Sous la direction de Christophe Grapperon, l’opérette d’Hervé Mam’zelle Nitouche faisait son entrée au répertoire du Théâtre du Capitole, marquant un point comique dans la saison lyrique. Les planches du temple de l’opéra toulousain ont en effet peu l’habitude de recevoir ce type d’œuvre qui réclame à la fois les voix de l’opéra mais aussi un jeu d’acteur particulier. La pièce articule monde militaire, vie de couvent et nuit parisienne, le tout avec un trait autobiographique de la part d’Hervé. La lecture de Pierre-André Weitz (mise en scène, décors et costumes), assisté de Victoria Duhamel et Mathieu Crescence, propose une production historique et très française de l’œuvre créée en 1883.

Accueillant le spectateur durant l’introduction et les entractes, la grande affiche dans le style de l’époque surprend quelque peu avec sa maxime « Mam’zelle Nitouche, opéra révolutionnaire d’Hervé ». Si l’opérette introduit l’amour et moque la société d’Ancien Régime, le mariage final du Vicomte soldat et de l’ouaille préservée au couvent reste pour le coup très réactionnaire. Les couleurs emblématiques bleu-blanc-rouge sont sans cesse présentes sur scène mais aussi en-dehors, la cocarde se répercutant sur l’épaule même des ouvreurs. Paris est également mis à l’honneur avec la citation de certains bâtiments comme le Moulin Rouge ou le Bistrot de Provence. Les accents provinciaux ou étrangers font d’ailleurs partie des éléments de caricature – pour le coup peu convaincants. Les décors sont toutefois très efficaces, notamment au dernier acte avec un triple plateau tournant à vive allure.

Lara Neumann (Denise de Flavigny/Mam’zelle Nitouche) montre l’importance, pour une telle interprétation, de la double maîtrise de la voix et du jeu. Elle feint parfaitement l’élève modèle du couvent tout en montrant sa malice vocalement, comme par exemple l’excellent Alleluia qui prend des accents jazzy puis revient au registre religieux au moindre regard de la mère supérieure. Son compagnon de fuite, du couvent vers le monde extérieur, est joué par Matthieu Lécroart (Célestin/Floridor) qui se cantonne à un rôle naïf, en retrait, mais livre une voix très éclatante. Dans le rôle du promis de Denise (Fernand de Champlâtreux), Flannan Obé n’est pas en reste en terme de puissance et de vibrato par rapport à son amante, mais est plus effacé dans son jeu scénique. Eddie Chignara incarne Le Major, Comte de Château-Gibus, vieux gradé qui ne comprend rien à ce qui se joue sous ses yeux ; si son jeu d’acteur est très réussi, il se montre plus sec sur le plan lyrique.

Olivier Py – Miss Knife livre un triple rôle excellent, montrant avec humour le caractère superficiel de la séparation entre les mondes religieux et militaire, féminin et masculin. Sa mère supérieure, avec sa loupe, ses culs de bouteilles et ses mimiques dignes des Vamps ou de la mère Bodin, file la parfaite caricature de religieuse autoritaire. Corinne, premier rôle de la pièce de Floridor au cabaret, est dans la même veine, l’insolence et la malice en plus. Loriot est lui plus tendre et plus naïf dans le rôle du troupier attaqué par la boisson. On pourra regretter que le travestissement ne soit pas utilisé comme effet de surprise sur le spectateur qui en est informé dès le début de chaque rôle.

Proposée par Iris Florentiny, la chorégraphie constitue également un élément important de la pièce. Les danses marquent notamment les moments d’unité où s’entremêlent les mondes de l’armée et du cabaret – avec des militaires en tutus – mais aussi de la masculinité et féminité – un danseur affichant les deux sexes sur le même costume. Les chœurs, qui prennent évidemment part à la figuration et au délire général, sont toujours raccords même si les tutti sont très souvent cantonnés au brouhaha général du fait d’un orchestre trop forte.

La force de cette production réside surtout dans le jeu des acteurs mais aussi dans des voix principales solides. Le caractère fidèle à l’œuvre est louable mais plombe sans doute quelque peu la réception de cette dernière, pour le coup très datée. Ce sont surtout les éléments actualisés, comme par exemple une Saint-Nitouche très kitsch avec froufrous et néons, le personnage du clown, qui sont pour le coup les plus drôles de la pièce. Pourquoi ne pas en avoir fait de même avec l’ensemble ?

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