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Mi-figue mi-raisin

Bordeaux
Grand-Théâtre
02/01/2019 -  et 3, 4, 5, 6, 7, 8, 11, 12, 13 février 2019
Gioacchino Rossini : Il barbiere di Siviglia
Florian Sempey*/Anas Séguin (Figaro), Levy Strauss Sekgapane*/Elgan Llyr Thomas (Almaviva), Miriam Albano*/Adèle Charvet (Rosina), Carlo Lepore*/Thibault de Damas (Bartolo), André Courville*/Mikhail Timoshenko (Basilio), Julie Pasturaud (Berta), Romain Dayez (Fiorello)
Chœur de l’Opéra national de Bordeaux, Salvatore Caputo (direction), Orchestre de l’Opéra national de Bordeaux, Marc Minkowski*/Marc Leroy-Catalayud (direction musicale)
Laurent Pelly (mise en scène, scénographie, costumes), Cléo Laigret (scénographe associée), Jean-Jacques Delmotte (costumier associé), Joël Adam (lumières)


(© Maitetxu Etchevarria)


Après ses éclatantes réussites dans les opéras bouffes d’Offenbach (Le Roi Carotte à l’Opéra de Lyon, La Belle Hélène au Théâtre du Châtelet...), on pouvait s’attendre à ce que les opere buffe de Gioacchino Rossini aillent également comme un gant au célèbre metteur en scène français Laurent Pelly. Las, comme l’avait déjà indiqué notre confrère Olivier Brunel dans sa recension du spectacle à sa création au Théâtre des Champs-Elysées en décembre 2017, c’est un travail bien paresseux qu’il livre cette fois, notamment au niveau de la direction d’acteurs (hormis le rôle-titre, qui l’a visiblement inspiré). Et si le dispositif scénique – à base de grandes feuilles de papier à musique – qu’il a lui-même imaginé, de même qu’il a signé les (tristounets) costumes, séduit de prime abord, avouons qu’il tourne ensuite vite en rond, et finit même par distiller un certain ennui.


La distribution vocale souffle également le chaud et le froid, mais l’insatisfaction qu’elle provoque provient cependant plus d’un complet déséquilibre entre les voix ici réunies, que des carences des uns ou des autres. Dans le rôle-titre, l’enfant prodige du pays, alias Florian Sempey, séduit au plus haut point par son engagement physique, son incarnation vive et délurée d’un Figaro rebelle et voyou (tatouages compris), doublée d’un chant sonore et généreux, quoique parfois trop, le belcanto rossinien s’accommodant mal avec les coups de glottes intempestifs auxquels le chanteur girondin se laissent par trop souvent aller. Le jeune ténor sud-africain Levy Strauss Sekgapane, lauréat du prestigieux concours Operalia en 2017, aborde la cavatine «Ecco ridente in cielo» avec une certaine prudence. Trac de la première (?), il manque un peu de sûreté technique et les ornements gagneraient à être assouplis, tandis que la voix accuse un certain déficit en termes d’ampleur et de projection. Par la suite cependant, il incarne un Almaviva plus énergique, la voix s’épanouit peu à peu et prend de l’aisance, ce qui lui permet d’affronter le (trop) généralement éludé «Cessa di più resistere».


Si elle ne manque pas de musicalité, la Rosine de la mezzo vénitienne Miriam Albano se montre néanmoins bien pâle, tant scéniquement que vocalement, l’actrice ne s’imposant jamais tandis qu’on peine à entendre son registre grave, et que l’exécution des vocalises apparaît un brin scolaire. Las, la basse américaine André Courville n’est nullement inquiétante dans le rôle du détestable Basilio, la voix accusant par ailleurs la même carence dans les graves et le même manque de délié dans la vocalise que sa consœur. En revanche, avec la même santé vocale que Sempey, le baryton-basse italien Carlo Lepore ne fait qu’une bouchée du rôle de Bartolo, auquel il prête ses talents de comédien, mais surtout son autorité, sa justesse de ton, et son art consommé du canto sillabico, autant de qualités qui font merveille dans son grand air «A un dottor della mia sorte».


De manière aussi impromptue qu’inaccoutumée, ce sont les «petits» rôles qui soulèvent le plus d’enthousiasme et volent la vedette aux «premiers plans», à commencer par l’exubérante Berta de Julie Pasturaud, au beau mezzo sombre et corsé. Son aria di sorbetto «Il vecchietto cerca moglie», délivrée avec autant de verve scénique que vocale, est saluée par une salve d’applaudissements du public bordelais. Doué d’un étonnant talent comique naturel, Romain Dayez propulse également le personnage secondaire de Fiorello au-devant de la scène, le jeune baryton belge marquant de fait les esprits par la conjonction d’une voix magnifiquement timbrée et d’une parfaite maîtrise du style requis par ce répertoire.


Par bonheur, la géniale baguette de Marc Minkowski balaie et fait oublier les imperfections de la soirée. Turbulente et enlevée, sa direction n’en oublie pas moins de soigner les détails, et il fait chanter les instruments solistes pour leur donner un maximum d’expressivité. Couvant les chanteurs du regard, il leur laisse toujours une marge suffisante pour ornementer leur ligne de chant... mais avec des bonheurs divers, cela le lecteur l’aura compris!



Emmanuel Andrieu

 

 

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