En toute élégance :  Idomeneo » de Mozart à Liège

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Idomeneo est un opera seria dont les personnages sont emportés par les vents déchaînés d’un « destin cruel » - l’évocation de ce « destin » est permanente. Et pourtant, paradoxalement, Jean-Louis Grinda, loin de surenchérir sur le bruit et la fureur, l’a inscrit dans un contexte scénique d’une grande élégance. Une élégance visuelle bien sûr, mais qui caractérise aussi son rapport à l’oeuvre : il ne nous impose pas d’analyses ni de points de vue définitifs, il nous laisse libres de nos perceptions et réactions.Idomeneo est un opera seria dont les personnages sont emportés par les vents déchaînés d’un « destin cruel » - l’évocation de ce « destin » est permanente. Et pourtant, paradoxalement, Jean-Louis Grinda, loin de surenchérir sur le bruit et la fureur, l’a inscrit dans un contexte scénique d’une grande élégance. Une élégance visuelle bien sûr, mais qui caractérise aussi son rapport à l’oeuvre : il ne nous impose pas d’analyses ni de points de vue définitifs, il nous laisse libres de nos perceptions et réactions.

Le destin cruel ? Nous sommes en Crète, après la défaite de Troie, avec Ilia, une captive troyenne, et Elettra, fille d’Agamemnon, échouée là après le meurtre vengeur de sa mère coupable. Toutes deux sont éprises d’Idamante, le fils d’Idomeneo, le roi. Celui-ci vient d’être sauvé d’un naufrage, mais à une terrible condition : sacrifier la première personne qu’il rencontrera… ce sera son fils ! Comment échapper à cette malédiction ? Comment résoudre la délicate équation amoureuse ? Sans oublier qu’Ilia est d’abord écartelée entre son devoir pour sa patrie et son amour pour Idamante. Un canevas évidemment propice à de grands déferlements lyriques, à de sombres atmosphères tragiques.

Et pourtant, pour nous donner à ressentir et à vivre tout cela, Jean-Louis Grinda a privilégié la légèreté. Rien de réaliste sur le plateau, quelques panneaux coulissants suggérant un lieu antique, le tout surplombé d’une installation géométrique qui laissera apparaître la figure de Neptune. Et des images aussi de la mer (vidéos d’Arnaud Pottier), tantôt apaisée, tantôt tempétueuse, lieu du serment fatal, domaine du dieu vengeur. Des évocations crétoises également avec ces figurantes vêtues comme la déesse aux serpents (costumes de Jorge Jara). Le tout baigné dans de très belles lumières expressives – le décor et ces lumières sont de Laurent Castaingt. 

Cette mise en scène a ainsi l’immense mérite de privilégier le chant : les protagonistes ne sont jamais coincés dans les décors ou contraints à de pénibles gymnastiques. Quand leur tour vient pour leurs airs en boucle, ils s’expriment face à nous. Ajoutons que Jean-Louis Grinda, dans sa direction d’acteurs, a l’art de la mise en place significative. Ce qui se vérifie particulièrement avec les déplacements des chœurs.

Voilà pourquoi nous avons le bonheur d’être en phase avec la partition de Mozart, dont nous avons retrouvé toute la pertinence dramatique et sensible, ainsi que son originalité dans le traitement personnel du genre vite figé de l’opera seria. Une partition bien servie, aussi élégamment qu’efficacement, par Fabio Biondi à la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Wallonie-Liège. 

Lee bonheur d’être en phase aussi avec une exacte distribution. Ian Koziara impose son Idomeneo. Au-delà des mots de son personnages, c’est sa voix, superbement modulée, qui en exprime les tourments, les espoirs et désespoirs, les abattements, la résignation nécessaire. Quel investissement dans son jeu corporel. Maria Grazia Schiavo donne à partager le dilemme, les élans, la générosité d’Ilia. Annalisa Stroppa est un juste Idamante, dans sa noblesse, dans ses inquiétudes quant aux réactions de son père, dans son sens du sacrifice. Quant à Nino Machaidze, elle convainc définitivement dans le dernier air, qu’elle dramatise intensément, véritable air de la folie, de son Elettra. Riccardo Della Sciucca-Arbace, Inho Jeong-La Voce et Jonathan Vork-Gran sacerdote di Nettuno sont également de belle présence.

 Opéra Royal de Wallonie - Liège - 24 septembre 2023 Stéphane Gilbart

Crédits photographiques :  J.Berger-ORW-Liège

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