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Entrée en matière réussie

Zurich
Opernhaus
09/23/2012 -  et 26, 30 septembre, 4, 7, 16, 20, 24, 28, 31 octobre 2012
Leos Janácek: Jenůfa
Kristine Opolais (Jenůfa), Michaela Martens (Kostelnicka Buryjovka), Hanna Schwarz (Grand-mère Buryjovka), Christopher Ventris (Laca Klemen), Pavol Breslik (Steva Buryja), Cheyne Davidson (Le contremaître), Pavel Daniluk (Le maire), Irène Friedli (La femme du maire), Ivana Rusko (Karolka), Chloé Chavanon (Une servante), Herdís Anna Jónasdóttir (Barena), Silvia Spassova (La tante), Susanne Grossteiner (Jana), Olivera Dukic (Voix 1), Kai Florian Bischoff (Voix 2)
Chor der Oper Zürich, Ernst Raffelsberger (préparation), Philharmonia Zürich, Fabio Luisi*/Patrick Lange (direction musicale)
Dmitri Tcherniakov (mise en scène et décors), Elena Zaytseva (costumes), Gleb Filshtinsky (lumières), Beate Breidenbach (dramaturgie)


(© Monika Rittershaus)


Les attentes étaient immenses à Zurich pour le début de la saison lyrique 2012/2013 et elles n’ont pas été déçues, bien au contraire: après un mandat de 22 ans à l’Opernhaus, Alexander Pereira est parti pour Salzbourg et a cédé sa place à Andreas Homoki. Le nouveau directeur vient de Berlin, où il présidait aux destinées de la Komische Oper. Metteur en scène réputé, c’est en Suisse que sa carrière a pris son envol, grâce à une superbe Femme sans Ombre en 1992 au Grand Théâtre de Genève, reprise deux ans plus tard au Châtelet. Pour sa première année zurichoise, Andreas Homoki signera lui-même deux spectacles – Le Vaisseau fantôme en décembre, avec Bryn Terfel, et Lady Macbeth de Mzensk en avril 2013 –, mais a préféré laisser à d’autres le soin de régler la production d’ouverture.


L’Orchestre de l’Opernhaus, rebaptisé Philharmonia Zürich, est placé sous la baguette de son nouveau directeur musical, Fabio Luisi. Depuis sa désignation à Zurich il y a quatre ans, le chef italien a pris du galon à New York, au point que certains se demandent déjà combien de temps il pourra occuper les deux positions. Quoi qu’il en soit, ses débuts dans la fosse zurichoise ont été fulgurants. Pour son premier opéra de Janácek, il a démontré son sens du théâtre et de la tension, de la différenciation et des couleurs, pour offrir de la partition une lecture vivante et prenante, qui dégage force et violence. Comme à son habitude, Dmitri Tcherniakov a fait du drame un huis-clos, qui ressemble ici à une prison, et l’a transposé à notre époque, sans pourtant le dénaturer. Nous nous trouvons dans une maison à trois étages, aux parois vert clair et à l’ameublement sobre et design, loin de tout folklore bucolique et champêtre. Au début du spectacle, les trois femmes se font face, immobiles, dans un climat lourd et oppressant. S’il n’a rien conçu de révolutionnaire, le metteur en scène russe a cependant magistralement réussi à faire sentir le bouillonnement intérieur de chaque personnage, prêt à exploser à tout moment, ainsi que la violence, l’étouffement et les rancœurs de cette société où une fille-mère finit par tout perdre. Il prend certes quelques libertés avec le livret (à la fin de l’ouvrage, Jenufa ne pardonne pas et referme même une porte au nez de Laca, ce qui donne à ses propos un ton particulièrement cynique; le bébé meurt de froid dans son berceau laissé dans une pièce aux fenêtres ouvertes) mais reste néanmoins fidèle à l’ouvrage. Le plus admirable dans son travail, ce n’est pas tant ce qu’il raconte, mais comment il le raconte, grâce à une direction d’acteurs où chaque geste, chaque détail est réglé au millimètre et exprimé avec force et émotion.


Il faut dire qu’il peut compter sur une équipe parfaitement homogène de solistes, qui sont tous de très bons acteurs. La Jenůfa de Kristine Opolais – dont la voix a besoin de temps pour s’épanouir pleinement – offre l’incarnation la plus intense et la plus aboutie, notamment lorsqu’elle essaie de donner le change à Steva mais sans y parvenir totalement, trop absorbée par ses pensées. La Kostelnicka de Michaela Martens n’est pas un monstre, mais une femme blessée et brisée, qui joue avec le bébé avant de le laisser mourir de froid. La grand-mère de Hanna Schwarz est une vieille dame coquette à la limite de la démence, qui ne se soucie que de son apparence. A l’image de ses aigus éclatants, Pavol Breslik campe un Steva insolent et insouciant, alors que Christopher Ventris donne à Laca des accents sombres et mystérieux. Pour une entrée en matière, c’est une réussite sur toute la ligne.



Claudio Poloni

 

 

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