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Le retour aux sources de « Beatrice di Tenda » à Paris

par Paul Fourier
14.02.2024

L’appropriation de l’opéra de Bellini par l’Opéra de Paris est passionnante à plus d’un titre. Mais en adoptant un retour à une partition plus austère, elle peut susciter l’incompréhension de certains amateurs de bel canto, nourris depuis des années par une autre approche, plus centrée sur la virtuosité vocale du personnage principal.

Un opéra mal-aimé, mais une histoire passionnante

Beatrice di Tenda a longtemps fait les frais d’une réputation peu flatteuse. Seul opéra de Bellini à avoir véritablement connu l’insuccès de son vivant (Bellini s’éteindra, rappelons-le, 2 ans plus tard), souffrant des similitudes avec la Anna Bolena de Donizetti (créée à Milan en décembre 1830), l’œuvre a souvent fait figure de parent pauvre à côté de Norma, en 1831 (dont les débuts furent néanmoins également difficiles) ou des Puritani, en 1835, les deux opus qui l’encadrent temporellement.

 

Et pourtant… s’il est moins directement spectaculaire que les deux œuvres précitées, il s’inscrit, à juste titre, dans l’histoire de la révolution belcantiste / romantique ; les airs de Béatrice comme ceux de Filippo ainsi que plusieurs scènes de groupe et de chœur sont magnifiques, l’intrigue est passionnante, les transitions sont parfaites.

De surcroît, avec son action resserrée, le livret, moins caricatural qu’à l’habitude, sort des sentiers battus par l’utilisation d’un langage fait de non-dits, permettant de garder une part de mystère sur les sentiments et motivations des personnages.

 

L’histoire de Beatrice nous est moins familière que celle d’Anna Bolena, la femme d’Henry VIII, accusée d’adultère qui finit sur l’échafaud. Si la raison et les moyens employés pour l’exécution de la femme sont similaires, les deux féminicides ne s’appuient pas sur la même symbolique. La femme d’Henry VIII était chez Donizetti une génitrice devenue embarrassante pour le souverain.

La véritable histoire de Beatrice di Tenda – qui se situe dans une période aussi violente que brillante – elle est celle de Donatello et de Botticelli -, montre le cheminement d’une femme devenue politiquement importante à la mort de son mari, l’un des plus puissants condottieri de son époque qui était parvenu à contrôler le duché de Milan.

Lorsque Filippo Maria Visconti épouse Beatrice, il perçoit une dot monumentale et l’obéissance de nombreuses villes lombardes. La duchesse est alors une véritable femme de pouvoir, une femme qui se livre à des actions militaires et est en contact avec l’Empereur romain germanique Sigismond. C’est également une femme dont les proches étaient susceptibles de se soulever contre Filippo, ce qui représentait une menace pour son époux.

Après avoir assis son pouvoir, son mari employa le moyen arrangeant de l’accusation d’adultère pour la faire exécuter ainsi que son prétendu « amant » Orombello. Dans une logique patriarcale, elle rejoignait ainsi la longue cohorte des femmes décapitées dans le seul but de renforcer l’assise (ici politique) du mari.

Une période de Révolutions

De 1810 à 1840, l’Europe se passionne pour l’Italie sombre de la Renaissance avec ses poisons et ses complots ; en 1833, Victor Hugo écrit Lucrezia Borgia qui deviendra, par la suite, un superbe opéra de Donizetti.

Beatrice possède donc les caractéristiques propres à représenter un symbole, symbole d’abord exploité, en 1825, par le dramaturge Carlo Tedaldi-Fores. Car, de surcroît, cette femme puissante dont la mort s’avère finalement constituer une forme de victoire, peut également incarner les aspirations émancipatrices de l’époque du pré-Risorgimento.

C’est le temps où l’Europe continue d’être secouée de tremblements et l’environnement politique de Bellini est aussi celui des journées révolutionnaires des Trois glorieuses (les 27, 28 et 29 juillet 1830).

