Le Théâtre des Champs-Elysées a programmé « Atys », le chef d’oeuvre de Jean-Baptiste Lully, en version de concert.
Ouvrage mythique, il fut « recréé » en 1987 devant des salles à moitié vides et allait devenir pourtant l’événement musical déclencheur d’une réappropriation du patrimoine lyrique français de l’époque baroque.
Fruit d’une coproduction de l’ensemble Les Ambassadeurs-La Grande Écurie et du Centre de musique baroque de Versailles, tous deux associés à l’Atelier Lyrique de Tourcoing, au Théâtre des Champs-Elysées et à l’Opéra Grand Avignon, cet « Atys » était d’autant plus attendu.
L’ouvrage n’est autre que l’opéra préféré de Louis XIV dont le souverain a suscité pour son plaisir plusieurs reprises.
Cette tragédie lyrique, en un prologue et cinq actes, repose sur le livret d’un grand dramaturge de son temps, Philippe Quinault, contemporain de Lully . Elle a été créée le 10 janvier 1676 à Saint Germain-en-Laye.
Cet ouvrage d’une grande ampleur d’une durée de près de trois heures, relate les relations amoureuses tumultueuses et tragiques d' »Atys » et de la déesse « Cybèle ».
Cette dernière a jeté son dévolu sur « Atys », mais celui-ci ne partage pas cet amour. Il est, en secret, amoureux de « Sangaride »….
La découverte par « Cybèle » de cet amour va provoquer l’ire de la déesse qui, par vengeance, va faire tuer « Sangaride » et plonger dans le désespoir le plus absolu « Atys », qui se donnera la mort.
Sur les vers de Quinault, Lully a tissé une musique qui se déploie comme un immense récitatif- arioso continu, seulement interrompu par les airs et interventions du choeur.
Lors de la seconde partie -composée des Actes III, IV, V- et alors que l’action se resserre, la musique se fait plus dense, à l’image de l’un des sommets lyriques de l’ouvrage, le fameux « Sommeil » (Acte III, scène 4), pour s’achever, dans les deux actes suivants, en une sombre apothéose.
L’ambition de cette production a été de renouveler l’interprétation de l’ouvrage en revenant « aux sources de la création », comme le rappelle Benoît Dratwicki, chercheur et Directeur artistique du Centre de musique baroque de Versailles.
C’est ainsi qu’ont été repensées la dimension de l’orchestre (notamment les violons), la répartition des instruments, le traitement des récitatifs au plus près de la prosodie réclamée par le compositeur, et aussi le choeur.
Le chœur a été divisé en plusieurs formations, ce qui lui permet de s’adapter au drame en multipliant les déplacements scéniques, mais aussi d’échanger et de se répondre, dans une nouvelle « polychoralité ».
En se fondant sur le livret de la création de 1676, la « bande » d’instruments à vent joue sur scène, aux côtés parfois des chœurs.
Le choix de faire tout pour « entendre un « Atys » résolument neuf » a justifié la re-fabrication de certains instruments, réalisée à partir des originaux conservés au Musée de la musique (flûtes, hautbois et cromornes, genre de hautbois, instrument à hanche double)…
Le directeur musical Alexis Kossenko, très investi dans les recherches déployées par le CMBV, s’est résolument engagé dans cette aventure musicale et propose avec son orchestre « Les Ambassadeurs- La Grande Écurie » une relecture enthousiasmante de l’ouvrage; cette relecture, il la dirige de la fosse avec passion, au cœur de l’orchestre, de sorte qu’il n’est pas rare qu’il soit face aux spectateurs. Le geste est ample, puissant, et n’exclut pas un grand raffinement sonore.
La réussite de cette reconstitution n’a été rendue possible qu’en réunissant un plateau de solistes adéquats: le ténor Mathias Vidal se révèle être un extraordinaire « Atys », littéralement possédé par le drame, la soprano Gwendoline Blondeel une merveilleuse et sensible « Sangaride », le baryton Tassis Christoyannis au timbre puissant incarne avec majesté le Roi « Célénus », pathétique dans son désespoir d’avoir été trahi par « Atys », et, bien sûr, souveraine, toute en digne pudeur, la soprano Véronique Gens dans « Cybèle ».
Les rôles dits secondaires sont, ce qui est à souligner, d’une très grande homogénéité, et assurés avec panache par Virginie Thomas, Eléonore Pancrazi, Hasnaa Bennani, David Witczack, Adrien Fournaison, Antonin Rondepierre, François-Olivier Jean, Carlos Porto, Marine Lafdal-Franc.
Les Pages et les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles (Direction Fabien Armengaud) complètent magnifiquement cette exceptionnelle distribution.
Sur les traces de Jean-Marie Villegier, génial metteur en scène de la redécouverte d’Atys »en 1987, il est urgent de redonner une version scénique, donc » totale », de l’ouvrage, avec les danses, si présentes dans ce chef d’oeuvre.
Théâtre des Champs-Elysées
Mardi 26 mars 2024
« ATYS »
Tragédie en musique de Jean-Baptiste LULLY
En un prologue et cinq actes (1676)
Livret de Philippe QUINAULT
Alexis Kossenko, Direction
Mathias Vidal, « Athys »
Véronique Gens, « Cybèle »
Gwendoline Bondeel, « Sangaride »
Tassis Christoyannis, « Célénus »
Hasnaa Bennani, « Doris »
Virginie Thomas, « Flore », « Une Divinité de fontaine »
Eléonore Pancrazi, » Melpomène », « Mélisse »
David Witczak, « Le Temps », « Un songe funeste », « Le fleuve Sangar »
Adrien Fournaison, « Idas », « Phobétor »
Antonin Rondepierre, « Un zéphir », Morphée », Un grand Dieu de fleuve »
Carlos Porto, « Le sommeil », Un grand Dieu de fleuve »
Marine Lafdal-Franc, « Iris », « Une Divinité de fontaine »
François-Olivier Jean, « Phantase »
Les Ambassadeurs-La Grande Ecurie
Les Pages et les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles
Direction, Fabien Armengaud