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Mélancolie quand tu nous tiens

Zurich
Opernhaus
02/11/2024 -  et 14, 16, 18, 20, 25 février, 1er, 5, 7, 10, 12, 14 mars 2024
Franz Lehár : Die lustige Witwe
Martin Winkler (Baron Mirko Zeta), Katharina Konradi (Valencienne), Michael Volle (Graf Danilo Danilowitsch), Marlis Petersen (Hanna Glawari), Andrew Owens (Camille de Rosillon), Omer Kobiljak (Vicomte Cascada), Nathan Haller (Raoul de Saint‑Brioche), Valeriy Murga (Bogdanowitsch), Maria Stella Maurizi (Sylviane), Chao Deng (Kromow), Ann-Kathrin Niemczyk (Olga), Andrew Moore (Pritschitsch), Liliana Nikiteanu (Praskowia), Barbara Grimm (Njegus)
Chor der Oper Zürich, Ernst Raffelsberger (préparation), Philharmonia Zürich, Patrick Hahn (direction musicale)
Barrie Kosky (mise en scène), Klaus Grünberg (décors et lumières), Anne Kuhn (assistante aux décors), Gianluca Falaschi (costumes), Kim Duddy (chorégraphie), Fabio Dietsche (dramaturgie)


(© Monika Rittershaus)


Barrie Kosky a été initié à l’opérette par sa grand-mère hongroise, laquelle lui a fait écouter quantité d’enregistrements. C’est sûrement ce qui explique pourquoi, durant son mandat de directeur de la Komische Oper de Berlin, le metteur en scène australien a signé de nombreuses productions d’ouvrages légers, à commencer par Ball im Savoy en 2013, suivi de beaucoup d’autres œuvres qui avaient toutes pour point commun d’avoir un lien avec l’histoire de la capitale allemande. Au bout de dix ans, arrivé au terme de son mandat, Barrie Kosky a décidé de s’émanciper de Berlin et a accepté de monter, coup sur coup, La Chauve‑Souris à Munich pour les fêtes de fin d’année, puis La Veuve joyeuse à Zurich.


Pour Barrie Kosky, le chef‑d’œuvre de Franz Lehár est teinté de mélancolie de bout en bout car les deux protagonistes, Hanna Glawari et le comte Danilo, n’ont pas pu vivre leur histoire d’amour. Ils se sont connus alors que cette dernière n’était qu’une femme modeste, bien avant qu’elle hérite des millions de son défunt mari ; mais la famille du comte s’est opposée à un mariage considéré alors comme une mésalliance. Au début du spectacle, avant même que s’égrènent les premières notes de la partition, Hanna Glawari est installée devant un piano. Perdue dans ses pensées, elle se remémore ses années de jeunesse : un essaim tourbillonnant de danseurs en smoking viennent l’enlacer, la soulever et l’entraîner dans une danse particulièrement rythmée, façon cabaret. Puis l’opéra débute à proprement parler. L’intrigue est connue : à l’ambassade parisienne de la principauté de Pontévédro, une réception est donnée en l’honneur d’Hanna Glawari, une riche veuve pontévédrine que tous voudraient voir remariée à un de ses compatriotes afin que la fortune de son défunt mari ne quitte pas le pays. Le comte Danilo a été chargé de la séduire. Mais il y a un hic, on l’a dit : Danilo et Hanna se connaissent déjà et se retrouvent bien des années plus tard, regards gênés, gestes maladroits, n’arrivant pas à communiquer leurs sentiments et à dire qu’ils s’aiment encore et toujours. Chacun de leurs face‑à‑face est un régal en soi, Barrie Kosky ayant particulièrement soigné la direction d’acteurs.


Lorsque s’éteignent les dernières notes de la partition et que l’opéra se termine sur le happy end des retrouvailles entre Hanna et Danilo, le metteur en scène a eu une idée de génie : par un coup de théâtre magistral, on retrouve Hanna devant son piano, triste et mélancolique, serrant une photo de Danilo dans ses bras. On imagine que les retrouvailles n’ont pas duré longtemps. D’ailleurs, ont‑elles jamais eu lieu et ne seraient‑elles que le fruit de l’imagination d’Hanna ? La tristesse côtoie toujours la joie dans la mise en scène de Barrie Kosky, et c’est ce qui fait la réussite et la force de son spectacle. De surcroît, plusieurs fois au cours de la soirée, des passages joyeux sont d’un seul coup stoppés net et suivis de longs moments de silence. Vertigineux. Pour le reste, le metteur en scène a signé une production fluide et sans absolument aucun temps mort, avec énormément de personnages sur scène, dont une troupe de danseuses et de danseurs époustouflants, et avec aussi des costumes bariolés somptueux, surtout les coiffes portées par les dames, un régal pour les yeux. Et cerise sur le gâteau, le spectacle est ponctué de dialogues particulièrement drôles, jamais vulgaires et déclenchant régulièrement les fous rires du public.


Pour les deux rôles principaux d’Hanna et de Danilo, Barrie Kosky a choisi des chanteurs avec lesquels il a déjà travaillé : Marlis Petersen, la Maréchale de sa production du Chevalier à la rose à Munich, et Michael Volle, Hans Sachs des Maîtres chanteurs à Bayreuth. Il a voulu des interprètes d’un certain âge pour rendre crédible leur histoire antérieure. Marlis Petersen est une Hanna mélancolique et désabusée, parfois même carrément frustrée car elle peut avoir des réactions violentes ; le chant est clair et nuancé, tout est parfaitement contrôlé, un peu trop peut‑être, on aurait aimé davantage de spontanéité. Michael Volle est un Danilo au timbre sonore et énergique, un Danilo qui, sous ses airs joyeux et insouciants, cache, lui aussi, une blessure amoureuse. Parmi les seconds rôles, on retient la Valencienne espiègle et enjouée de Katharina Konradi, le Rosillon aux aigus lumineux d’Andrew Owens ainsi que le truculent Baron Mirko Zeta de Martin Winkler. Dans la fosse de l’Opernhaus, Patrick Hahn livre une interprétation tout à la fois dynamique et nuancée, en parfaite harmonie avec la mise en scène. Un spectacle revigorant, enthousiasmant d’intelligence et de cohérence.



Claudio Poloni

 

 

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