 

Dans le même temps, en 1831, l’armée autrichienne vient de reprendre possession de toute la péninsule italienne. Et la rébellion qui, dans le livret, couve, contre le tyran, dans l’intrigue de l’opéra, au moment de la mort de Beatrice, n’est sûrement pas sans résonances avec les aspirations des Italiens, aspirations qui se concrétiseront avec la future unité italienne.

Ajoutons à ce contexte passionnant le fait que Bellini dispose alors des talents de l’immense Giuditta Pasta, créatrice des rôles titres de Norma et d’Anna Bolena et que l’on peut légitimement penser que Beatrice di Tenda a été écrit, avant tout pour elle.

Seulement, le personnage qui va gripper le processus se nomme Felice Romani, le grand librettiste de tant de chefs d’œuvre de cette période, qui livrera là son travail avec des retards catastrophiques. Les conditions difficiles de la genèse peuvent expliquer, sans doute, l’échec de la création.

Une nouvelle édition critique et des débats…

C’est là que le débat musical peut s’emparer de Beatrice di Tenda.

Car, à la suite de l’échec, Bellini (mais aussi, en parallèle, Ricordi son éditeur) va modifier la partition, mais l’entreprise ne connaîtra pas, semble-t-il, de conclusion définitive en raison de la mort du compositeur.

Il ne s’agit pas ici de trancher la question de la légitimité de telle ou telle version, mais, toujours est-il que la nouvelle édition présentée à Paris à l‘occasion de cette production, s’écarte clairement de la plupart de celles que nous connaissons, des versions qui, notamment avec Sutherland, Anderson, Gruberova, Devia et dernièrement Pratt à Naples, faisaient la part belle au chant belcantiste orné de variations et de vocalises.

 

Indéniablement, cette nouvelle version « parisienne », qui s’appuie sur le manuscrit autographe figurant à la bibliothèque du conservatoire Santa Cecilia de Rome (ainsi que sur des copies manuscrites et deux exemplaires imprimés importants) s’affranchit significativement de ces options. Selon les mots du musicologue Franco Piperno, elle rétablit « la forme définitive que Bellini entendait donner à son opéra », une forme qui avait été mise à mal par une pratique d’exécution qui s’est imposée avec le temps. Ce rétablissement privilégie donc un dramatisme nettement en continuité avec celui qui prévalait avec Norma. L’On ne peut, bien sûr, nier que cela ne peut que heurter les oreilles de ceux qui ont été « biberonnés » aux versions citées plus haut.

Il n’empêche que le résultat est fascinant, car il apporte une pierre précieuse à ce que put être le bel canto bellinien.

Une direction et une distribution totalement adaptées 

Le choix de cette version plus épurée, et par conséquent, plus dramatique, a conduit à des choix drastiquement différents pour la direction et la distribution, en comparaison avec ce que l’on a l’habitude d’entendre.

Le rythme de la battue du chef est globalement lent, voire très lent, et les voix sont plus proches de répertoires plus lourds et postérieurs à Bellini, que du bel canto classique.

 

L’on doit avouer que le choix de faire appel à Tamara Wilson, s’il est, a priori, surprenant, surtout après qu’elle ait brillé en Turandot en novembre dernier, s’avère totalement pertinent.

La soprano dispose d’une souplesse dans la voix – qui évolue principalement dans le haut médium et dans l’aigu – souplesse qui, alliée à la puissance, est de nature à donner une présence vocale et scénique importante à Beatrice.

 

Son air d’entrée (« Ma la sola, ohimé ! ») est à la fois solide, et s’appuie également sur une belle capacité à varier son chant.

