About us / Contact

The Classical Music Network

London

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Un spectacle d’enfer

London
Royal Opera House, Covent Garden
12/06/2012 -  et 9, 12, 15*, 18, 21 décembre 2012
Giacomo Meyerbeer: Robert le Diable
Bryan Hymel (Robert), John Relyea (Bertram), Jean-François Borras (Raimbaut), Marina Poplavskaya (Alice), Patrizia Ciofi (Isabelle), Nicolas Courjal (Alberti), Jihoon Kim (Prêtre, Chevalier), Pablo Bemsch (Héraut, Chevalier), David Butt Philip (Maître de cérémonie, Chevalier), Ashley Riches (Chevalier), Dusica Bijelic (Dame d’honneur)
Royal Opera Chorus, Renato Balsadonna (préparation), Orchestra of the Royal Opera House, Daniel Oren (direction musicale)
Laurent Pelly (mise en scène et costumes), Chantal Thomas (décors), Duane Schuler (lumières), Lionel Hoche (chorégraphie)


(© ROH/Bill Cooper 2012)


Robert le Diable est le dixième opéra de Giacomo Meyerbeer, et son premier ouvrage composé pour Paris. Sa création, en 1831, est un immense succès, «un des plus grands triomphes de tous les temps», pour reprendre les termes de Piotr Kaminski (Mille et un opéras). Il sera représenté 754 fois dans la capitale française, mais aussi, très rapidement, dans l’Europe entière. Frédéric Chopin, présent à la création, est des plus enthousiastes: «Si jamais la magnificence parut dans un théâtre, je doute qu’elle ait jamais atteint le degré de splendeur déployé dans Robert… C’est un chef-d’œuvre… Meyerbeer s’est acquis l’immortalité… » Et de fait, l’ouvrage fera de son auteur le musicien le plus admiré de son époque, influençant Rossini, Verdi, Wagner et Berlioz. Le succès de Robert le Diable lance définitivement le genre du Grand Opéra à la française et Meyerbeer, qui récidivera en 1836 avec Les Huguenots, que l’on considère aujourd’hui comme sa partition la plus aboutie. Au XXe siècle cependant, Robert le Diable, comme d’ailleurs toute la production de Meyerbeer, tombe dans l’oubli. Il faudra alors attendre 1968 pour assister, à Florence, à l’exhumation de l’œuvre (chantée en italien) et surtout 1985, avec une production au Palais Garnier qui a fait date, avant New York, Berlin et Martina Franca. Il convient donc de saluer l’initiative du Royal Opera House (où l’ouvrage n’avait plus été représenté depuis 1890) de donner une nouvelle chance à cette partition emblématique de toute une époque. Même si le résultat ne convainc pas totalement, on sauré gré à la première scène lyrique anglaise d’avoir osé sortir des sentiers battus et offert à un large public l’occasion de découvrir un titre si rarement joué.


Kobbé qualifiait le livret de Robert le Diable de «grotesque et absurde». Le sujet, emprunté à une légende médiévale, narre les aventures de Robert, fruit de l’union de Satan et d’une mortelle, lequel cherche à tout prix la rédemption, sur fond de rebondissements gothiques. Seraient-ce les extravagances et les invraisemblances de l’histoire qui ont poussé Laurent Pelly à opter résolument dans sa mise en scène pour un kitsch assumé, tournant l’œuvre en dérision? Toujours est-il que son spectacle a profondément irrité la presse anglaise, choquée devant ce qu’elle considère comme un manque de respect. Diable (!), un peu de second degré, non? Où est passé le «British sense of humour» tant réputé? Il est vrai que le metteur en scène a multiplié les clins d’œil et les gags dans des décors bigarrés (les chevaux de plastique de toutes les couleurs pour le tournoi), exagérément réduits (le château) ou constitués de simples toiles peintes, comme au IIIe acte. On relèvera le superbe ballet des nonnes qui termine le IIIe acte, chorégraphié par Lionel Hoche à la façon nuit des morts vivants. Le résultat final se veut drôle et léger, comme un pied de nez au mythe du Grand Opéra, une réussite sur toute la ligne.


Malgré une direction un peu molle, Daniel Oren obtient de l’orchestre de magnifiques couleurs et se révèle surtout extrêmement attentif aux chanteurs. On retient aussi le magnifique travail accompli par les chœurs, à la diction irréprochable. Dans le rôle-titre à la tessiture meurtrière, Bryan Hymel fait preuve d’une aisance et d’une vaillance confondantes, même si la voix n’est pas des plus belles en soi, enchaînant les notes suraiguës avec une facilité déconcertante. Le diable de John Relyea est plutôt discret, le chanteur n’ayant pas le charisme vocal pour incarner son personnage démoniaque. Patrizia Ciofi, arrivée à Londres trois jours avant la première, a besoin de temps pour chauffer sa voix, peut-être un peu petite pour le rôle, mais son «Robert, toi que j’aime» du IVe acte restera comme l’un des moments forts de la soirée. Marina Poplavskaya est visiblement à la peine dans le rôle d’Alice, qui la met constamment sous pression. Dans les seconds rôles, Jean-François Borras et Nicolas Courjal font une belle démonstration de style. Malgré quelques faiblesses dans la distribution, voilà un spectacle enthousiasmant qu’on a déjà hâte de revoir au Grand Théâtre de Genève, coproducteur de l’entreprise. Un DVD des représentations londoniennes est aussi prévu.



Claudio Poloni

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com