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Les Contes d’Hoffmann à l’Opéra Bastille – Reprise réussie pour une inusable production – Compte-rendu

Inscrite depuis mars 2000 au répertoire de l’Opéra de Paris, la production des Contes d’Hoffmann de Robert Carsen n’a rien perdu de son charme et de son efficacité. L’absence de Jonas Kaufmann – pour raisons de santé -  et de Sabine Devieilhe – un heureux événement en perspective – lors de cette nouvelle reprise n’a pas compromis la réussite du spectacle, et la mise en scène du Canadien, théâtre dans le théâtre, mise en abyme spectaculaire, conserve tout son pouvoir de séduction.
Les décors grandioses de Michael Levine utilisent à bon escient l’espace gigantesque du plateau de la Bastille, tout en sachant alterner avec bonheur scènes de foule démonstratives et moments d’intimisme. L’absence de dialogues parlés favorise le sentiment d’urgence, et le beau travail orchestral réalisé cette fois par une Philippe Jordan subtil, fluide, élégant, cursif, toujours respectueux des voix, s’appuie sur un Orchestre de l’Opéra de Paris des grands jours.
 
Dans le rôle-titre, Ramón Vargas, emporté, d’une réelle force dramatique, témoigne d’un enthousiasme contagieux en phase avec l’élan de ses passions. On pourra lui reprocher un accent trop hispanique, mais ses qualités de chant demeurent avec des aigus projetés et fermement tenus. Stéphanie d’Oustrac s’impose avec une aisance de tous les instants dans les personnages de La Muse et surtout de Nicklausse. Agile, véritable feu follet, elle devient un élément charnière du spectacle.
Les trois rôles féminins, bien distribués, correspondent à la personnalité de chacune des dames dont Hoffmann est épris : excellente comédienne, Nadine Koutcher réalise une performance appréciée en Olympia, poupée désarticulée jusqu’à la caricature à la fois drôle et vocalement crédible ; Ermonela Jaho, tessiture somptueuse, donne de la romantique Antonia une vision enflammée, poétique et touchante ; Kate Aldrich, en courtisane Giulietta, manifeste un solide métier. Bref instant fantastique, l’apparition de la grande cantatrice Doris Soffel, en spectre de la Mère d’Antonia, impressionne tout en restant quelque peu anecdotique.
Du côté masculin, Roberto Tagliavini fait preuve d’autorité et de présence dans l’incarnation des quatre personnages diaboliques (Lindorf, Coppélius, Dapertutto, Docteur Miracle). Sans créer le frisson, il joue habilement de son timbre profond et soyeux de baryton basse ainsi que d’une diction sans faille. Prestations remarquées de Yann Beuron parfait dans les rôles d’Andrès, Cochenille, Pitichinaccio et surtout Frantz - une véritable leçon de style ! Il faudrait aussi citer la prestance de Paul Gay en Luther et Crespel, l’irrésistible Schlemil de François Lis coiffé en punk ou le très musical Spalanzani de Rodolphe Briand. Nombreux rappels pour un spectacle qui n’a pas pris une ride.
 
Michel Le Naour

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Paris, Opéra Bastille, 6 novembre 2016 ; prochaines représentations le 12, 15, 18, 21, 24 et 27 novembre 2016 / www.concertclassic.com/concert/les-contes-dhoffmann-0
 
Photo ( Ramón Vargas) © Julien Benhamou / Opéra national de Paris

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