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Le retour de « Boccanegra » à l’Opéra Bastille ou la perfection d’une reprise

par Paul Fourier
13.03.2024

Le grand bateau de Boccanegra accoste de nouveau dans le vaisseau de Bastille. La mise en scène de Calixto Bieito est toujours sujette à débats, mais la distribution touche à l’idéal et la direction d’orchestre rend parfaitement les couleurs sombres de cet opéra mal aimé.

Boccanegra, le mal aimé

Dès le début, la fée opéra aura semblé bouder le berceau de Simon Boccanegra, l’opéra de Verdi qui suit Les vêpres siciliennes.
Créé à la Fenice de Venise, le 12 mars 1857, c’est alors, un échec retentissant, suivi de résultats guère plus convaincants à Reggio Emilia, à la Scala de Milan et à Florence. Fin du premier tableau !
Dans les années qui suivront, des critiques trouveront la partition de « couleur lugubre ». Le livret en prend pour son grade, le célèbre Filippo Filippi jugeant qu’il est « un de ces bâclages qui dépassent en sottise celui du Trouvère » ! En 1875, Verdi, lui-même, jugera son œuvre « triste et monotone », tout en précisant « L’œuvre est triste parce qu’elle doit être triste, mais elle est intéressante ».

 

En 1880, Verdi n’est plus tout à fait le même homme. Il a bien sûr muri et l’homme qui s’est toujours intéressé à la politique de son pays, n’est plus baigné, alors, par l’exaltation révolutionnaire.
Bien au contraire, à cette époque, c’est plutôt la désillusion qui semble régner chez celui qui est devenu Sénateur inamovible du Royaume d’Italie.
Est-ce cette maturité (ou le désir d’effacer l’échec de départ ?) qui permettent d’expliquer les raisons qui ont conduit Verdi à remettre l’opéra sur le métier et, à modifier alors un certain nombre de caractéristiques de ses personnages, notamment celui de Simon Boccanegra, voulu moins vindicatif et plus homme de paix.

Il est alors aidé par son nouveau librettiste, Arrigo Boito qui remplace Francesco Maria Piave, l’auteur de la première version. Boito ne se prive pas, néanmoins, de traiter Boccanegra de « table bancale où un seul pied (le prologue) tient debout ».

Même remaniée, il sera toujours reproché, à l’œuvre, à juste titre, une intrigue particulièrement confuse, voire rocambolesque, son côté inquiétant, la domination des voix graves et d’autres détails, comme un début d’opéra sous forme de récitatif déconcertant.

 

Le numéro de la revue L’avant-scène opéra qui est consacré à Simon Boccanegra résume bien l’affaire : « Si l’on fait abstraction d’une intrigue assez mal ficelée et d’une histoire d’amour qui ne nous passionne guère, c’est la dimension politique qui émerge de l’œuvre, et la confrontation austère entre deux personnages, Fiesco et Simon, et deux conceptions de la politique, l’une hiérarchique, traditionaliste, et l’autre plus libérale et plus ouverte. »

 

Aujourd’hui encore, pour de multiples raisons, on peut penser que Simon Boccanegra reste l’une des œuvres les plus difficiles de Verdi et l’une des plus mal aimées.

Boccanegra, homme de la mer et Doge

L’intrigue se base sur des faits historiques. À l’origine, au XIVe siècle, Simon Boccanegra est un marin et un marchand.
La ville de Gênes est la tête d’un véritable Empire dans lequel son commerce est florissant et elle concurrence alors, Venise, l’autre grande cité maritime. Néanmoins, la situation politique y est instable ; la lutte règne entre les Guelfes et les Gibelins et entre les « populaires » et les aristocrates.
Quoique d’origine « populaire » (en vérité bourgeoise et non aristocratique), Boccanegra va prendre le pouvoir et devenir Doge, une première fois en 1339, puis une seconde, en 1356.
Dans les deux cas, son Dogat va s’avérer impopulaire. Il mourra en 1363 ; et il n’est pas impossible qu’il ait été empoisonné.

 

De cette histoire, le dramaturge espagnol, Antonio Gutteriez (déjà à l’origine de l’intrigue tortueuse du Trovatore) a tiré une histoire assez alambiquée, histoire traduite en un livret guère plus compréhensible.

