Un Bourgeois gentilhomme (du duo Molière/Lully) jubilatoire au Grand-Théâtre de Bordeaux !

Xl_le-bourgeois-gentilhomme-_bordeaux © Marie Clauzade

Créé au Château de Chambord en 1670 devant le Roi Soleil, le Bourgeois gentilhomme devrait toujours être représenté dans son intégrité de Comédie-Ballet, c’est-à-dire avec la musique de Lully et le texte de Molière – dont on fête le 400ème anniversaire de la naissance en ce mois de janvier 2022. La production imaginée par Jérôme Deschamps a été montée pour la première fois à l’été 2019 au Printemps des Comédiens, le célèbre festival de théâtre montpelliérain. Elle a ensuite été la victime du Covid alors qu’elle devait faire les beaux soirs de l’Opéra-Comique à l’automne 2020, et c’est à présent au Grand-Théâtre de Bordeaux de l’accueillir. Si la version de référence conçue par le duo Benjamin Lazar / Vincent Dumestre (avec éclairage à la bougie et français prononcé à l’ancienne) affichait un certain statisme et engendrait du coup un peu d’ennui sur la longueur… aucun risque ici avec le spectacle alerte et drôlissime concocté par le pétulant homme de théâtre français, qui s’est réservé le rôle-titre (Mr Jourdain).

Car l’œil se réjouit ici de toute part, à commencer par les costumes chamarrés et loufoques taillés par Vanessa Sannino, d’une incroyable créativité ; de même aussi par les décors simples mais efficaces signés par Félix Deschamps (son talentueux fils) ; et la chorégraphie inventive de Nathalie Van Parys, mêlant gestuelle moderne et baroque. Mais c’est surtout l’incroyable vitalité de tous les excellents comédiens-chanteurs réunis à Bordeaux, remarquablement dirigés scéniquement par Jérôme Deschamps, que repose ce spectacle jubilatoire. Dans le rôle-titre, lui-même s’avère inénarrable, avec des mimiques qui font souvent penser à Fernand Raynaud. Il n’éclipse en rien les autres talents, à l’instar de la très terrienne Josiane Stoleru en Mme Jourdain, du jovial Vincent Debost en Covielle, de l’hilarante Nicole de Lucrèce Carmignac, du précieux Maître de Danse de Guillaume Laloux ou encore du rusé Cléonte d’Aurélien Gabrielli. Les chanteurs ne sont pas en reste, et l’on goûte particulièrement à la fraîcheur vocale de Constance Malta-Bey, à l’autorité et aux graves profonds de la basse Nabil Suliman ou encore à la connaissance parfaite du style du haute-contre Vincent Lièvre-Picard.

À la tête d'instrumentistes issus des Musiciens du Louvre, le chef français Thibault Noally donne une interprétation pleine d’entrain des parties musicales conçues par le maestro florentin, notamment dans la célébrissime Marche turque, débutée avec un tempo lent par les musiciens avant que ces derniers ne se déchaînent, et s’engagent dans un crescendo frénétique. Mais il faut aussi citer d’autres intermèdes ou ballets, pleins de charme et de modernité, tels que l’intermède pastoral illustrant la dispute entre la musique et la danse, la scène du banquet qui est l’occasion d’un charivari burlesque, et enfin le fameux Ballet des Nations qui est une véritable œuvre dans l’œuvre.

Le public bordelais ne s’y est pas trompé : malgré les 3h30 de spectacle, il n’a pas boudé son plaisir et offert à l’ensemble de l’équipe artistique un véritable triomphe !

Emmanuel Andrieu

Le Bourgeois gentilhomme du duo Molière/Lully au Grand-Théâtre de Bordeaux (janvier 2022)

Crédit photographique © Marie Clauzade

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