Au Théâtre des Champs-Elysées, une “Damnation de Faust” un peu sage

- Publié le 25 mars 2024 à 09:33
C’est sous les bons auspices d'Hector Berlioz que s’ouvrait le Jubilé célébré par le National à l’occasion de ses quatre-vingt-dix ans. Avec au pupitre son directeur musical, Cristian Macelaru.
La Damnation de Faust de Berlioz

La lecture de Cristian Macelaru se veut d’abord intimiste, mettant en valeur la pureté et la rondeur d’un son clair, aéré, chaleureux. Les cordes se distinguent par leur sensibilité lors des passages les plus oniriques, comme celui évoquant un séjour au bord de l’Elbe, les cuivres portent avec délicatesse la berceuse diabolique. L’ensemble pèche cependant par excès de sagesse, manquant d’élan, de générosité, voire de variété dans les éclairages et les dynamiques. Les tempos sont trop souvent étirés, que ce soit dans le solo de cor anglais, le Ballet des sylphes, ou encore celui des feux follets qui s’endorment sur leur Menuet. Heureusement, la Marche hongroise, d’abord languissante, finit par éclater, et les musiciens se libèrent jusqu’à faire résonner une chevauchée nerveuse et infernale à souhait.

En remplacement de Stanislas de Barbeyrac, le Faust de John Irvin constitue, hélas, la principale faiblesse de la soirée. Si le ténor possède la projection et l’étendue vocale requises, il semble totalement indifférent au texte, livrant une interprétation uniforme. Le timbre est par ailleurs bien nasillard, la prononciation aléatoire et la ligne de chant si peu généreuse que l’Invocation à la nature perd toute sa grandeur, le duo d’amour son expressivité.

Méphisto plein de verve

C’est donc avec bonheur que l’on voit surgir le Méphisto puissant et plein de verve de Paul Gay. Son timbre mordant, la qualité de sa projection et de son incarnation font rapidement oublier quelques problèmes d’intonation. La Chanson de la Puce est particulièrement bien envoyée et la sérénade, à laquelle les chœurs donnent une réplique percutante, suscite l’enthousiasme. Frédéric Caton, riche d’une parfaite diction, offre de son côté une Chanson du Rat pétillante. Stéphanie d’Oustrac campe une Marguerite délicate et nuancée, très rêveuse, voire proche du murmure dans un air de Thulé introduit par un alto solo dont la superbe couleur relève du même esprit. Mais la mezzo peine à se libérer de sa partition et n’évite pas quelques tensions, des aigus durcis et un souffle court, notamment dans le sublime « D’amour l’ardente flamme ».

Placé en fond de scène, le Chœur de Radio France se trouve un peu desservi par sa situation, l’absence des voix d’enfants se faisant sentir dans une apothéose de Marguerite à la ferveur discrète. Mais la section masculine brille par sa précision et son homogénéité, tant dans les prières que dans les scènes plus vives, se métamorphosant tour à tour en troupe d’étudiants joviaux ou en démons incisifs maîtrisant à merveille le langage infernal.

La Damnation de Faust de Berlioz. Paris, Théâtre des Champs-Elysées, le 21 mars.

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