"Eliogabalo", l’œuvre au noir

A Paris, une version scéniquement un peu sage du dernier opéra de Cavalli.

Nicolas Blanmont
Eliogabalo , Musique Francesco Cavalli , Direction musicale Leonardo García Alarcón , Mise en scène Thomas Jolly , Collaboration artistique Alexandre Dain , Chorégraphie Maud Le Pladec , Chanteurs : Franco Fagioli (Eliogabalo), Paul Groves (Alessandro Cesare), Nadine Sierra (Flavia Gemmira), Valer Sabadus (Giuliano Gordio), Elin Rombo (Anicia Eritea), Mariana Flores (Atilia Macrina), Matthew Newlin (Zotico), Emiliano Gonzalez Toro (Lenia), Scott Conner (Nerbulone, Tiferne), Décors Thibaut Fack , Costumes Gareth Pugh , Lumières Antoine Travert , Dramaturgie Corinne Meyniel , Chef des Choeurs Thibault Lenaerts ,
Eliogabalo , Musique Francesco Cavalli , Direction musicale Leonardo García Alarcón , Mise en scène Thomas Jolly , Collaboration artistique Alexandre Dain , Chorégraphie Maud Le Pladec , Chanteurs : Franco Fagioli (Eliogabalo), Paul Groves (Alessandro Cesare), Nadine Sierra (Flavia Gemmira), Valer Sabadus (Giuliano Gordio), Elin Rombo (Anicia Eritea), Mariana Flores (Atilia Macrina), Matthew Newlin (Zotico), Emiliano Gonzalez Toro (Lenia), Scott Conner (Nerbulone, Tiferne), Décors Thibaut Fack , Costumes Gareth Pugh , Lumières Antoine Travert , Dramaturgie Corinne Meyniel , Chef des Choeurs Thibault Lenaerts , ©Agathe Poupeney

Le Chœur de chambre de Namur à l’Opéra de Paris ! Ce n’était pas une première dimanche mais Leonardo Garcia-Alarcon, fine mouche, avait choisi de laisser passer trois représentations pour bien prendre la mesure du Palais Garnier avant d’inviter le ban et l’arrière-ban de la Communauté française - même la ministre de la Culture Alda Greoli était de la partie - pour l’événement : le chef argentin fait ses débuts à l’Opéra de Paris avec son orchestre - Capella Mediterranea - mais aussi son chœur namurois, qu’il considère comme indissociable du précédent. Au menu : "Eliogabalo", opéra de Francesco Cavalli retiré de l’affiche quelques jours avant sa création à Venise en 1668.

Trois siècles d’attente

Il avait fallu attendre plus de trois siècles pour voir enfin créé (à Crema en 1999) cet ouvrage à la réputation sulfureuse évoquant la personnalité du décadent et pervers empereur romain Héliogabale. René Jacobs l’avait dirigé à la Monnaie en 2004, et Garcia-Alarcon en assure la création parisienne - qui marque aussi l’entrée de Cavalli au répertoire de l’Opéra de Paris.

Musicalement, c’est une réussite. Certes, il n’est pas facile de maîtriser l’acoustique de cette salle XIXe, nullement conçue pour l’opéra baroque : même avec une fosse légèrement rehaussée et un effectif étoffé à 32 musiciens, l’image sonore de l’orchestre manque parfois de netteté.

Mais la direction souple et subtile de l’Argentin fait merveille, qui sait relancer sans cesse la tension dramatique et varier idéalement les climats dans ces 3h40 de musique. Chœurs et orchestre sont en symbiose parfaite, tout comme les solistes, en ce compris des fidèles de la bande à Leo (Mariana Flores et Emiliano Gonzalez-Toro, tous deux formidables) : et si l’on peut mégoter sur le timbre parfois ingrat du premier, sur la puissance du deuxième ou sur certains aigus imprécis des deux autres, force est de reconnaître que Franco Fagioli (Eliogabalo), Valer Sabadus (Giuliano), Paul Groves (Alessandro) et Nadine Sierra (Gemmira) tiennent plutôt bien la distance et rendent justice à cette splendide partition.

Déception par contre avec la mise en scène de Thomas Jolly. On attendait plus de cet enfant prodige du théâtre français qui aurait pu trouver dans "Eliogabalo" l’équivalent de ses "Richard III" ou "Henry VI" shakespeariens, mais qui rate le coche : noir omniprésent jusqu’à l’ennui, décor rudimentaire et pourtant encombrant (un escalier), direction d’acteurs rudimentaire. C’est dans la fosse qu’il faut chercher le théâtre.

---> Paris, Palais Garnier, jusqu’au 15 octobre. Diffusion le 7 octobre sur Culturebox.francetvinfo.fr et le 16 octobre sur France Musique.

Trois questions à Leonardo Garcia-Alarcon (directeur du choeur de chambre de Namur)

"Eliogabalo", l’œuvre au noir
©DR

1. Ce Cavalli à Paris a une signification multiple pour vous…

C’est d’abord important pour Cavalli, un formidable musicien que j’adore et qui nous surprend tous, et qui avait été chassé de Paris par Lully en 1662. C’est important pour la Capella Mediterranea, mais aussi pour le Chœur de chambre de Namur : pour moi, les frontières entre les deux ensembles se sont effacées, et il était impensable de venir ici sans le Chœur. Cela n’a certes pas été simple à faire accepter, mais cette fidélité était évidente. Et c’est important à titre personnel, parce que je suis le premier chef argentin à diriger à l’Opéra de Paris - Daniel Barenboïm aurait dû le faire et a finalement été écarté, mais j’espère qu’il viendra très vite.

2. Comment avez-vous apprivoisé la salle ?

A côté de l’Opéra Bastille, le Palais Garnier semble petit, mais c’est quand même près de 2000 places ! Après chaque représentation, j’adapte le geste, notamment pour éviter que les tempi se ralentissent à cause de cette espèce d’écoute globale que chaque musicien essaye d’avoir. Les douze représentations seront douze tests pour le futur de l’opéra baroque à Garnier.

3. Vous avez d’autres projets à Garnier ?

Oui. En 2019, pour les 350 ans de l’Opéra de Paris, je dirigerai la Cappella et le Chœur dans "Ercole Amante", l’opéra composé par Cavalli pour Louis XIV et dans lequel furent imposés des ballets de Lully. Et nous donnerons aussi ensemble "Armide" : ce sera le premier Lully à l’Opéra de Paris !

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