About us / Contact

The Classical Music Network

Gent

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Diptyque déroutant

Gent
Vlaamse Opera
04/11/2014 -  et 13*, 15, 18, 19 (Gent), 30 avril, 2, 4, 6, 8, 10 mai (Antwerpen) 2014
Béla Bartók: A kékszakállú herceg vára, opus 11
Franz Schubert: Winterreise, D. 911 (extraits)

Toby Girling (baryton), Tilo Werner (narrateur, gardien), Stefan Kocan (Barbe-Bleue), Asmik Grigorian (Judith)
Severin von Eckardstein*/Jef Smits (piano), Symfonisch orkest van de Vlaamse Opera, Martyn Brabbins (direction)
Kornél Mundruczó (mise en scène, éclairages), Marton Agh (décor, costumes)


Le Château de Barbe-Bleue (© Vlaamse Opera/Annemie Augustijns)


Après Christoph Waltz, Kornél Mundruczó: pour la seconde fois cette saison, l’Opéra flamand confie une de ses productions à une personnalité du cinéma. L’acteur et réalisateur hongrois, qui débute lui-aussi dans la mise en scène d’opéra, combine Le Château de Barbe-Bleue (1911) de Bartók avec Le Voyage d’hiver (1827) de Schubert. L’idée séduit sur le papier, moins sur le terrain.


La première partie ne bouleverse pas les repères. La confrontation entre Barbe-Bleue et Judith, prostituée évoluant la plupart du temps en sous-vêtements, se passe bel et bien dans un château qui recèle des merveilles et des secrets. Le duc, déguisé en Dracula, comme un enfant qui refuse de grandir, et des adolescents, au teint cireux et en uniforme scolaire, s’extasient d’ailleurs devant une maquette de train féerique. Le décor de Marton Agh ne manque pas d’impressionner, en particulier lorsque les colonnes de marbre et le mur frontal se déplacent pour laisser place à des bateaux de plaisance d’où émergent trois femmes dénudées d’un âge avancé.


Kornél Mundruczó respecte la dimension psychologique et symbolique de l’unique opéra de Bartók. Sa direction d’acteur traduit l’ambiguïté de Barbe-Bleue, attentionné et malveillant à la fois, la détermination de Judith et la tension qui règne entre eux. Toutefois, le regard se perd dans les détails : certaines options paraissent moins indispensables que d’autres, par exemple celle consistant à filmer ce qui se déroule sur scène ou le recours à des effets stroboscopiques. Débutant dans leur rôle, les chanteurs comblent partiellement les attentes. La voix de Stefan Kocan – chanteur compétant, comédien convaincant – séduit davantage que celle d’Asmik Grigorian. La soprano lituanienne compense un timbre rêche et terne par son engagement inconditionnel et sa plastique avantageuse. Martyn Brabbins obtient de l’orchestre une prestation suffisamment chatoyante, nuancée et soutenue mais celui-ci marque moins de points que dans Lady Macbeth le mois dernier.



Le Voyage d’hiver (© Vlaamse Opera/Annemie Augustijns)


En revanche, la seconde partie déconcerte. Kornél Mundruczó propose une interprétation moderne, radicale et théâtrale du cycle de Schubert, dont il ne retient que dix-sept des vingt-quatre lieder. Contre toute attente, il utilise un décor différent de celui du Château de Barbe-Bleue, à l’exception des colonnes de marbre. Le chanteur, qui apparait au début déguisé, comme Barbe-Bleue, en Dracula, incarne un réfugié venant, comme par hasard, de Roumanie, comme il tente de l’expliquer en anglais à un gardien. En effet, l’action se tient, semble-t-il, dans un centre d’accueil, à moins qu’il s’agisse d’un orphelinat puisque les adolescents de la première partie se produisent également dans la seconde, au contraire des femmes dévêtues.


Des images sinistres filmées dans un centre d’accueil en Hongrie se succèdent simultanément sur un écran: si Kornél Mundruczó apporte de l’humour lors des échanges parlés, le désespoir domine. La violence approche de la limite du supportable lorsque les garçons capturent un chat, le noient dans un bidon d’huile puis le pendent dans la cage vitrée dans laquelle le gardien passe son temps à peindre une toile. Sur une des parois, celui-ci dessinera d’ailleurs avec de la mousse à raser un homme et une femme aux organes génitaux disproportionnés. En outre, revoir l’interprète du Voyage d’hiver se laver en caleçon dans une bassine ne se produira sans doute pas de sitôt. Pour tenter de comprendre ce fatras, il convient de lire l’entretien que le dramaturge, Luc Joosten, a mené avec le metteur en scène, à condition de maîtriser le néerlandais, ce qui n’est probablement pas le cas d’une partie non négligeable du public. Accompagné par Severin von Eckardstein, dont le piano ne déparerait pas le salon de Barbe-Bleue, Toby Girling interprète les lieder avec intériorité et intensité. Tilo Werner, quant à lui, impose une forte présence scénique, en particulier durant la seconde partie de ce spectacle déroutant que le Vlaamse Opera dédie à la mémoire de Gerard Mortier.



Sébastien Foucart

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com