altamusica
 
       aide















 

 

Pour recevoir notre bulletin régulier,
saisissez votre e-mail :

 
désinscription




ENTRETIENS 28 mars 2024

George Petrou Ă©lectrise Farnace

Une mise en scène d’un opéra de Vivaldi est toujours un événement. S’agissant de l’ultime version de Farnace, restituée dans toute sa splendeur par un enregistrement paru à l’automne, c’est même un aboutissement. À l’Opéra du Rhin, Diego Fasolis cède la fosse au jeune chef grec George Petrou, révélé par d’électrisantes intégrales d’opéras de Haendel.
 

Le 10/05/2012
Propos recueillis par Mehdi MAHDAVI
 



Les 3 derniers entretiens

  • Ted Huffman,
    artiste de l’imaginaire

  • JĂ©rĂ´me Brunetière,
    l’opéra pour tous à Toulon

  • Jean-Baptiste Doulcet, romantique assumĂ©

    [ Tous les entretiens ]
     
      (ex: Harnoncourt, Opéra)


  • Comment vous ĂŞtes-vous appropriĂ© cette production de Farnace, que vous ne deviez pas diriger Ă  l’origine ?

    Lorsque je suis arrivé, rien n’avait encore été fixé, et j’ai pu prendre part à toutes les rencontres préalables. Farnace est l’un des plus beaux opéras de Vivaldi, non seulement sur le plan musical, mais aussi de la vraisemblance dramatique, qui contraste avec la complexité des livrets du XVIIIe siècle.

    L’intrigue se noue autour du roi Farnace et de sa femme Tamiri d’une part, et de la lutte entre Rome et le Pont d’autre part. Elle peut parler à un public d’aujourd’hui, dans la mesure où elle évite les pièges des conventions baroques, par exemple le travestissement, pour se concentrer sur la psychologie des personnages. Malheureusement, la plupart des opéras du XVIIIe siècle souffrent de la faiblesse des livrets.

    Dans Giustino de Vivaldi, la princesse Leocasta est délivrée des griffes d’un ours par le héros éponyme, qui tue ensuite un monstre marin… Il est passionnant d’imaginer comment ces scènes étaient représentées à l’époque. Mais quel intérêt pour des spectateurs qui ont vu Star Trek ou le Seigneur des anneaux au cinéma ? À moins d’investir dans une production comme celle du Roi Lion, qui ne serait pas rentable. Non que ces œuvres ne vaillent pas la peine d’être mises en scène, mais le public aspire à davantage d’intimité.

    Travailler avec une légende de la danse telle que Lucinda Childs est très stimulant. C’est une personne merveilleuse, douce et sereine, qui prend en compte de l’opinion des autres. J’ai dirigé beaucoup d’opéras, et je peux vous assurer qu’il n’est pas si facile de trouver des collègues qui ont le désir de collaborer, et non de camper sur leurs positions. Cette production bénéficie d’un véritable esprit d’équipe.

     

    La chorégraphie impose-t-elle des contraintes au niveau des tempi ?

    Il faut arriver avec une idée claire, et s’y tenir. Si les danseurs commencent à un certain tempo, on ne pourra pas expérimenter des mouvements extrêmes durant les répétitions. C’est un peu restrictif, mais j’aime tellement le ballet !

     

    La plupart des chanteurs de la distribution ont enregistré et interprété leurs rôles en concert.

    Ils sont très ouverts d’esprit. Vivica Genaux, qui n’a chanté Gilade qu’en concert, ne fait pas la même chose que Karina Gauvin sur le disque. Et nous allons explorer ensemble une nouvelle direction, de même qu’avec Max Emanuel Cencic, qui a enregistré et incarné le rôle-titre plusieurs fois en concert. Je respecte le travail réalisé par mes collègues, mais il faut toujours aller de l’avant, pour éviter l’ennui.

     

    Utilisez-vous la mĂŞme Ă©dition de la partition que sur le disque ?

    Les principaux changements concernent le dernier acte, reconstitué par Diego Fasolis et Frédéric Delaméa. Puisque nous coupons certains récitatifs, j’aurais dû arranger une reconstitution, ce qui n’a pas de sens. J’ai donc réécrit des récitatifs, en accord avec nos coupures. Pour les versions destinées à la scène, je suis généralement partisan des coupures, mais dans cet opéra, il ne manquera aucune aria.

