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Le Hameau du Roy

Versailles
Opéra royal
02/04/2012 -  et 21 (Washington), 26 (New York) janvier, 5 février (Versailles) 2012
Pierre-Alexandre Monsigny : Le Roi et le Fermier

Thomas Michael Allen (Le roi), William Sharp (Le fermier), Dominique Labelle (Jenny), Thomas Dolié (Rustaut), Jeffrey Thompson (Lurewel), Yulia van Doren (Betsy), Delores Ziegler (La mère), David Newman (Charlot), Tony Boutté (Le courtisan), Didier Rousselet et Monica Neagoy (comédiens)
Opera Lafayette Orchestra, Ryan Brown (direction)
Didier Rousselet (mise en scène et adaptation du livret), Monica Neagoy (metteur en scène associée, chorégraphie et maquillage), Colin K. Bills (lumières), Cécile Heatley (costumes et accessoires), Bill Harkins (décor)


(© Opera Lafayette/Louis Forget)



En octobre 1821, Pierre Hédouin publiait, au Magasin de musique de la Lyre moderne, une Notice historique sur Pierre-Alexandre de Monsigny, juste hommage à un compositeur dont la destinée fut peu commune. Né en 1729 à Fauquembergues (Artois), il commença dès l’âge de six ans le violon et le chant; pourtant, lorsqu’il monte à Paris en 1749, c’est à la finance qu’il se destine (ayant très tôt renoncé à toute carrière militaire), tout en continuant certes à pratiquer la musique, s’essayant même à la composition sous la houlette de Gianotti, contrebassiste à l’Opéra. Souhaitant «essayer d’un autre genre de musique que celui qu’on nous a donné jusqu’à présent», Monsigny, influencé par les ouvrages de Pergolèse et de Jommelli, monte son premier opéra en 1759, Les Aveux indiscrets. La force dramatique lui faisait défaut et c’est la raison pour laquelle il se lia d’amitié avec Michel-Jean Sedaine (1719-1797), ancien tailleur de pierres devenu auteur à succès, librettiste d’opéras dont Grétry et Monsigny furent les principaux artisans musicaux. Citons, entre autres fruits de leur collaboration, On ne s’avise jamais de tout, Rose et Colas, Le Déserteur et, donc, Le Roi et le Fermier. Monsigny abandonne pourtant assez soudainement la carrière musicale, devenant maître d’hôtel du duc d’Orléans en 1768 (il deviendra ensuite l’administrateur de ses domaines et inspecteur général des canaux). Au lendemain de la Révolution française, il fut nommé membre de la Légion d’honneur, inspecteur du Conservatoire et membre de l’Académie des Beaux-Arts. Il meurt le 14 janvier 1817, à l’âge canonique de 87 ans.


Dans son ouvrage, Hédouin estime que «Le Roi et le Fermier présente enfin une réunion d’airs qu’on ne se lasse jamais d’entendre et qui ne vieilliront jamais» (page 17). Il est vrai que cet opéra comique en trois actes, créé en 1762, obtint immédiatement un fort succès au point même d’être joué par la «Troupe des Seigneurs» le 1er août 1780 (on désignait ainsi la troupe formée par plusieurs nobles de la Cour, à commencer par la Reine, qui aimait à jouer la comédie), le spectacle comportant également La Gageure imprévue de Sedaine. C’est donc à Ryan Brown et à Opera Lafayette que l’on doit cette résurrection, à l’instar de ce qu’ils ont fait pour Le Déserteur, qui a fait l’objet d’un enregistrement récemment publié chez Naxos. Remercions cette belle équipe américaine de remettre au goût du jour l’opéra français du XVIIIe siècle qui, contrairement à ce que pensent peut-être certains, n’a pas disparu avec la mort de Rameau.


