Parsifal à Moulinsart
Mieux vaut en rire qu’en pleurer ? Quand - premier contresens de la soirée - un Parsifal glabre et feignant d’être juvénile malgré ses cinquante ans (Zoran Todorovitch, correct mais sans charisme, monochrome et parfois même un peu à la peine) conduit la chaise roulante dans laquelle est cantonné un Gurnemanz barbu mais visiblement plus jeune de vingt ans (le formidable Georg Zeppenfeld, héros de la soirée), on pense à Tintin poussant le capitaine Haddock plâtré dans "Les Bijoux de la Castafiore".
- Publié le 28-03-2013 à 04h15
opéra Critique Mieux vaut en rire qu’en pleurer ? Quand - premier contresens de la soirée - un Parsifal glabre et feignant d’être juvénile malgré ses cinquante ans (Zoran Todorovitch, correct mais sans charisme, monochrome et parfois même un peu à la peine) conduit la chaise roulante dans laquelle est cantonné un Gurnemanz barbu mais visiblement plus jeune de vingt ans (le formidable Georg Zeppenfeld, héros de la soirée), on pense à Tintin poussant le capitaine Haddock plâtré dans "Les Bijoux de la Castafiore".
Seul moment de sourire dans une soirée qui, après la consternante "Flûte enchantée" de l’hiver dernier, désolera et agacera encore ceux qui savent qu’on peut faire des mises en scène contemporaines sans pour autant faire dire aux œuvres le contraire de ce qu’elles disent.
Images mille fois vues
Certes, tout n’est pas à jeter dans le nouveau "Parsifal" de Tatiana Gurbaca. La metteuse en scène allemande qui s’était fait connaître à l’Opéra flamand par ses Tchaïkovski a un réel talent dans la gestion des grandes masses chorales, et tant la fascinante cérémonie du Graal que la très sensuelle scène des filles fleurs sont des réussites. Il y a aussi, le plus souvent, une vraie direction d’acteurs.
Mais des images originales ou parfois même fascinantes ne suffisent pas à créer du sens, surtout quand, au fil de la soirée, on s’aperçoit qu’il n’y a pas d’idée véritable et que Tatiana Gurbaca retombe dans des images mille fois vues (les vieilles folles fardées qui peuplent ici le château de Klingsor, l’usage abusif d’hémoglobine, les danses de dérision) et par détourner le final de l’œuvre pour y faire molester et torturer Amfortas par les chevaliers, habillés comme les pensionnaires et employés d’un sanatorium aujourd’hui.
L’absence totale de décors (juste des murs blancs où s’écoule le sang de la blessure) ne permet pas de préciser exactement où se passe l’action. La piste médicale n’est pas à exclure, d’autant que l’Opéra flamand organise en marge de la représentation du 2 avril une collecte de sang.
Chœurs remarquables
Consolation musicale, comme souvent dans ces cas-là. Hormis des cloches aux sonorités peu séduisantes, l’Orchestre de l’Opéra flamand se montre en belle forme sous la direction d’Eliahu Inbal : on peut certes trouver que la baguette du chef israélien manque de cette part de mystère, voire de venimeux, qu’on peut attendre dans "Parsifal", mais elle ne manque ni d’ampleur ni de souffle, et elle réserve quelques superbes moments. Elargis comme il se doit, les chœurs sont remarquables, tandis qu’on saluera encore dans la distribution les beaux débuts en Amfortas du Belge Werner Van Mechelen et le très bon Klingsor de Robert Bork.
Coup de chapeau aussi à la Kundry de Susan McLean, vocalement puissante et scéniquement infatigable mais à l’allemand difficilement intelligible.
Anvers, Vlaamse Opera, jusqu’au 5 avril; Grand Théâtre de Luxembourg, les 12 et 14 avril; Gand, Vlaamse Opera, du 20 au 28 avril. Infos & rés. : 070.22.02.02, www.vlaamseopera.be