Cenerentola à l’Opéra de Paris : Guillaume Gallienne rate sa première mise en scène lyrique

- Publié le 11 juin 2017 à 13:54
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C'était un des événements attendus de la saison parisienne. Mais outre un spectacle assez peu subtil, le plateau vocal semble trop modeste pour l'Opéra de Paris.

Tout Paris s’était déplacé pour assister à la première mise en scène lyrique de Guillaume Gallienne. Le célèbre sociétaire de la Comédie-Française n’a pas choisi la facilité avec Cenerentola, chef-d’œuvre le plus ambigu de Rossini, constamment sur le fil du rasoir, entre rires et larmes, poésie et trivialité. Sans doute a-t-il perçu cette confusion des sentiments, mais il la restitue de façon peu subtile, nous servant une énième référence au cinéma italien des années 1960.

L’impression de lourdeur vient aussi du décor conçu par Eric Ruf, imposant palais aux murs rouge sang (qui pourrait tout aussi bien servir pour Don Carlos ou Les Vêpres siciliennes) avec, au sol, d’énigmatiques coulées de lave – Cendrillon au-dessous du volcan ? Dans ce cadre oppressant, le jeu d’acteurs semble souvent corseté par une forme de retenue qui atrophie l’énergie de la comédie, la tirant davantage vers le sombre que vers le léger. Quelques idées font long feu – pourquoi cette prostituée quittant la chambre de Magnifico ? pourquoi cette vieille folle qui hante le plateau au début ? D’autres frisent la misogynie, ridiculisant une ribambelle de prétendantes âgées ou difformes qui se pressent au-devant du prince.

Le vif-argent, c’est dans la fosse qu’il coule, car Ottavio Dantone, d’un geste toujours ferme et élégant, plie l’Orchestre de l’Opéra à une discipline jubilatoire, avec juste ce qu’il faut d’animation pour les ensembles. Mais le diable se niche dans les détails : que vient faire là cette harpe, accompagnant les récitatifs au lieu du pianoforte usuel ?

Le plateau n’est pas sans maillon faible, le plus problématique étant le Ramiro de Juan José De Leon, à l’émission tendue et bien peu solaire. Le Dandini d’Alessio Arduini, pas barbon pour un sou, sait jouer sur les mots autant que d’un timbre carnassier, mais il manque d’ampleur et de précision dans l’agilité. Si le souffle de Maurizo Muraro est parfois un peu court, le métier et le grave confortable siéent à la truculence de Magnifico. Parmi les clés de fa, c’est cependant Roberto Tagliavini qui triomphe, Alidoro perché sur un nuage de legato.

Chez les dames, Chiara Skerath et Isabelle Druet tirent leur épingle du jeu dans les rôles certes payants des deux méchantes sœurs. La gentille, c’est Teresa Ierovolino, mezzo charnu et velouté, sûre d’une technique embrumée de quelques sourires mélancoliques. Touchante incarnation, à laquelle il faudrait pourtant un soupçon d’éclat supplémentaire pour l’inscrire dans la lignée des illustres Angelina (Berganza, Von Stade, DiDonato…) qui l’ont précédée au palais Garnier. Et vraiment : honte au costumier qui l’attife comme un sac lors de la scène du bal !

Cenerentola de Rossini. Paris, palais Garnier, le 10 juin.

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