Si, à ce moment, l’on peut lui reprocher de fugaces problèmes de stabilité – voire de justesse – et un certain manque de rondeur dans la voix, dans sa cavatine d’entrée, l’on ne saurait lui tenir rigueur d’une économie dans la virtuosité dans la cabalette, économie qui découle du choix de la partition… d’autant que ladite cabalette est, malgré cela, parfaitement exécutée.

 

Plus tard, l’arioso « Deh ! se m’amastui un giorno », dans lequel elle parvient à alléger complètement sa voix et à user de sons filés est absolument admirable.

Elle assure ensuite crânement la fin violente de l’acte I puis se sert de superbes demi-teintes dans la scène clé où elle constate les douleurs d’Orombello et se bat alors pour sauver leurs vies.

Le récitatif qui ouvre la grande scène finale est très émouvant et cette scène (accompagnée un moment d’une banda) est magistrale, l’artiste utilisant alors la totalité de ses nuances vocales et de son jeu dramatique… même si (partition oblige), l’on est forcément frustré de la fin un peu abrupte causée par l’absence de reprise de la cabalette finale.

 

En Filippo, Quinn Kelsey est le deuxième chanteur qui peut déconcerter, car on peut attendre dans le rôle un baryton à la voix plus souple. Pourtant, en époux, dès le début hostile à sa femme, s’il possède la noirceur et la violence naturelle, il a aussi un beau legato et sait traduire des accents de résignation bienvenus pour les quelques doutes ou remords qui l’assaillent.

Malgré un jeu théâtral assez contraint par la mise en scène de Sellars, il est exemplaire dans le rôle pendant tout l’opéra atteignant un paroxysme et usant de silences opportuns dans la grande scène du doute, alors qu’il hésite entre la grâce et l’exécution de sa femme et du jeune homme.

 

Il en ressort que même si leur présence dans les deux rôles ne semblait pas, a priori, totalement naturelle, le talent de Wilson et de Kelsey, ainsi que l’épaisseur de leurs voix ont donné aux duos entre Filippo et Beatrice (dont le premier long « E quali ? Spergiura ! Ingrata !) un magnifique impact dramatique, d’autant qu’elle n’a pas reculé devant quelques suraigus parfaitement timbrés lorsqu’il s’agit d’affronter son mari et de défendre son honneur.

Incontestablement, à la fin de la soirée, il parut comme une évidence que c’est bien d’eux qu’a émané l’esprit de cette iconoclaste renaissance de Beatrice di Tenda !

 

En Agnese, la rivale, Theresa Kronthaler, si elle ne possède pas un timbre particulièrement pulpeux, démontre une belle technique belcantiste, notamment avec de très beaux sons filés dans sa romance d’entrée, faisant ensuite montre de ses qualités pour assurer le duo avec Orombello ainsi que, plus tard, avec Filippo.

 

Orombello est incarné par Pene Pati. Le rôle est court et ne lui laisse malheureusement pas tant d’occasions de montrer son talent dans un répertoire qui lui convient pourtant parfaitement.Il brille déjà dans les deux duos avec Agnese et Beatrice. Le timbre est lumineux et la capacité expressive est ensuite particulièrement remarquable, au moment où il réapparait sur scène après s’être fait torturer. Enfin, son aigu final, piano, au moment de mourir sera absolument admirable.

Aminai Pati est également exemplaire dans le rôle d’Anichino et il va sans dire que la scène où il soutient Orombello mourant, prend une dimension d’autant plus émouvante qu’elle est renforcée par la fraternité des deux acteurs.

Dans Beatrice di Tenda, les interventions du chœur (ou plutôt des chœurs féminins et masculins qui chantent rarement à l’unisson) sont d’une grande importance. Ils sont présents dès le tout début (avec les courtisans) puis, vont se décliner en dames de compagnie de la Duchesse au chant harmonieux et enveloppant, ou encore en soldats.