 

Quelques dimensions caractérisent l’histoire de l’opéra. Tout d’abord, la mer y est omniprésente. On la retrouve, à de nombreuses reprises, évoquée dans les dialogues (et notamment de la bouche du Doge). Elle semble représenter le passé regretté de Boccanegra, celui d’avant ses responsabilités politiques.
La deuxième dimension est le rapport de Simon avec deux femmes, son épouse Maria, qui meurt, lors du prologue, et sa fille, Amélia (mais également Maria)… qui s’avère donc, être la petite fille de son ennemi Fiesco.
La troisième dimension qui caractérise les actions de Boccanegra est une propension à essayer de régler les conflits, à vouloir la paix.
À cet égard, il convient de lire attentivement le « discours politique » (« Plebe ! Patrizi ! Popolo ! ») qu’il énonce lors de la grande scène du Conseil qui clôture l’acte I. Plus tard, il citera également le poète Pétrarque qui fut un ardent militant de la paix entre Gênes et Venise.

Toutes ces dimensions font de Boccanegra un homme menacé par ses ennemis, sans cesse partagé entre passé et présent. À juste titre, Calixto Bieito le peint comme un être torturé.

Le manque de lisibilité de la mise en scène de Bieito

Le metteur en scène catalan, qui vient de nous offrir une production passionnante et unanimement saluée de L’Ange exterminateur, n’est pas homme à agir au hasard. Et les dimensions évoquées sont, à n’en pas douter, les bases de son travail qui se décline en un décor (de Susanne Gschwender) et des vidéos, (conçues par Sarah Derendinger), des costumes (d’Ingo Krügler) et une direction d’acteur.

 

Le décor consiste en une gigantesque proue de bateau qui tourne en quasi permanence sur le plateau. Si l’on suit les propos de Bieito figurant sur le programme de salle, cela fait bien entendu référence au passé de marin de Boccanegra, mais également à son univers mental dans lequel évoluent différents personnages : Maria, Amélia, lui-même…
Maria, morte, est un fantôme qui le hante, mais Amélia, bien vivante, le hante aussi, en tant que fille disparue et de progéniture de Maria et de lui-même.

 

Autour de ce décor, les autres personnages apparaîssent et s’évanouissent comme des ombres. Ils sont tous les personnages d’une pièce qui semble se dérouler dans l’esprit de Boccanegra (ce dont témoigne son visage régulièrement projeté en gros plan). Les costumes, si communs soient-ils, sont ceux de ce peuple qui vient tantôt conspuer, tantôt soutenir son Doge d’origine « populaire ».
Le réel problème, c’est que d’une intrigue assez absconse, due à Piave, Boito et Verdi, Bieito a tiré une mise en scène qui aurait pu être passionnante si elle avait été plus lisible et moins répétitive tant il s’est laissé enfermer dans ce décor bien trop monumental. Car, sans contexte, il a su traduire, mais, cependant, avec de nombreuses maladresses, toute la noirceur de l’opéra.
Quant à la direction d’acteurs, elle est affutée et portée par des acteurs absolument, remarquables ! À commencer, bien sûr, par Ludovic Tézier…

Ludovic Tézier, un Doge d’exception

Son incarnation physique et vocale de Simon Boccanegra se révèle stupéfiante. À chaque instant, en totale crédibilité, il joue un homme en proie à ses démons intérieurs, démons qui justifient ces actes tant sur le plan personnel (vis-à-vis notamment de sa femme et de sa fille), que sur le plan politique.
Vocalement, Ludovic Tézier confirme que Verdi est « son » compositeur, celui dont il ressent et exprime les moindres dimensions des personnages complexes (même lorsque ceux-ci évoluent dans une intrigue bancale). La voix possède la couleur idéale, justement placée entre les tessitures des deux « méchants », Fiesco et Paolo.
Elle sait se faire autoritaire, et aussi plonger dans des affres de souffrance, alors même qu’il s’effondre ou murmure « Maria » au moment de mourir.
Son air, aux connotations politiques (« Plebe! Patrizi! Popolo »), celui qui exprime la dimension publique du Doge, est un moment d’exception. Quant à la scène du songe, elle nous donne un instant de dépression, parfaitement scandé par le délire qui le saisit.

Tézier qui a déjà été un Boccanegra impressionnant en 2018, semble être arrivé au sommet d’une interprétation historique du personnage. Rien que sa présence justifie de retourner voir cette production. Sa présence, à elle-même, justifie de retourner assister à ce Boccanegra.

Mais, pas que ! Puisqu’il est, aussi, magnifiquement entouré.

Une distribution de haute volée

En Amélia-Maria, Nicole Car n’a peut-être pas la rondeur vocale qui était celle de certaines de ses prédécesseures, (notamment dans sa cavatine d’entrée « Come in quest’ora bruna »).

