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Une Isolde est née

Nice
Théâtre de l’Opéra
04/03/2012 -  et 6, 8, 11* avril 2012
Richard Wagner : Tristan und Isolde

Jon Frederic West (Tristan), Catherine Foster (Isolde), Michelle de Young (Brangäne), Jukka Rasilainen (Kurwenal), Matti Salminen (Le Roi Marke), Clemens Unterreiner (Melot), Stanislas de Barbeyrac (Le jeune matelot, Le berger), Richard Rittelman (Le pilote)
Chœur de l’Opéra de Nice, Giulio Magnanini (chef des chœurs), Orchestre philharmonique de Nice, Sir Richard Armstrong (direction musicale)
Hans-Peter Lehmann (mise en scène et lumières), Olaf Zombeck (décors et costumes)


C. Foster, J. F. West (© Dominique Jaussein / Opéra de Nice)


Quelques mois après sa prise du rôle à l’Opéra de Weimar, c’est à celui de Nice que Catherine Foster – étoile montante des sopranos dramatiques wagnériennes – venait chanter Isolde. La soprano britannique s’inscrit d’emblée dans la grande tradition des chanteuses qui ont marqué le rôle durant les dernières décennies. Ses atouts sont considérables: richesse du timbre, flexibilité de la ligne, sans oublier une puissance vocale impressionnante. N’altérant jamais la continuité de la phrase pour aborder une note particulièrement difficile, elle évolue avec une aisance confondante dans cette tessiture meurtrière, sans jamais s’économiser, pour atteindre le Liebestod avec une fraîcheur, un legato et un rayonnement intacts. Par ailleurs, la cantatrice anglaise impose une saisissante pénétration psychologique de ce personnage éminemment complexe. En se fondant sur son instinct, sans en rajouter dans les gestes, elle traduit l’orgueil, la rage, la passion et le ressentiment de la princesse irlandaise avec une autorité qui force l’admiration. Bref, une Isolde est née, et vu le légitime succès qu’elle a remporté aux saluts, il est probable qu’elle sera amenée à l’interpréter souvent à l‘avenir, pour notre plus grand bonheur.


Le Tristan de Jon Frederic West – que nous avions déjà eu le plaisir d’entendre dans le rôle à Bordeaux en 2005 aux côtés de Jayne Casselman – est tout aussi exceptionnel que l’Isolde de sa partenaire. Malgré les ans, le ténor américain demeure solide de bout en bout et continue de chanter Tristan avec une belle fermeté de timbre, exploitant au mieux le contraste entre sa voix robuste et les états d’âme morbides du héros. S’il ne possède pas un physique de jeune premier, le chanteur finit par être crédible, et même émouvant à l’acte III, grâce à une ductilité dans le chant et à une intensité dans le jeu qui font mouche. Matti Salminen reste un Roi Marke d’anthologie: sa basse caverneuse et souple à la fois défie le temps, sans manifester le moindre signe d’empâtement. Le Finlandais exprime toute la douleur de son personnage avec une poignante simplicité et nous ne sommes pas près d’oublier l’expression bouleversante de son visage, quand son regard croise celui de Tristan, alors que ce dernier vient de le trahir. Autre ravissement vocal, la Brangäne de Michelle de Young. La mezzo américaine incarne une vibrante servante, dont le médium plein et le grave chaleureux s’accompagnent d’un aigu triomphant. D’une tenue vocale parfois insuffisante, en revanche, le Kurwenal de Jukka Rasilainen. Après un premier acte assez discutable pour la conception trop extérieure du personnage, le baryton finnois a néanmoins partagé, avec une belle intensité, la «passion» de son maître au troisième. De son côté, le jeune et prometteur ténor français Stanislas de Barbeyrac a ravi l’audience – tant dans le rôle du jeune matelot que celui du berger – par son magnifique timbre clair et sa superbe musicalité. Enfin, la prestation vocale du baryton autrichien Clemens Unterreiner n’appelle aucun reproche et l’acteur s’avère convaincant dans sa véhémence.


Maillon faible de la soirée, la production hybride et inaboutie conçue par le duo Hans-Peter Lehmann (mise en scène et lumières) et Olaf Zombeck (décors et costumes) nous a laissé indifférent. Le travail trop sage du metteur en scène allemand n’apporte rien de neuf, et strictement rien de vraiment personnel à Tristan, tant sur le plan philosophique que psychologique. Quant aux décors, ils pèchent par un manque d’unité stylistique: chaque acte semble appartenir à un univers esthétique et dramatique différent, ce qui nuit à la continuité du spectacle. L’arrangement scénique est certes toujours agréable à regarder (très bel arbre en forme de photophore du II), mais il sombre le plus souvent dans l’insignifiance.


C’est un tout autre bonheur que nous procure la partie musicale du spectacle. Dernier triomphateur de la soirée, Sir Richard Armstrong donne le meilleur de lui-même à la tête d’une phalange de bout en bout admirable de cohésion et de clarté, avec des sonorités magnifiques que l’on n’a pas toujours connues à l’Opéra de Nice. Tour à tour dramatique et nuancé, avec un rare souci du détail instrumental, le chef britannique ménage un rapport parfait entre les voix et un orchestre somptueux mais jamais envahissant.


En dépit de la proposition scénique, une grande soirée à l’Opéra de Nice.



Emmanuel Andrieu

 

 

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