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Lucrezia Borgia de Donizetti au Théâtre du Capitole de Toulouse – Gloire à la Massis ! – Compte-rendu

Annick Massis (photo) programmée dans Lucrezia Borgia à Toulouse où elle n’était pas revenue depuis plusieurs années : comment y résister ? Forte d’un parcours sans faute, linéaire pour certains, exemplaire pour les autres, la soprano française a franchi naturellement les étapes abordant tardivement mais en pleine possession de ses moyens Maria Stuarda après Lucia di Lammermoor, Maria di Rohan et La Fille du régiment avant d’inscrire à son beau palmarès cette Lucrezia donizettienne, créée par Henriette Méric-Lalande à la Scala de Milan en 1833. Après Sutherland, Gruberova et Devia, pour qui d’ailleurs la production présentée à Toulouse a été conçue en 2017 à Valencia, Annick Massis trouve dans cet emploi dramatique une héroïne à la mesure de son talent.

© Patrice Nin
 
Transformée par Victor Hugo en odieuse empoisonneuse, Donizetti et son librettiste Felice Romani en font une femme encore séduisante dont les retrouvailles avec son fils disparu, bouleverse le destin, ce que la cantatrice souligne avec sensibilité et sans complaisance. Dotée de cette voix toujours claire et stable, polie par les ans et arrondie dans le bas medium devenu plus corsé, la soprano se joue des difficultés grâce à sa maîtrise des règles belcantistes et à cet instrument qui défie le temps dont la flexibilité, la projection, la virtuosité – ah ! ces incroyables filati ...– et les nuances, subliment la performance. Posée sur le souffle, sa ligne de chant illumine le « Com’è bello » introductif, la précision des vocalises, des écarts et des aigus qu’elle a toujours magistraux, émaillant chacune de ses apparitions et en particulier celle où elle affronte vaillamment son époux Alfonso, avant d’offrir au public une scène finale étourdissante, car sans la moindre concession, et dans un état de grâce. Osera-t-elle comme la Devia Roberto Devereux ou préférera-t-elle s’abstenir comme Sutherland ? L’avenir le dira.

© Patrice Nin
 
Le timbre un rien acide de Mert Süngü ne s’apparie pas immédiatement à celui de sa collègue, le jeune ténor turc donnant le sentiment de chanter avec une voix naturelle et une technique par instant précaire ; pourtant, au fil de la représentation, les choses s’améliorent, ce Gennaro parvenant à dépasser une émission un peu droite et à trouver de beaux accents lors de l’ultime duo avec sa mère et ce malgré une direction d’acteur minimale. Dans le rôle de l’intraitable mari jaloux, Andrea Bauer Kanabas (Alfonso) offre toutes les qualités d’une vraie belle voix de basse, sonore et conquérante, Thomas Bettinger et Julien Véronèse, respectivement Rustighello et Gubetta, se démarquant nettement par rapport aux autres comprimari. La jeune mezzo Eléonore Pancrazi enfin, se risque sans doute trop tôt au personnage joliment enluminé de Maffio Orsini, dont la tessiture escarpée lui échappe.

Giacomo Sagripanti © DR

Grand architecte de cette réussite d’ensemble, le maestro Giacomo Sagripanti s’impose dès les premières notes par ses tempi impeccables, la nervosité de son propos et la densité d’une direction qui n’oublie jamais de mettre en relief les pourtours arachnéens de ce drame. Uniquement décoratif, le spectacle signé Emilo Sagi, où se détachent les beaux éclairages d’Eduardo Bravo et les élégants costumes de Pepa Ojanguren, apparaît quant à lui bien vite inconsistant et plus grave encore, tout à fait interchangeable...
 
François Lesueur

Donizetti : Lucrezia Borgia – Toulouse,Théâtre du Capitole de Toulouse, 27 janvier ; prochaines représentations les 29 janvier, 1er et 3 février 2019// www.concertclassic.com/concert/lucreziaborgia

Photo © Patrice Nin

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