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Soirée pour gourmets

Paris
Opéra Bastille
03/24/2017 -  
Hector Berlioz : Béatrice et Bénédict
François Lis (Don Pedro), Florian Sempey (Claudio), Paul Appleby/Fitzgerald Berthon (Bénédict), Sabine Devieilhe (Héro), Stéphanie d’Oustrac/Julie Duchaussoy (Béatrice), Aude Extrémo (Ursule), Laurent Naouri (Somarone), Didier Sandre (Léonato), Frédéric Merlo (Un prêtre)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, José Luis Basso (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Philippe Jordan (direction musicale)
Stephen Taylor (mise en espace), Nathalie Prats (costumes), Christian Pinaud (lumières)


P. Appleby (© Frances Marshall)


Béatrice et Bénédict, c’est Beaucoup de bruit pour rien transformé en opéra-comique par Berlioz, qui se régale en musique de cette histoire où l’on joue à se détester pour ne pas dire qu’on s’aime. L’Opéra de Paris n’a commandé à Stephen Taylor qu’une simple mise en espace sur la scène de Garnier, l’orchestre restant dans la fosse. Modernisation mais fidélité au texte : on nous a épargné les errements de Dan Jemmett à Favart ou, pis encore, de Richard Brunel à la Monnaie – qui avait tripatouillé les dialogues. La direction d’acteurs est de bonne tradition, tout à fait efficace, dans une perspective assez intimiste – ce qui nous rappelle les conditions de la création au petit Neues Theater de Baden-Baden. Mais le recours, ici ou là, à des acteurs en lieu et place des chanteurs, laisse un peu sceptique : pour un effet de mise en abyme, un va-et-vient entre Shakespeare et Berlioz – alors que les chanteurs disent fort bien leur texte ? L’insertion, au moment des noces de Héro et de Claudio, du passage de Shakespeare où l’on raconte la méprise qui a manqué les faire échouer ne s’imposait pas davantage : elle rallonge des dialogues déjà longuets et ralentit le rythme de l’opéra-comique berliozien – déjà si délicat à manipuler. Certes Léonato le lit dans un livre, le Prêtre dans son bréviaire... histoire de nous rappeler que l’œuvre shakespearien était une des Bibles de Berlioz... Cela dit, rien ne pèse ou ne pose et l’on passe un excellent moment.


Il est vrai que, dès l’Ouverture, Philippe Jordan trouve le ton juste, celui d’une légèreté chambriste, aux couleurs et aux rythmes vifs, préservant la magie des moments de grâce que sont le Duo-Nocturne à la fin du premier acte ou le Trio du second, véritables déclarations d’amour à la voix féminine : il rend pleine justice à la subtilité de l’orchestre berliozien. L’Opéra a, cette fois, réuni une distribution sans faille, jusqu’au ténor américain remplaçant Stanislas de Barbeyrac : léger et stylé, Paul Appleby est impeccable et il n’insulte pas la prosodie française – on a hâte de l’entendre en Tom du Rake’s Progress à Aix en juillet. Mais Béatrice et Bénédict est d’abord un opéra de femmes. Stéphanie d’Oustrac, comme à Bruxelles, est une chipie parfaite – sauf, toutefois, dans la cabalette de son air, où la quinte aiguë se voile et se dérobe. L’excellence du chant français s’incarne aussi en la Héro de Sabine Devieilhe, toujours aussi délicieusement fruitée – on passera seulement sur une relative modestie du médium et du grave dans son air. Pourtant moins flattée en Ursule, Aude Extrémo est très belle aussi, qui permet au Nocturne et au Trio de déployer leurs sortilèges. Laurent Naouri, évidemment, brûle les planches en impayable Somarone et Léonato, grâce à Didier Sandre, est un gouverneur de grande classe. Une soirée pour gourmets.



Didier van Moere

 

 

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