Dans certaines parties du registre, la voix peut aussi avoir tendance à s’effacer un peu. Cela n’empêche pas son incarnation d’être de haute volée. Dramatiquement, déjà, elle peut sans peine se fondre dans un personnage magnifique, l’une des plus belles des incarnations féminines de Verdi ; cette jeune fille au destin tragique, sans cesse écartelée, entre conflits et amours contradictoires.
La scène de la révélation de ses origines est un modèle de chant, sensible et douloureux, où elle peut s’appuyer sur son registre grave, comme sur ses aigus diaphanes. Son retour, ensanglantée, alors qu’elle vient d’échapper à son enlèvement, atteint un très grand degré d’émotion, tout comme les passages où elle doit endurer les révélations successives ou contenir les ardeurs de Simon ou de Gabriele.

 

Dans le rôle de Fiesco, Mika Kares (qui inaugura la mise en scène aux côtés de Tézier) est tout aussi admirable. Sa voix grave convient à la perfection au père blessé, mais irascible (dans « Il lacerato spirito » au premier acte) ou au vieillard vengeur, mais elle sait aussi se fondre avec celle de Tézier dans un final absolument bouleversant entre deux hommes âgés qui font le bilan désastreux de leur relation. Tout au long de la représentation, lui, comme le baryton, excelle dans une forme de « parlar cantando » assez typique de l’œuvre.

Du rôle probablement le plus conventionnel et monolithique de l’opéra (le seul qui ne fut pas touché par le remaniement de 1880 et reste imprégné de l’écriture antérieure de Verdi), celui de Gabriele Adorno, Charles Castronovo parvient à trouver une caractérisation très juste à l’occasion de son grand air « O inferno ! Amelia qui ! (…) Sento avvampar nell’anima », dans lequel il alterne rage vengeresse et pensées pour l’être aimé.
Certes, la voix est parfois un peu sourde au début et il n’est pas toujours à l’aise dans les aigus, mais la couleur sombre de son timbre se marie parfaitement avec les ambiguïtés de ce personnage qui n’agit que par « à-coups » passionnels.

 

De son côté, Étienne Dupuis sait se fondre dans le personnage particulièrement ingrat de Paolo, auquel Verdi n’a réservé que des interventions très sombres (notamment lors de son solo « Me stesso ho maledetto ! E l’anatéma » où il annonce, dans la noirceur, le futur Iago d’Otello) et il trouve un très beau complice avec le Pietro d’Alejandro Baliñas Vieites, membre de la troupe lyrique de l’Opéra de Paris qui, opéra après opéra, confirme son appréciable talent.

L’œuvre regorge de duos tous plus passionnants les uns que les autres (tels ceux entre Amélia et Gabriele, entre Gabriele et Fiesco, entre le Doge et Amélia et, bien sûr, entre Boccanegra et Fiesco). Quels que soient les interprètes, chacun de ces duos trouve la justesse et l’intensité voulue.

L’orchestre et un chœur aux couleurs d’une œuvre crépusculaire

Lors du prologue, l’orchestre dirigé par Thomas Hengelbrock ne paraît pas idéalement réglé, en particulier du côté des cuivres. Mais, par la suite, souvent avec une battue assez lente, le chef va s’attacher à faire ressortir tous les contrastes du drame, n’hésitant pas à faire, par moments, surgir les sons violemment (notamment lors des moments de « révélations ») et restant, en permanence, en tension, mais en total respect des chanteurs tant lors des duos que des solos.
L’ampleur de la musique (qui s’accorde, quoi qu’on en dise avec le décor monumental) est stupéfiante et rappelle que la seconde version de l’opéra est celle d’une écriture qui s’est insérée entre celles d’Aïda et d’Otello.
La grande scène du Conseil – avec solistes et chœur – est, à cet égard, prodigieuse.

 

Quant au Chœur, parfaitement dirigé par Alessandro Di Stefano, dont les accents peuvent parfois se rapprocher de ceux de Macbeth ou de ceux d’Otello, il montre sa forte présence, notamment lors de la scène du Conseil où il fait masse face au public, puis en terminant sur un « Sia maledetto » tout à la fois, susurré et stupéfiant.

 

Au final, il pourrait y avoir des motifs de ne pas aller voir Simon Boccanegra (le côté crépusculaire et l’aridité de l’œuvre et, pour certains, un mauvais souvenir de la mise en scène). Mais, les raisons d’y aller sont aujourd’hui autrement plus convaincantes et, compte tenu de l’enthousiasme du public de la première, l’on ne peut qu’affirmer : « Précipitez-vous à cette reprise » !

Visuels : © Vincent Pontet / ONP

Trailer de la création en 2018.

 

Pour approcher de plus près cette œuvre, lire le passionnant numéro N°19 de la revue L’avant-scène opéra consacré à Simon Boccanegra.