Votre navigateur est obsolète. Veuillez le mettre à jour avec la dernière version ou passer à un autre navigateur comme ChromeSafariFirefox ou Edge pour éviter les failles de sécurité et garantir les meilleures performances possibles.

Passer au contenu principal

Ouverture de saison au Grand Théâtre«La Cenerentola», une fable pour retrouver le souffle de l’opéra

Anna Goryachova en répétition de «La Cenerentola», dans une scénographie signée par Chantal Thomas et une mise en scène de Laurent Pelly.

Les dernières répétitions ont eu raison d’Anna Goryachova. Éreintée par les exigences qu’impose le personnage d’Angelina, figure centrale de «La Cenerentola», harassée aussi par l’incarnation plus que dynamique qu’a conçue pour elle le metteur en scène Laurent Pelly, la Russe demande l’indulgence. La photo, ce sera pour une autre fois, avec du maquillage et sans les traces de fatigue laissées par cette journée astreignante. Soit. Alors on file dans une petite salle du Grand Théâtre pour évoquer ses débuts à Genève, ce rôle qu’elle connaît si bien et cet opéra qui aurait dû prendre forme au mois de mai dernier et qui, conséquence de la pandémie, ouvre ce lundi la saison du Grand Théâtre. La cantatrice nous en parle dans un italien à peine teinté d’accent, avec une verve gourmande et le regard vif.

Quelles impressions vous laisse ce premier passage à Genève?

Le théâtre est très beau esthétiquement, à l’intérieur comme dans sa façade. L’acoustique de la salle me convient parfaitement aussi dans la mesure où il ne faut pas forcer plus que tant sa voix pour atteindre les rangées les plus éloignées. Enfin, il y a une très bonne ambiance dans les équipes de la maison, tant dans l’administration que chez les techniciens. Et puis la ville, elle est simplement magnifique. Je ne pouvais pas espérer mieux comme début.

Il y a quelques années, vous avez chanté ce même rôle à Oslo. Qu’est-ce qui a changé depuis dans votre approche du personnage?

Disons qu’entre-temps, depuis à peu près trois ans et demi, j’ai chanté des rôles plus lourds pour la voix, comme celui de Pauline par exemple, dans «La Dame de pique» de Tchaïkovski. Avec Angelina, on est dans un tout autre univers musical, qu’il faut retrouver sur le front vocal. Cette figure, telle que je lai incarnée, requiert aussi beaucoup dengagement physique. Les deux mises en scène auxquelles j’ai été confrontée, signée en 2017 par Stefan Herheim et aujourdhui par Laurent Pelly, mont fait et me font beaucoup courir sur le plateau. Vous imaginez combien cela est exigeant pour le souffle et pour le chant.

Est-ce que cela demande une préparation particulière?

Pas vraiment. Jusquà présent, je nai fait que régler finement ma voix aux requêtes du metteur en scène. Ma recette na pas changé: jaligne les vocalises et je travaille le souffle. En arrivant au rondo final, il faut que j’affiche la même fraîcheur qu’au début, la voix toujours agile depuis le si naturel dans l’aigu jusqu’au sol dans les graves.

Comment définiriez-vous la touche apportée par Laurent Pelly?

Son angle de lecture fait dAngelina une figure évoluant dans une sorte d’autisme, un peu comme si les événements qui la concernaient ne se produisaient que dans sa tête ou dans ses rêves. Le spectacle débute dailleurs avec des costumes contemporains, puis ils glissent progressivement vers un passé onirique, qui rappelle le XIXe siècle. Cest une conception séduisante et novatrice, qui change tout dans l’approche de mon rôle. À Oslo, l’autre Angelina était une figure presque maléfique, qui intriguait et semait la zizanie. Ici, elle est décollée de la réalité, elle vit dans une sorte dabstraction.

Comment est né votre goût pour l’opéra?

Tout a débuté dans les salles de théâtre, que je fréquentais enfant à Saint-Pétersbourg avec ma mère et ma grand-mère. L’opéra, je men souviens très bien, ne m’intéressait pas du tout à lépoque. Plus tard, en prenant mes premiers cours de piano à lâge de 9 ans, j’ai été repérée par une pédagogue, qui trouvait ma voix particulièrement basse et bien posée. Les années ont passé et un jour, alors que je m’orientais vers des études en psychologie, on ma demandé de remplacer dans une école de musique une soliste tombée malade. Ce fut un déclic: les rôles et les auditions se sont alors enchaînés rapidement et jai fini par minscrire au Conservatoire en tant que soprano. Ce fut une erreur qui ma beaucoup coûté au début. Il a fallu une master class en Bulgarie pour que la cantatrice Alexandrina Milcheva corrige le tir et me place parmi les mezzos. Tout a changé à partir de ce jour-là. J’ai poursuivi mes études à Rome, aux côtés de Renata Scotto, et ailleurs aussi. Ma carrière a pu enfin démarrer.

Qui étaient vos modèles durant cette période de formation?

J’adorais tout particulièrement Olga Borodina et Irina Arkhipova, deux grands exemples qui m’ont toujours inspirée. J’ajouterais encore Giulietta Simionato, un modèle elle aussi.

Est-ce que l’apparition du Covid-19 a changé la manière d’évoluer sur scène? Êtes-vous soumise à des restrictions?

Dans cette mise en scène il n’y a pas eu de changements notables. Les seuls concernent le chœur, qui évolue distancé du restant de la distribution. Dans les coulisses, en revanche, tous les techniciens de plateau et les membres du personnel travaillent avec le masque.

Comment avez-vous vécu la longue période de lockdown?

Avec fatalisme. Jen ai profité pour être plus présente auprès de ma fille. Et comme tant d’autres, nous avons fait des travaux domestiques qu’on n’a jamais le temps d’entreprendre. Ce fut en tout cas une période douloureuse, à cause des innombrables annulations de spectacles, bien sûr, mais aussi parce que la situation en Italie, où je vis, a été humainement très difficile et tendue.

Avez-vous entretenu votre voix durant ces mois d’arrêt?

Non, je n’ai rien fait. En reprenant après cette longue pause, j’ai senti que mes cordes vocales étaient bien rouillées. Comme pour les sportifs, labsence d’entraînement nous fait perdre beaucoup dacquis en un rien de temps. Alors, jai repris petit à petit, trois semaines avant de venir ici, en travaillant le souffle et les vocalises.

Quel nouveau rôle aimeriez-vous chanter dans un avenir proche?

Un personnage de Donizetti sans doute. Je sens que ma voix est enfin prête pour ce genre de répertoire. Une Elisabetta dans «Maria Stuarda» par exemple, ou tiens, une Léonor dans «La Favorite».

«Je m’orientais vers des études en psychologie et on m’a demandé de remplacer une soliste malade. Ce fut un déclic»

Anna Goryachova, mezzo-soprano

«La Cenerentola» de Gioacchino Rossini, Grand Théâtre, du lu 14 au sa 26 sept. www.gtg.ch