L’intrigue est assez banale. Un jeune fermier, Richard, aime une jeune fermière, Jenny. Or, celle-ci se voit quelque peu harcelée par un nobliau du coin qui, pour l’obliger à quelques gestes tendres, n’a pas hésité à enfermer dans l’enceinte de son château la jeune femme et le troupeau de moutons de celle-ci. Jenny parvient néanmoins à s’échapper et à rejoindre Richard. Dans le même temps, le Roi effectuait une partie de chasse dans la forêt de Sherwood jusqu’à ce que, surpris par un fort orage, il se perde et finisse par trouver refuge dans la modeste ferme de Richard (qui ignore l’identité de son hôte). Frappé par l’honnêteté du jeune homme, retrouvé par le nobliau et un autre courtisan, le Roi révèle à tous son identité, apporte la dot de mariage de Jenny et congédie le Milord assez vertement. Tout est bien qui finit bien.


Monsigny n’est pas Mozart, ni même Grétry: il n’a d’ailleurs jamais prétendu l’être... Pour autant, sa musique est du meilleur goût. L’orchestre d’Opera Lafayette, conduit avec soin et énergie par Ryan Brown, est excellent: les deux cors naturels illustrent magnifiquement la partie de chasse, les percussions (fort bien tenues par Michelle Humphreys) et la flûte piccolo de Colin St. Martin décrivent parfaitement l’orage, les cordes sont entraînantes à souhait... Les chanteurs tirent également plutôt bien leur épingle du jeu, à commencer par Dominique Labelle qui incarne la jeune Jenny. Sa belle voix claire alterne avec aisance virtuosité et tendresse (l’air «Le Milord m’offre des richesses, il m’offre des promesses») même si l’on peut regretter (cette remarque valant pour l’ensemble de la troupe) quelques problèmes de prononciation justifiant amplement le surtitrage français de l’œuvre.


Les deux héros offrent une prestation plus mitigée. Thomas Michael Allen, qui incarne le roi d’Angleterre, ne manque certes pas de prestance (son air «Dans les combats, le bruit des armes» est excellent) mais ses interventions ne sont pas si nombreuses au point de l’imposer sur scène. Quant à William Sharp (le fermier), ses débuts sont problématiques, sa voix étant fréquemment couverte par l’orchestre et sa diction étant difficilement intelligible. Son chant s’améliore néanmoins au fil de l’opéra et culminera, au troisième acte, dans un très beau «Ce n’est qu’ici, oui, ce n’est qu’au village», air où il loue la simplicité de sa vie contre les affres et les intrigues de la Cour. Le grand intérêt de cet opéra réside peut-être plus dans les personnages secondaires que dans les acteurs principaux: on saluera notamment le très beau chant de Thomas Dolié qui incarne un Rustaut (rustaud?) plus vrai que nature, ainsi que le prestation de Yulia van Doren (Betsy, qui n’est autre que la petite sœur de Richard), et de Delores Ziegler (son air «Monsieur, Monsieur, sauf vot’respect, faites-nous l’honneur» est truculent).


La relative déception du spectacle viendra donc non de la musique mais plutôt de la mise en scène, assez étrange. En effet, les passages parlés étant assez nombreux, le parti pris a été de confier les dialogues à deux comédiens, Didier Rousselet et Monica Neagoy (par ailleurs metteurs en scène), qui évoluent au milieu des chanteurs, ces derniers prenant alors des poses de statues muettes assez bizarres, si ce n’est ridicules. L’alliance qui en ressort enlève tout naturel à l’intrigue. Il en va de même du jeu des acteurs, souvent cantonnés à marcher en mesure par rapport à la musique ce qui, là aussi, ôte à la mise en scène tout effet de surprise. C’est dommage, d’autant que les décors (reprenant les décors historiques de la création, qu’il s’agisse de la forêt dans les deux premiers actes ou de l’intérieur de la ferme dans le troisième) et les costumes sont particulièrement soignés.


Mais ce n’est en fin de compte que peccadille. Le public applaudit en mesure au dernier air repris par l’orchestre tandis que les artistes viennent saluer sur scène: une vraie réussite dont on espère qu’elle aura d’autres suites. Lorsqu’une œuvre, bien que mineure, est servie avec autant de professionnalisme et d’enthousiasme, on ne peut qu’y courir et qu’applaudir.


Le site de l’ensemble Opera Lafayette
Le site de Thomas Michael Allen
Le site de Dominique Labelle
Le site de Thomas Dolié
Le site de Yulia van Doren
Le site de David Newman



Sébastien Gauthier

 

 

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