Béatrice Uria-Monzon, flamboyante Gioconda au Théâtre du Capitole

Xl_beatrice_uria-monzon_la_gioconda_piere-yves_pruvot_barnaba_-_credit_mirco_magliocca_-_1668 © Mirco Magliocca

D’abord montée au Théâtre Royal de La Monnaie de Bruxelles, cette production de La Gioconda de Ponchielli arrive enfin au Théâtre du Capitole, coproducteur du spectacle mis en scène par Olivier Py. Notre confrère Alain Duault avait minutieusement détaillé et intelligemment commenté le travail du trublion français à sa création, et nous adhérons entièrement à ses propos même si, à titre personnel, nous avons peu goûté le traitement du ballet (la fameuse Danse des heures), transformé ici en scène de viol collectif…

Déjà présente à Bruxelles, Béatrice Uria-Monzon électrise à nouveau dans le rôle-titre, maîtrisant de bout en bout l’écrasante tessiture de son personnage, avec des aigus à la fois sûrs et puissants, et un réel souci des nuances. Et comme toujours, l’actrice se montre souveraine tant dans la véhémence que la souffrance, ses dialogues avec la Cieca atteignant des sommets d’émotion. C’est la mezzo roumaine Judit Kutasi qui incarne ici le rôle de Laura, après nous avoir tant impressionnés avec son Amnéris génoise il y a trois ans, qui nous l’avait fait comparer à la grande Fiorenza Cossottto par l’ampleur et la puissance de sa voix. Elle emporte à nouveau tout sur son passage, mais sait aussi nuancer et alléger son chant quand la partition l’exige. De son côté, le ténor mexicain Ramon Vargas ne possède pas, en revanche, la largeur de voix requise par Enzo. Si le timbre délivre toujours le même miel, ce qui est parfait pour le versant poétique du rôle, l’héroïsme qu’il requiert également l’oblige à forcer ses moyens. Inévitablement, une fatigue de plus en plus prononcée au cours de la soirée se solde par un aigu malheureux. L’on retiendra davantage la magistrale incarnation, tant physique que vocale, du maléfique Barnaba par le baryton français Pierre-Yves Pruvot. Malgré un timbre sonore et mordant, il parvient à constamment surveiller sa ligne de chant, apportant à cette partie un raffinement et une élégance que lui refusent d’ordinaire ses collègues. Remplaçant au pied levé Marco Spotti, le vétéran italien Roberto Scandiuzzi (63 ans) compense l’usure de la voix en incarnant un Alvise à la fois autoritaire et touchant. Et si Agostina Smimmero n’est pas tout à fait le grand contralto exigé par la Cieca, elle ne s’avère pas moins aussi digne que musicale dans ce rôle gratifiant.

Dans la fosse capitoline, le chef italien Roberto Rizzi-Brignoli porte la soirée avec le métier et la sûreté qu’on lui connaît. Flamboyante et intense, sa direction envoûte autant dans le registre de la passion extrême, qui gouverne ici un triangle amoureux de forts caractères, que dans une page aussi délicate que la Danse des heures. Rarement l’Orchestre National du Capitole aura commencé une nouvelle saison avec une telle énergie et un tel raffinement sonore !

Emmanuel Andrieu

La Gioconda d’Amilcare Ponchielli au Théâtre du Capitole, jusqu’au 3 octobre 2021

Crédit photographique © Mirco Magliocca

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