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ENTRETIENS 29 mars 2024

Tomasz Konieczny,
Wotan avant tout

Prévu d’abord seulement dans la seconde distribution de Lohengrin à l’Opéra de Paris, Tomasz Konieczny aura chanté presque toutes les représentations dans le rôle de Telramund. Avant tout Alberich et Wotan sur les autres scènes du monde, nous avons souhaité l’interroger sur son rapport à Wagner et ses autres rôles de baryton-basse.
 

Le 15/02/2017
Propos recueillis par Vincent GUILLEMIN
 



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  • Vous reprenez le rĂ´le de Telramund pour Paris. Qu’aimez-vous dans ce personnage ?

    La première question à se poser est à mon avis : est-il possible d’aimer ce rôle ? Je n’en suis pas sûr, car ce n’est définitivement pas le mieux écrit par Wagner et il est nettement moins bon que les suivants composés pour baryton-basse ; je pense qu’à cette époque, il ne savait pas tout à fait ce qu’il voulait pour ce type de voix. Telramund, c’est avant tout l’énergie. La partie la plus intéressante vient du jeu de domination avec Ortrud.

    Il est clairement dans une relation sado-maso avec sa femme et c’est lui qui est dominé, parfois comme un enfant. Il est vraiment à la peine et doit faire ce qui lui est imposé, c’est ce qui m’intéresse le plus dans ce personnage, car il va en mourir. Le moment dramatique à la fin de l’acte II lorsqu’il interrompt toute la partie entre le Roi et Lohengrin, c’est de l’énergie pure et franchement intéressant à porter. Mais le reste du temps, vous n’avez pas pour moi les grands moments que l’on retrouve par exemple pour Wotan, et cela me manque.

     

    Vous avez pris le rôle seulement l’an passé à Dresde, maintenant Paris, pensez-vous le faire évoluer sur d’autres scènes ?

    Ma première fois était en effet la saison dernière à Dresde avec Thielemann, Herlitzius, Netrebko et Beczala, production qui sortira prochainement en DVD. Mon approche avant de prendre ce rôle a été que je n’avais encore jamais touché à trois rôles wagnériens. Le premier était Telramund, le deuxième le Hollandais, qui peut être problématique également pour savoir comment gérer les différences de hauteurs. Le troisième, beaucoup mieux écrit mais pour lequel j’ai encore besoin de temps, malgré la demande de très grandes maisons pour l’interpréter, est évidemment Hans Sachs.

    Telramund est différent des grands rôles wagnériens de baryton, car vous n’avez qu’une couleur dans cette partition, très dramatique et jamais joyeuse. La fin du II est dans le même registre que la fin du III de la Walkyrie pour Wotan, mais dans cette œuvre il y a le monologue, puis les Adieux, beaucoup de beaux moments qui n’existent pas dans Lohengrin pour le baryton. Donc premièrement, ce rôle n’est pas agréable pour quelqu’un de bon sur scène, mais en plus en termes d’écriture, il est très en dessous d’un Amfortas, ou même d’un Klingsor, bien mieux travaillé dans la couleur.

    C’est la raison pour laquelle je le chante actuellement, mais plus forcément pour longtemps, sauf si l’idée me reprend bien plus tard avec une autre approche pour le personnage.

     

    Vous étiez également un fantastique Alberich à Munich ou encore récemment à Dresde.

    Mes premiers rôles wagnériens étaient des basses, Daland et le roi Marke dans l’ensemble de Mannheim, puis j’ai chanté Amfortas, la première fois aussi à Mannheim sous la direction d’Adam Fischer, et j’ai abordé Alberich et Wotan. J’ai fait mes débuts en Alberich il y a plus de dix ans. La prochaine fois sera en 2019 au Met pour le Ring dirigé par Philippe Jordan, et ce sera peut-être ma dernière sur scène avec ce personnage.

    Ensuite, je ne sais pas si j’accepterai encore le rôle, ou certainement à l’occasion en version de concert ou pour des enregistrements. Ma voix n’y est plus tout à fait adaptée et même si bien sûr en ayant commencé acteur avant d’être chanteur, je sais varier mon jeu et le style pour jouer le méchant, cela me force maintenant à moduler et à passer dans des registres qui commencent à me déranger.