     

    Qu’en est-il des ornements ?

    Je les écris, pour la plupart. Certains chanteurs viennent avec les leurs, mais je tiens à préserver une certaine unité. Il faut faire preuve de fantaisie, sans pour autant rechercher la prouesse technique. Mon but n’est pas de rendre les choses encore plus difficiles, mais plus belles, si c’est possible. Je ne prétends être meilleur que Vivaldi ou Haendel, mais simplement me conformer à la pratique du XVIIIe siècle. Cette beauté à laquelle nous aspirons s’exprime non seulement à travers la pureté, mais aussi la surprise, le drame, la dureté, voire la laideur. C’est un processus très créatif, sans lequel je ne pourrais vivre. La musique plus tardive nous prive de cette liberté.

     

    Quelles sont les particularités de l’orchestre vivaldien ?

    Vivaldi était un des plus grands violonistes de tous les temps, et son écriture pour les cordes est très impressionnante. Il sait tirer le maximum de l’orchestre. Farnace requiert également des hautbois, des trompettes, et une basse continue luxueuse, avec deux clavecins, un violoncelle, une contrebasse et un théorbe. Le Prêtre roux n’emploie pas d’instruments spéciaux, comme le psaltérion dans Giustino. Il recherche plutôt un caractère grandiose et guerrier.

     

    Les musiciens de Concerto Köln sont plus connus pour leurs interprétations du répertoire allemand. Qu’apporteront-ils à cette musique ?

    Il s’agit de notre première collaboration, et je suis très impatient de les découvrir. Chaque orchestre est comme un instrument. Il faut en jouer en fonction de ce dont il est capable. Les idées se développent en fonction du son qu’il donne à entendre. C’est une des beautés de mon métier.

     

    Pourquoi vous être tourné vers la direction d’orchestre, qui plus est sur instruments d’époque ?

    J’avais la curiosité d’explorer un répertoire, des sonorités spécifiques. Cela a commencé très simplement, et s’est développé à une vitesse vertigineuse, à travers les concerts et les enregistrements. J’étais pianiste, et le suis encore, mais plus autant, car je n’en éprouve plus le besoin : je n’ai plus rien à me prouver à moi-même.

    Je dois d’ailleurs admettre qu’il est beaucoup plus difficile de jouer du piano, ou de n’importe quel instrument, que de diriger. Être chef en ayant l’expérience douloureuse d’un instrument me permet de comprendre les problèmes que l’exécution instrumentale pose aux musiciens : la complexité, la pression, la frustration.

    Avec Armonia Atenea, nous présentons des programmes très diversifiés, qui incluent non seulement le répertoire baroque, mais aussi classique, que nous jouons sur instruments d’époque, et la musique contemporaine. Nous avons tout à gagner à aborder différents styles. Cet échange entre les époques révèle l’axe selon lequel se développe la pensée dans l’art.

     

    Quelle place la crise grecque laisse-t-elle Ă  la culture ?

    Elle se porte mieux que jamais ! Mais ce phénomène s’applique au reste au monde. Nous avons réalisé, et plus particulièrement depuis 2010, que l’art ne peut pas se contenter de perdre de l’argent. Il y a encore quelques années, l’art était bien payé, et accroissait le prestige de ceux qui dépensaient beaucoup pour le soutenir.

    Cela n’a désormais plus aucun sens. En Grèce, les salles de spectacles n’ont jamais été aussi pleines, grâce à des tarifs un peu moins élevés. Les cachets sont plus bas, et le résultat plus authentique. Et plus instruit, le public recherche l’essentiel. Il n’a que faire des paillettes !




    À voir :
    Farnace de Vivaldi, direction : George Petrou, mise en scène : Lucinda Childs, avec : Max Emanuel Cencic, Vivica Genaux… Opéra national du Rhin, Strasbourg, les 18, 20, 22, 24 et 26 mai, Mulhouse les 8 et 10 juin.

     

    Le 10/05/2012
    Mehdi MAHDAVI


      A la une  |  Nous contacter   |  Haut de page  ]
     
    ©   Altamusica.com