Le chant par moments peut se rapprocher des grands passages choraux du « jeune » Verdi (Macbeth). Puis, au début de l’acte II, les chœurs féminins et masculins sont sollicités pour une hallucinante scène détaillée – et probablement la plus violente description de scène de torture de toute l’histoire de l’opéra. La façon dont femmes et hommes se répondent alors, en traduisant la perception de l’horreur de la situation est particulièrement remarquable, signe de l’excellente préparation de la formation par Ching-Lien Wu.

Leurs interventions sont aussi magistrales dans la grande scène qui voit Orombello martyrisé et scelle le sort de Beatrice. Enfin, si elle semble un peu gratuite, c’est une riche idée d’avoir placé les chœurs dans les étages supérieurs de l’Opéra Bastille pour accentuer leur effet vocal à un moment clé de la soirée.

Éloge de la lenteur et des silences

Dans la fosse, il faut saluer le travail remarquable de Mark Wigglesworth dont la main n’hésite pas jouer le jeu de cette nouvelle édition, imprimant là une marque, en opposition avec nombre de chefs qui l’ont précédé dans cette œuvre.

S’il a pu être sifflé aux saluts, c’est en raison, on le suppose, de la lenteur de sa direction, une lenteur qui a, pourtant, été plus qu’appréciable dans une optique renouvelée de la partition. Ainsi, à tout moment, il offre une somme infinie de respirations dans une musique qui les supportent parfaitement dans une logique plus dramatique et emphatique. Il donne aux ensembles une ampleur inespérée, notamment dans le fabuleux final de l’acte I qui rappelle celui des Capuleti e Montecchi du même Bellini.

Le traitement de la scène où apparaît Orombello ensanglanté est superlatif ; la lenteur d’exécution souligne alors, l’effet de sidération des témoins devant les dégâts de la torture et permet d’apprécier la richesse de la composition bellinienne ponctuée par les voix des protagonistes.

 

Reste la mise en scène de Peter Sellars qui, s’il a déclaré être fasciné par cette œuvre, semble pourtant ne pas avoir su impulser une dynamique suffisante pour porter l’ensemble d’une représentation. Bien sûr, dans ce labyrinthique jardin anglais comme décor unique, on peut voir l’enfermement des personnages, enfermement physique et psychologique. Les scènes de violence qui montrent que l’usage de la torture est, somme toute, atemporel sont suffisamment saisissantes. Mais l’affirmation de la violence sexiste reste, elle, souvent à l’état d’ébauche.

Certes, la direction d’acteurs, extrêmement simple, est souvent très efficace, notamment dans la mise en scène de la douleur. Il en est de même pour certains mouvements de foule très bien chorégraphiés. Mais globalement, Sellars se retrouve très vite lui-même enfermé dans le décor (de George Tsypin) et dans un certain nombre de scènes répétitives (les passages successifs des sbires avec leurs fusils). Ainsi, il est vraiment regrettable alors que nous bénéficiions d’une musique renouvelée, que le metteur en scène n’ait pas véritablement su donner une illustration théâtrale qui puisse sortir l’intrigue des sentiers battus.

Il n’empêche, cette arrivée parisienne de Beatrice di Tenda est une admirable réussite !

Au bout de compte, après avoir réalisé dernièrement, avec succès, des reprises importantes (Turandot, Traviata, Adrienne Lecouvreur), l’Opéra de Paris est parvenu à emprunter le chemin de re-création d’un opéra assez méconnu et, qui plus est, avec l’audace d’une nouvelle édition de référence. L’on en sort avec le sentiment de redécouvrir une œuvre bien maltraitée par le temps, une œuvre que de nouvelles recherches musicologiques permettent de faire apparaître sous des jours très différents.

Que cela ne satisfasse pas tout le monde est un fait, que cela indique que la maison parisienne est, aujourd’hui, à la pointe des établissements lyriques en est un autre. Beatrice di Tenda, c’est jusqu’au 7 mars à l’Opéra de Paris- Bastille. Qu’on se le dise !

Visuels : © Franck Ferville / OnP