Stradella en queue de poisson
L’œuvre de Franck a ses faiblesses, mais le spectacle liégeois est idéalement festif.
- Publié le 21-09-2012 à 04h15
- Mis à jour le 21-09-2012 à 08h00
Philippe et Mathilde au balcon, et Brabançonne en lever de rideau. Quelques excellences politiques, la campagne justifiant presque autant les présences que les absences. Le premier Wallon s’est fait excuser, mais Marcourt le Liégeois et Laanan la culturelle (et ses attributs) sont là. Visiblement émus et un peu gauches, Stefano Mazzonis et Willy Demeyer y vont de leur discours. Merci aux autorités subsidiantes (Feder, Région et Ville) et aux travailleurs (le mot revient deux fois) qui ont permis cette rénovation dans un temps record.
La salle restaurée est tout simplement belle, les ors ne l’empêchant pas de garder une dimension chaleureuse. Juste le temps d’admirer les splendides plafonds et plancher du foyer avant qu’il ne soit pris d’assaut.
Musique, maestro. Paolo Arrivabeni fait résonner l’ouverture de ce "Stradella" composé par César Franck à dix-neuf ou même quinze ans. Œuvre imparfaite, sans doute, avec ses influences manifestes (Rossini, Donizetti, Meyerbeer) et ses naïvetés, avec des chœurs qui cassent le rythme et un livret souvent tartignolle, mais aussi avec un vrai talent, des mélodies qui accrochent et une belle diversité des formes. L’orchestration de Luc Van Hove apporte les couleurs nécessaires, dans un style fidèle à l’époque plus quelques éléments plus tardifs, notamment dans les cuivres.
La cohérence du projet vient aussi d’une distribution essentiellement belge, même s’il y a aussi Philippe Rouillon, excellent Pesaro. Chacun a ses forces et ses faiblesses, l’écriture ayant ici aussi ses défauts. Admiration pour la clarté du timbre de Marc Laho (Stradella) et l’extraordinaire pureté de sa diction, nonobstant une intonation parfois moins précise. Regrets pour Werner Van Mechelen, qu’on a connu plus puissant sur la même scène, et qui n’a pas les graves requis par le rôle de Spadoni. Sentiments mêlés pour Isabelle Kabatu, voix charnue et puissante mais parfois instable, prononciation perfectible mais engagement dramatique complet, nonobstant les circonstances difficiles.
C’est que la plupart des personnages, et elle la première (avec en plus une robe longue et ample) évoluent dans l’eau : 45 000 litres d’eau, une vraie piscine qui figure ici Venise mais aussi Rome, qui est tout à la fois symbolique, dramatique et poétique.
Jaco Van Dormael est le grand triomphateur de la soirée. Son travail tient sans doute plus de la mise en images que de la mise en scène au sens théâtral, et son option aquatique radicale ne facilite forcément pas la fluidité de la direction d’acteurs. Mais quels tableaux, quelles lumières, quelle magie ! Sans date ni lieu, sa lecture inventive suscite le rêve et parfois le rire (cet immense poisson télécommandé qui apparaît au final !).
On oublie presque les faiblesses de l’œuvre pour tourner les pages du livre, émerveillés comme des enfants. Et le mobile de Toto projette ses ombres sur les murs
Liège, Théâtre royal, les 21, 25, 27 et 29 septembre à 20h, le 23 à 15h. Rens. & rés. : 04.221.47.22, www.operaliege.be