actes une dimension véritablement épique. Le spectacle restera donc gravé dans la mémoire plus longtemps que l’Elektra de ce début de saison, d’ailleurs déjà presque oublié.



Sébastien Foucart

 

 

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