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Une reprise presque normale

Liège
Opéra royal de Wallonie
09/20/2020 -  et 22, 23, 25, 26, 27, 29 septembre, 1er, 2 octobre 2020 (Liège), 7 octobre (Charleroi) 2020
Giacomo Puccini: La bohème
Angela Gheorghiu*/Jessica Nuccio (Mimi), Stefan Pop*/Marc Laho (Rodolfo), Ionut Pascu (Marcello), Maria Rey-Joly (Musetta), Kamil Ben Hsaïn Lachiri (Schaunard), Ugo Guagliardo (Colline), Patrick Delcour (Benoît, Alcindoro), Stefano De Rosa (Parpignol), Benoit Delvaux (Un Sergente dei doganieri), Marc Tissons (Un foganiere)
Chœurs et Maîtrise de l’Opéra royal de Wallonie, Denis Segond (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Frédéric Chaslin (direction)
Stefano Mazzonis di Pralafera (mise en scène), Carlo Sala (décors), Fernand Ruiz (costumes), Franco Marri (lumières)


(© Opéra royal de Wallonie-Liège)


Malgré les contraintes sanitaires dues à l’épidémie, la saison musicale reprend progressivement en Belgique. L’Opéra royal de Wallonie débute courageusement la sienne avec une reprise, presque normale, d’une production de La Bohème (1896), avec pas moins de dix représentations, dont une délocalisée à Charleroi, alors qu’il faut patienter jusqu’au mois prochain pour assister à un premier spectacle d’opéra à la Monnaie et que l’Opéra des Flandres n’a, pour le moment, toujours rien divulgué sur sa programmation, en tout cas pour le volet lyrique. Espérons que l’institution liégeoise pourra célébrer dignement ses deux cents ans d’activité.


Toujours aussi attaché à la lisibilité, Stefano Mazzonis di Pralafera transpose prudemment l’opéra de Puccini dans le Paris de l’après-Seconde Guerre mondiale, en restant fidèle tant à l’esprit de cette œuvre qu’à son approche conservatrice de la mise en scène. Le concept demeure ainsi traditionnel, dépourvu d’audace, voire d’originalité, malgré l’intérêt du point de vue historique adopté. Toutefois, la réalisation se révèle, dans l’ensemble, plutôt soignée; les costumes, en particulier, prouvent, une fois de plus, l’excellent travail des ateliers. Cette mise en scène nous laisse donc la même impression mitigée qu’il y a quatre ans, sur le double plan de la direction d’acteur et de la scénographie. Il faut tout de même noter que la mesure, rappelée ad nauseam, de distanciation sociale ne se perçoit pas vraiment entre les chanteurs, même si toutes les précautions ont probablement été prises, ce qui confère un certain naturel à la représentation. Le directeur général et artistique se chargera de mettre en scène lui-même d’autres opéras cette saison, La Traviata, dans une «version mise en espace», du 16 au 20 novembre, et Les Lombards, du 13 au 24 avril.


Une double distribution pour Mimi et Rodolpho assure les dix représentations. Les spectateurs de la première, qui occupent un peu plus de la moitié de la salle, ont droit à celle avec Angela Gheorghiu, qui incarne la couturière depuis plus d’un quart de siècle. L’adéquation entre ce rôle et la cantatrice ne paraît plus aussi évidente au stade de sa carrière, malgré une identification sensible du personnage: si cette figure si touchante se détache, c’est avec un relief peu marqué. La prestation vocale ne laisse en revanche rien à désirer, par la beauté du timbre, la maîtrise des registres et le raffinement de la ligne, intimement modelée sur les sentiments. La soprano n’occulte heureusement pas le reste du plateau, le Rodolfo de Stefan Pop se révélant plus enthousiasmant, à tous points de vue. Le rôle convient parfaitement à ce ténor originaire lui aussi de Roumanie, et chaleureusement applaudi par un public de toute évidence conquis par la chaleur de la voix, la beauté du legato et la présence scénique.


Au sein d’une distribution relativement cohérente, leurs partenaires n’affichent pas autant de charisme, mais ils caractérisent correctement leur personnage. Ionut Pascu, un autre Roumain, renouvelle la bonne tenue de son Marcello de 2016. Il faudrait idéalement retrouver Kamil Ben Hsaïn Lachiri dans un autre rôle pour parfaire notre impression, car celui de Schaunard le place trop en retrait et n’expose pas suffisamment ses capacités vocales. Ugo Guagliardo incarne un estimable Colline, mais il manque à son bel air du quatrième acte un supplément d’âme et de matière sonore. Maria Rey-Joly dispose d’une voix acidulée, voire piquante, qui convient tout à fait pour Musetta. La soprano en accentue la nature vulgaire jusqu’à la caricature, alors que ce rôle mérite un traitement plus subtil, à moins qu’elle se plie de bonne grâce aux indications du metteur en scène; le quatrième acte la montre, par contre, plus juste et humaine. Patrick Delcour se charge avec tout son habituel savoir-faire de Benoît et Alcindoro, tandis que d’éminents membres des chœurs endossent les plus petits rôles.


Afin d’assurer une distance suffisante entre les musiciens, cette reprise s’appuie sur une version pour orchestre réduit, publiée par Gerardo Colella aux éditions Ricordi. Malgré une sonorité forcément un peu moins riche, cette adaptation ne porte aucunement préjudice à cet opéra. Elle permet même de prendre encore mieux conscience de la finesse de l’écriture de Puccini, en particulier dans l’utilisation des différents instruments, et témoigne de l’assurance et de la beauté de l’orchestre, dirigé pour la première fois par Frédéric Chaslin. Les tempi accusent parfois quelques lenteurs, en particulier dans un deuxième acte trop peu effervescent, mais cette direction soucieuse de la cohésion avec le plateau convainc par la rigueur de la mise en place et la justesse de l’expression. Bien préparés par leur nouveau chef, Denis Segond, les choristes animent les ensembles avec sérieux et conviction. Le bilan musical l’emporte donc sur le reste, et sans connaître les coulisses, monter un spectacle d’envergure comme celui-ci tient certainement de l’exploit dans le contexte actuel.


Enfin, dans le programme, Stefano Mazzonis di Pralafera, au nom de l’Opéra royal de Wallonie, rend très justement hommage à Patrick Davin, brutalement et tragiquement disparu, à l’âge de 58 ans, le 9 septembre dernier: qu’il dirigeât à Liège ou ailleurs, nous avons presque toujours pensé et écrit du grand bien de cet excellent chef qui devait diriger la prochaine production, Hamlet de Thomas, du 29 octobre au 10 novembre, avec une distribution prometteuse.


Le site de l’Opéra royal de Wallonie



Sébastien Foucart

 

 

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