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ENTRETIENS 29 mars 2024

Sondra Radvanovsky,
amoureuse de l’opéra italien

© Pavel Antonov

Très connue aux États-Unis mais peu entendue en Europe ces dernières années, la soprano Sondra Radvanovsky chante Aïda sur la scène de l’Opéra de Paris. L’occasion pour nous d’échanger avec elle sur ce rôle, son approche de la musique et ses projets, toujours très liés à la musique italienne, pour laquelle elle estime que sa voix est idéalement taillée.
 

Le 27/06/2016
Propos recueillis par Vincent GUILLEMIN
 



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  • Vous chantez AĂŻda pour la première fois sur la scène de l’OpĂ©ra de Paris. Qu’aimez-vous dans ce personnage ?

    Aïda est un rôle intéressant mais très difficile. Il est plein de douceur et peu de sopranos l’approchent de cette façon. Je pense que Verdi souhaitait vraiment un soprano comme Montserrat Caballé, qui peut flotter avec les notes aiguës, pas une personne dure comme nous l’entendons souvent. J’aime donc l’imaginer plus vulnérable, en contraste avec Amnéris.

    Lorsque je l’ai chantée la première fois, à Toronto en 2010, c’était dans une production vraiment intéressante, où Aïda était une femme de ménage. Je n’ai donc jamais ressenti le poids de l’esclave égyptienne sur le rôle. Ensuite, j’ai chanté de nombreuses Aïda traditionnelles, avec éléphants et pyramides, puis d’autres nouvelles productions qui m’ont aidées à mieux cerner la femme. Aujourd’hui, j’ai une meilleure compréhension du rôle et des interactions avec les autres sur scène.

     

    Que pensez-vous de votre personnage dans la proposition d’Olivier Py ?

    Je pense que ce n’est pas vraiment une esclave, qu’elle est d’une nationalité différente, ce que l’on distingue par sa couleur de cheveux. C’est donc juste une autre femme pour Radamès. Cette production est assez froide malgré les dorures, il faut donc lui donner de la lumière grâce à la musique.

     

    Vous chantiez récemment les trois reines de Donizetti au Metropolitan Opera de New York. Comment est venu ce projet ?

    C’était une idée originale du Met, d’abord conçue pour Anna Netrebko. On lui a demandé et elle a chanté Anna Bolena, puis elle a dit qu’elle ne ferait pas les deux autres rôles. Donc le Met m’a appelé il y a quatre ans, et j’ai d’abord répondu que j’avais besoin de temps pour réfléchir, puis après quelques mois, j’ai finalement dit oui !

    La reine que je préfère est Elisabeth dans Roberto Devereux. J’adore la musique de Maria Stuarda mais je trouve le personnage moins amusant à jouer. Elisabeth est fantastique, elle a beaucoup de feu et de passion, sa ligne vocale est toujours dynamique. C’est impressionnant car ce rôle a tout ! Tout y est haut et bas, puissant et doux, violent et calme. Et puis jouer cette vieille dame qui est une reine, honnêtement, c’est passionnant.

     

    Vous vous produirez au Théâtre des Champs-Élysées la saison prochaine en Amelia Grimaldi dans une version de concert de Simon Boccanegra avec l’Orchestre de l’Opéra de Monte-Carlo.

    C’est ma prochaine prise de rôle avant Léonore de la Force du destin. J’ai fait le rêve il y a longtemps de chanter tous les sopranos de Verdi que ma voix me permet. Pas Gilda de Rigoletto ni les plus claires, mais ceux de Simon, Luisa Miller, tous les rôles dramatiques. Violetta, Desdémone aussi, dont j’ai déjà chanté les arias et le duo avec Domingo en concert. Je veux aussi faire les femmes plus colériques, celles d’Attila, de Nabucco. Peut-être que je ne les chanterai pas toutes et que c’est juste un rêve, mais après les trois reines de Donizetti, il me faut de nouveaux projets !

     

    Vous avez chanté aussi Amélia du Bal masqué avec James Levine.

