Les Accents baroques et virtuoses de Rinaldo au Théâtre des Champs-Élysées
Rinaldo, chevalier croisé couronné par Mars et Vénus (avec la conquête de Jérusalem et l'amour d'Almirena) est interprété par le contre-ténor Carlo Vistoli, d'un timbre clair et lumineux. Ses débuts réservés dévoilent la puissance de sa voix progressivement, au fil de la narration, emportant l'auditoire dans des élans de virtuosité maîtrisés. Sa technicité est notamment illustrée par l'exécution habile des guirlandes vocales, alliant contrôle, flexibilité et soutien (récoltant des applaudissements enthousiastes dès la conclusion de sa première aria).
La soprano Chiara Skerath se distingue dans les rôles d'Almirena, Donna et Sirene, par l'expressivité et l'épaisseur de son timbre. Selon les situations dramatiques, elle sait varier la couleur de sa voix et la présence de son jeu, s'approchant notamment de Carlo Vistoli pour traduire la proximité amoureuse de leurs personnages.
Emőke Baráth offre à l'antagoniste magicienne Armida sa ligne mélodique claire et précise, accompagnée d'une articulation impeccable de l'italien permettant de saisir chaque mot. Lorsqu'elle explore les sommets de son registre vocal, son timbre lumineux sait se faire intense, notamment conjugué avec le pupitre de percussions qui évoque le tonnerre.
Lucile Richardot (en Goffredo, chef croisé), déploie son timbre riche et chaleureux, renforcé par un registre médium puissant qui offre une sonorité dense et harmonieuse. Habile dans sa palette de couleurs et de nuances, elle investit l'acoustique du théâtre.
Anthea Pichanick en Eustazio et Mago Cristiano contrôle la continuité de son souffle lyrique au timbre velouté. Sa douceur se fait captivante mais elle brille aussi vers les aigus.
Victor Sicard évoque en Argante, roi de Jérusalem, une impression de grandeur à travers sa voix, la flexibilité de son baryton s'adaptant au contexte musical : entre sombre et grave, mélodieux et orné (en privilégiant la stabilité et la portée vocale).
Thibault Noally du violon ou de l'archet conduit son ensemble Les Accents avec des mouvements marqués du haut de son corps. Même dos aux chanteurs (qui se trouvent à l’avant-scène), il insuffle des départs repris avec dynamisme. Les instrumentistes se font nuancés et dynamiques, leur jeu expressif agrémenté d'un caractère joueur, énergique et engageant.
À la fin de l'opéra, des bravos éclatent avec enthousiasme à travers la salle comble.