Royal Opera House de Londres : des Maîtres chanteurs de Nuremberg en panne de théâtre

- Publié le 21 mars 2017 à 13:50
Si le spectacle de Kasper Holten a déçu, cette nouvelle production bénéficiait de la présence d'Antonio Pappano au pupitre et de Bryn Terfel dans le rôle de Hans Sachs.

Toute nouvelle production des Maîtres chanteurs est un événement, ne serait-ce qu’en raison des moyens colossaux qu’il faut mobiliser. Outre les forces musicales, on compte aussi sur la fantaisie et les idées du metteur en scène pour soutenir l’attention quatre bonnes heures durant. Hélas, à Covent Garden, la fantaisie et les idées sont les vertus qui manquent le plus à Kasper Holten. Son spectacle se résume aux mouvements du décor, étrange mécano de bois qui se déglingue au gré des péripéties, puis tourne sur lui-même pour découvrir ce qui ressemble aux coulisses d’un théâtre. Costumes modernes, sauf pour la confrérie des maîtres qui, à l’acte III, revêtent leurs tenues médiévales. Pourquoi ce mélange des époques ? Mystère, mais ce sera la seule originalité de la soirée.

Heureusement, la fosse nous en fait voir de toutes couleurs. Antonio Pappano dirige le Prélude avec un rebond aussi phénoménal que la qualité du dialogue entre les pupitres. Cette animation chantante pas un instant ne retombera, faisant fuser les conversations du I et la bastonnade du II, avant d’allumer les feux splendides de la poésie automnale au début du III. Et les équilibres sont tout simplement divins, quasi mozartiens, même dans les climax tonitruants du finale, berçant les voix dans les étreintes d’un accompagnement idéal.

On a connu des Walther von Stolzing au lyrisme plus généreux et solaire que Gwyn Hughes Jones, mais la projection est époustouflante, comme la clarté d’une élocution qui n’entache guère la plasticité des phrasés. Il en pince pour l’Eva de Rachel Willis-Sørensen, grand soprano au moelleux délectable. Pogner un rien fatigué de Stephen Milling, excellent David d’Allan Clayton, alliant la jeunesse du timbre à la vaillance délurée du personnage. Comme à Glyndebourne il y a quelques saisons, le Beckmesser de Johannes Martin Kränzle fait crouler la salle de rire, pas aussi cartoonesque cependant que dans le spectacle merveilleux de David McVicar (disponible en DVD chez Opus Arte).

Evidemment, c’est avant tout le Sachs de Bryn Terfel que le public londonien attendait. Si au début la voix tremble un peu, bien vite on retrouve l’ogre gallois égal à sa légende, alliant la puissance de son baryton au flot d’un legato vaste comme la mer d’Irlande. Et avec ça, une gourmandise des mots toujours aussi savoureuse, l’œil vif, le sourire en coin, signes distinctifs d’une présence énergumène hissant l’incarnation sur des sommets d’humanité bienveillante.

Les Maîtres chanteurs de Nuremberg de Wagner. Londres, Royal Opera House, le 19 mars.

Diapason