Semiramide à l'Opéra Nice Côte d'Azur

Xl__dsc3569web © Dominique Jaussein

Poursuivant une saison constituée de titres audacieux et exigeants, l'Opéra Nice Côte d'Azur vient de proposer une version scénique de Semiramide de Gioacchino Rossini, quelques mois après l'Opéra de Lyon qui s'était réfugié, quant à lui, dans une simple version concertante de ce chef d'œuvre absolu du belcanto. Marc Adam a fait appel à Jakob Peters-Messer pour la proposition scénique, après le succès que ce dernier a remporté in loco l'an passé en montant la Semele de Haendel. Las, l'homme de théâtre allemand déçoit cette fois, se contentant d'un arrangement plus ou moins adroit des processions du chœur ainsi que des entrées et sorties des solistes. Par ailleurs, certains tics propre au Regietheater finissent vite par irriter, telle l'idée d'un Nino sanguinolent et omniprésent sur scène, ou l'adjonction de deux gardes du corps - façon Matrix - au personnage d'Assur. Les costumes de Sven Bindseil mêlant allègrement les origines géographiques et historiques sont, eux, particulièrement laids, tandis que les décors minimalistes et épurés de Markus Meyer ne font que renforcer l'impression de pauvreté générale de la production.

Plus problématique encore, force est de constater que la plupart des interprètes réunis à Nice n'ont pas le format vocal requis par l'ouvrage. La soprano américaine Joanna Mongiardo – dont un souci de santé en cours de représentation a entraîné l'interruption de la première - est une belle Semiramide, qui met toujours la musicalité avant l'éclat de ses hallucinantes voltiges. Elle apporte même une douceur qui humanise étrangement le personnage de la reine criminelle et amoureuse. On lui reprochera quand même de donner l'impression de s'économiser au premier acte. Ainsi, son fameux « Bel raggio lusinghier » manque t-il de l'intrépidité requise, et sa cabalette du vertige attendu.

Avec beaucoup d'assurance, la mezzo suédoise Kristina Hammarström endosse les habits masculins d'Arsace et sort plutôt victorieuse de chacun de ses airs, même si son registre grave manque singulièrement d'étoffe. Le baryton italien Paolo Pecchioli paraît bien mal à l'aise dans Rossini : la technique est défaillante, la vocalise laborieuse, le souffle court, tandis que la caractérisation s'avère minimale, pour ne pas dire caricaturale lorsqu'il s'agit de jouer les vrais méchants. Le ténor napolitain Daniele Zanfardino n'ose qu'un air d'Idreno, celui du deuxième acte, ce que l'on peut comprendre : s'il dispose d'un timbre clair et assuré, celui-ci est vite étranglé quand il lui faut sertir son chant de quelques notes hautes difficiles d'accès. Enfin, la basse syrienne Ziyan Atfeh n'est jamais parvenu à surmonter le handicap d'une émission opaque résolument étrangère à l'univers rossinien.

Par bonheur, l'excellent chef grec George Petrou parvient en partie à faire oublier les limites du chant et de la proposition scénique, pour nous entraîner dans les couloirs d'un palais où chaque porte s'ouvre devant un trésor. A la tête d'un Orchestre Philharmonique de Nice en forme olympique, sa lecture accentue l'aspect dramatique du livret, et démontre à quel point la tragédie lyrique de Gluck est toujours présente chez Rossini. Ensemble, ils sauvent la soirée.

Emmanuel Andrieu

Semiramide de Gioacchino Rossini à l'Opéra Nice Côte d'Azur

Crédit photographique © Dominique Jaussein

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