Nabuchodonosor, roi de la finance

Le lever de rideau donne un sentiment de déjà-vu. Et même plutôt cent fois que trois. Espace scénique resserré, murs oppressants et volets tagués, le chœur en tenues d’aujourd’hui, portant à l’arrière du crâne les masques des Anonymous. Dans le "Nabucco" que monte Daniel Slater à l’Opéra flamand en ouverture de cette année Verdi, les Hébreux sont des indignés qui manifestent, et Zaccaria, croisement entre Che Guevara et le commandant Massoud, est leur leader plus que leur grand-prêtre.

Nicolas Blanmont

Opéra Le lever de rideau donne un sentiment de déjà-vu. Et même plutôt cent fois que trois. Espace scénique resserré, murs oppressants et volets tagués, le chœur en tenues d’aujourd’hui, portant à l’arrière du crâne les masques des Anonymous. Dans le "Nabucco" que monte Daniel Slater à l’Opéra flamand en ouverture de cette année Verdi, les Hébreux sont des indignés qui manifestent, et Zaccaria, croisement entre Che Guevara et le commandant Massoud, est leur leader plus que leur grand-prêtre.

Nabucco est un roi de la finance - on aperçoit même dans ses bureaux un taureau d’or, version moderne du célèbre veau - en costume, gilet et cravate, ses deux filles évoluent en talon aiguilles et tailleurs impeccablement ajustés (que Fenena troquera pour une robe seventies quand elle rejoindra le camp des manifestants) et l’opposition des deux mondes est on ne peut plus claire. Le Roi semble régner sur une banque qui porte ses trois premières lettres comme raison sociale (New Assyrian Bank ?). Et qui perdra le "N" initial après la prise du pouvoir par sa fille Abigaille.

Prévisible, voire cliché ? Sans doute. Pourtant, la façon dont le chœur attaque "Gli arredi festivi" convainc et séduit : certes, l’actualisation du propos frise le manichéisme (l’œuvre n’en manque pas non plus, il est vrai), mais, par une vraie direction d’acteurs - et de chœurs, sauf quand il s’agit de faire bouger les policiers -, elle se révèle d’une grande efficacité et d’une cohérence imparable.

On passe dès lors une bonne soirée, d’autant que l’œuvre, ainsi débarrassée du côté barnumesque qu’on lui prête parfois à tort, est concise et efficace. Et parce que l’exécution musicale est de premier plan : Dmitri Jurowski exacerbe les contrastes et dramatise idéalement le propos, et la distribution est excellente. Au sommet, Dalibor Jenis, Nabucco impeccable et particulièrement habité dans ses scènes de folie et de prière et Iano Tamar, stupéfiante de puissance, d’aisance et d’expressivité dans tous les registres du rôle d’Abigaille, capable aussi des pianissimi les plus subtils au début de l’acte 2, et à qui on pardonnera dès lors une tendance agaçante à rouler des yeux en tous sens. Remarquables aussi, le Zaccaria de Francesco Ellero d’Artagna et l’Ismaele de Mikhaïl Agafonov, voire même la Fenena parfois un peu trop effacée de Marika Jokovic.

Anvers, Vlaamse Opera, jusqu’au 21 février; Gand, Vlaamse Opera, du 1er au 9 mars; www.vlaamseopera.be

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...