     

    Vous avez cité auparavant Klingsor, que vous n’avez semble-t-il pas encore chanté, pourtant cela semblerait une bonne idée car bien que court, le rôle est souvent mal tenu…

    Oui, car la plupart du temps les directeurs d’opéras comme les chefs d’orchestres choisissent de prendre de jeunes chanteurs pour ce rôle, qui n’ont jamais chanté Wagner et s’en servent pour préparer Amfortas ensuite. Je pense que ce n’est pas dans ce sens qu’il faut procéder, car Klingsor est difficile et nécessite plusieurs couleurs mais aussi plusieurs échelles, il faut l’aborder avec plus de maturité. J’y viendrai un jour, ce personnage m’intéresse.

     

    Quel rôle privilégiez-vous aujourd’hui lorsque vous devez choisir de prochains contrats ?

    À mon avis la plus belle partie de moi est aujourd’hui dans Wotan. Nous avons eu de magnifiques sessions à Vienne puis Tokyo, et je suis fan du rôle de Wotan dans la Walkyrie. Donc si j’ai des propositions parallèles pour deux opéras distincts sur une même période, je choisirai systématiquement Wotan, même si cette proposition vient d’une maison d’opéra un peu plus petite.

    J’ai énormément à dire dans ce rôle qui est l’un des plus puissants jamais écrits, car il faut savoir que Wotan n’est pas aussi bon que ce que les personnes veulent bien le penser. C’est un vrai méchant dans le Ring et surtout dans la Première journée, il essaie toujours de trouver une façon de détourner les idées des autres. Il est comme un serpent, intelligent et pas dans le droit chemin.

     

    Quittons Wagner ! Vous deviez reprendre Wozzeck à Genève après avoir débuté avec ce rôle à Chicago et vous serez dans les Stigmatisés de Schreker en fin de saison à Munich, quel est votre rapport à la musique du XXe siècle ?

    Je devais en effet reprendre Wozzeck, mais on s’est mal compris avec le Grand Théâtre de Genève et il y avait conflit d’agenda avec Paris, donc j’ai décidé de rester sur le premier contrat signé, celui de Telramund. Cependant, j’aime énormément le personnage de Berg et il y a aussi à cette période de très importantes compositions pour baryton.

    Wozzeck est vraiment l’un des plus grands opéras jamais composés, et c’est même pour moi très supérieur à la pièce de théâtre. J’aime également beaucoup Cardillac d’Hindemith, que j’ai interprété pour l’Opéra de Vienne. Mathis le Peintre est un peu trop long, donc je ne suis pas totalement enthousiaste par rapport à cette œuvre, mais il y a de superbes moments, très beaux et aussi très intéressants. J’ai aussi beaucoup d’attirance pour la musique de Penderecki, notamment Black Mask ou Ubu Rex.

    Comme vous le voyez, je suis très intéressé, mais bien entendu cela dépend des propositions, car si vous n’en avez pas vous ne pouvez faire la démarche d’apprendre seul un long rôle. Je n’ai pas le temps pour débuter ces projets par moi-même en espérant que l’on m’appelle ensuite et quand je travaille des projets pour moi-même, je travaille plutôt Hans Sachs.

     

    Vous chantez surtout en allemand.

    Bien entendu, l’allemand est la langue dans laquelle je suis le plus à l’aise pour chanter, mais je n’ai rien contre les autres, c’est juste que je ne les parle pas, donc il est plus compliqué d’apprendre un rôle et la prononciation. Je travaille avec des professeurs pour cela, c’est très important ; par exemple, j’avais adoré chanter Golaud et pendant que je suis à Paris pour Lohengrin, j’en ai profité pour travailler mon français, et je suis en train de préparer les quatre méchants des Contes d’Hoffmann, pour un projet à Tokyo la saison prochaine. J’ai déjà chanté ces rôles, mais en les retravaillant avec la fantastique professeure Chantal Mathias, du CNSM de Paris, je me suis rendu compte que je pouvais encore améliorer ma prestation précédente.




    À voir :
    Telramund dans Lohengrin, mise en scène : Claus Guth, direction : Philippe Jordan, Opéra de Paris, jusqu’au 18 février.
    Passion selon saint Luc de Penderecki, London Philharmonic Orchestra, 4 mars 2017, Royal Festival Hall, Londres.
    Alberich dans Crépuscule des dieux, Festival de printemps de Tokyo, avril 2017.
    Le Comte Adorno, dans les Stigmatisés, mise en scène : Krzysztof Warlikowski, direction : Ingo Metzmacher, Festival d’été de Munich, juillet 2017.

     

    Le 15/02/2017
    Vincent GUILLEMIN


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