    En tant que jeune artiste du Met, j’ai eu la chance de chanter sous la direction de James Levine pendant vingt ans. C’est le plus grand musicien existant à mes yeux. Il voit la musique d’une façon totalement différente des autres chefs, comme s’il pouvait être à l’intérieur et en ressortir toute la substance. Il m’a beaucoup aidée les premières années et j’ai eu un coaching particulier avec lui sur les airs et les rôles à chanter au Met.

    Un des premiers grands rôles à ses côtés a été Luisa Miller, alors dans une nouvelle production. Il sentait bien que j’étais nerveuse, et m’a apaisée avant la représentation en me disant que j’allais juste faire ce que je devais faire et le partager avec tous ! Je suis entrée sur scène et nous avons fait de la grande musique ensemble ce soir-là, avec un orchestre du Met qui répondait immédiatement à chacune des nuances demandées.

     

    Même s’il quitte le Met, il est surprenant de ne pas vous y voir la saison prochaine.

    J’y chante depuis vingt ans, et rien que cette saison 22 représentations. Je pense que le public new-yorkais a besoin d’une pause avec moi. Dès 2017-2018, je reviendrai avec deux nouvelles productions, Norma et Forza. J’ai hâte, mais pour le moment, je veux passer un peu plus de temps en Europe.

     

    Vous chantez beaucoup Verdi et le Bel canto, mais vous avez aussi Puccini à votre répertoire. Quelle est votre approche de ce compositeur ?

    Je chante chaque rôle avec ma voix. Lorsque je chante dans Devereux, certains n’aiment pas, par exemple les amateurs de Bel canto lorgnant vers le baroque, qui considèrent souvent que j’ai une voix trop large. Je chante Aïda et Tosca avec cette voix. Je ne crois pas qu’il faille trop changer à cause du compositeur.

    Après, j’utilise probablement plus la voix de poitrine pour Tosca, j’y mets plus d’ampleur alors que je préfère la réserve dans Devereux, car c’est le style de la musique. Mais vocalement, j’essaie de ne pas trop changer. Et puis je ne veux surtout pas chanter tout le temps le même compositeur. Il est très facile de chanter beaucoup de Puccini car vous avez en dessous de vous un orchestre qui vous entraîne.

    Les violons vous doublent systématiquement, vous renforcez le thème avec la voix, et pour ce faire, vous devez pousser un peu, donner chaque fois plus, et facilement perdre la finesse. Il est très important pour moi de garder cette flexibilité, ce chant leggiero que requiert le Bel canto.

     

    Nous parlons depuis le début de l’opéra italien. On trouve dans votre répertoire très peu de rôles dans d’autres langues.

    En français, j’ai chantĂ© dans Cyrano et Faust, c’était d’ailleurs ma première apparition Ă  Paris il y a seize ans. Pour le reste, je chante peu dans d’autres langues pour plusieurs raisons. D’abord, j’ai une très forte affinitĂ© avec la musique italienne. Ensuite, je parle l’italien couramment, donc je comprends tout, ce qui est vraiment un plus. Enfin, je pense que ma voix est faite pour la musique italienne. Une fois, Mirella Freni m’a dit : « Sondra, chante ce que tu aimes et ce que ta voix te dit de chanter, ensuite le public suivra. Â» Elle avait raison.

     

    Vous êtes tchèque, pensez-vous un jour porter votre répertoire national ?

    J’ai chantĂ© Rusalka une fois Ă  Bilbao et je pense la refaire dans quelques saisons, j’aime aussi beaucoup, chez Janáček, Jenůfa ou Kátia Kabanová. Peut-ĂŞtre que dans quelques annĂ©es, je fermerai la page du Bel canto pour en ouvrir une autre, mais pour le moment j’ai le contre-mib, alors je garde un rĂ©pertoire dans lequel je peux l’utiliser !

     

    Il n’est pourtant pas écrit dans la partition d’Aïda ?

    Non, mais c’est amusant de le chanter !




    À voir :
    Aïda de Verdi, mise en scène Olivier Py, direction Daniel Oren, Opéra Bastille, jusqu’au 16 juillet.

     

    Le 27/06/2016
    Vincent GUILLEMIN


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