Opéra
Michel Fau au-delà du réel pour l’Ariane de Strauss au Théâtre du Capitole

Michel Fau au-delà du réel pour l’Ariane de Strauss au Théâtre du Capitole

03 March 2019 | PAR Yaël Hirsch

Avant l’Ariane de Dukas, le Théâtre du Capitole nous propose celle de Richard Strauss, dans une mise en scène qui mêle les temps pour sublimer toute réalité. Un enchantement musical et une féerie scénique avec une prise de rôle remarquée pour la soprano Catherine Hunold. A voir jusqu’au 10 mars à Toulouse.

Balançant avec ironie et ferveur entre le drame et la comédie bouffe, l’Ariane à Naxos de Richard Strauss sur un livret de Hugo von Hofmannstahl (1916) met en scène deux troupes engagées par un riche bourgeois : l’une est composée d’esthètes passionnés et l’autre de saltimbanques de comedia dell’arte. Tous doivent créer autour du thème d’Ariane abandonnée à Naxos par Thésée. Les deux conceptions du monde et de l’art s’affrontent dans le prologue, avant que – dans une mise en abyme géniale- l’opéra soit donné pour parfaitement répondre aux demandes du commanditaire : alors qu’elle se meurt de désespoir et tandis que la coquine Zerbinetta lui apprend à multiplier les histoires et les peines de cœur, Ariane en désespoir amoureux, finit par rencontrer Bacchus déçu par Circée. Une nouvelle flamme divine débute…

Fasciné par cette œuvre qui parle de la condition des artistes (et de leur sens du compromis) depuis longtemps, Michel Fau relit Ariane à Naxos avec ses couleurs et sa sensibilité fantasques. Pas de volonté d’effet de réel, donc mais une littéralité touchante : le prologue est sobre : un rideau, une scène élevée d’où l’on ordonne et quelques chaises où les deux équipes s’affrontent. Tous sont costumés 18e, pour aller dans le sens du livret, et pourtant c’est probablement la partie la plus « réaliste » des deux. Après l’entracte, l’on entre dans l’œuvre jouée pour le commanditaire et là, Fau s’en donne à cœur joie : robe empire pour Ariane, trois naïades sublimes en robes de voiles et perruques, et un décor art déco de grotte obscure brillant de mille néons dans une forêt stylisée et mouvante qui séduit comme un rêve. Les lumières changent de couleurs comme dans un dancing des années folles et des rayures encerclent nos héros qui deviennent des icônes. Côté musique, l’ensemble est juste un rêve. A la direction, Evan Rogister est au sommet d’une expressivité qui fait parfois encore plus rêver que les dieux et demi-dieux présents sur scène. Et les musiciens de l’Opéra-Orchestre National du Capitole le suivent avec une fluidité et une sensualité absolument magique. Côté voix, c’est aussi un enchantement, avec – comme il se doit- une omniprésence fascinante et acclamée de Anaïk Morel en compositeur dans le prologue, aux côtés d’un maître de musique incarné avec aplomb par Werner Van Mechelen. Ensuite, il y a un festin de puissance et de nuances pour l’Opéra en tant que tel où cela ne cesse de chanter, de s’approfondir et de grandir. Pour son premier grand rôle Straussien, Catherine Hunold est d’une puissance saisissante. En Bacchus, Issachah Savage est tout aussi impressionnant. Enfin, virtuose dans le célèbre et ironique air de Zerbinetta, Elizabeth Sutphen nous éblouit de sa voix impériale tout en jouant son rôle avec l’énergie et le sex-appeal d’une actrice de comédie musicale. Un spectacle qui sait nous réjouir de belles images et de sons enivrants, pour mieux nous faire réfléchir. Une réflexion que Michel Fau porte jusqu’à voir dans l’Ariane de Strauss un révélateur « insensé » de la manière dont la vie est toujours et en même temps extrêmement drôle et triste (propos recueillis après le spectacle).
Visuels :(c) Théâtre du Capitole 

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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