La Chauve-Souris au Théâtre des Champs-Elysées : champagne !

- Publié le 15 décembre 2023 à 13:24
La Chauve-souris de Strauss
Bien que donné en version de concert, le chef-d’œuvre de Johann Strauss a fait un tabac, grâce à la direction musicale enthousiaste de Marc Minkowski. 

Une Chauve-Souris en version de concert ? Pourquoi pas, quand elle est animée par une mise en espace vive et intelligente, entraînant les artistes dans un jeu scénique à chaque instant enjoué. Prêtant au Prince Orlovsky son puissant mezzo, Marina Viotti s’amuse comme une folle, n’hésitant pas à jouer les chauffeuses de salle en prenant la baguette, ou en invitant les spectateurs à accompagner de leurs claquements de mains la Marche Russe ajoutée en début de seconde partie. Alina Wunderlin, une des grandes triomphatrices de la soirée, brûle elle aussi les planches en Adèle, avec son émission claire et argentée. De même que l’impressionnant Leon Kosavic, Falke de haut vol, au timbre enchanteur, ou l’Alfred de Magnus Dietrich, ténor rond et chaleureux, charmant sur tous les plans.

Ivresse

Débarqué la veille pour remplacer un collègue soufrant, Christoph Filler s’intègre au spectacle avec une aisance confondante, incarnant un Eisenstein drôle et expressif, non sans accuser quelques signes de fatigue dans les passages les plus lyriques, en particulier le trio final. Jacquelyn Stucker est encore plus dépassée par le rôle de Rosalinde, trop large pour elle : le faiblesse du grave et du médium la met bien souvent en difficulté, en particulier dans le Czardas, même si son charme reste incontestable. Michael Kraus, puissant baryton, campe un Frank de luxe, tandis que François Piolino, arrivé lui aussi en dernière minute, est un bègue parfait. Enfin, la comédienne Sunnyi Melles s’empare brillamment de la partie parlée du gardien de prison Frosch, pourtant difficile à endosser dans ces circonstances. Alternant français et allemand, elle joue l’ivresse du personnage sans tomber dans la vulgarité.

Les choristes du Cor de Cambra del Palau de la Musica Catalana semblent presque frustrés de ne pouvoir danser, entraînés comme tous les autres artistes par l’enthousiasme et l’élan vigoureux que Marc Minkowski imprime à ses excellents Musiciens du Louvre. Fidèle à lui-même, le chef fait le choix de tempi rapides, et ce dès l’Ouverture, aussi vive que précise et d’ailleurs très chaleureusement applaudie. Si l’énergie est au rendez-vous (parfois aux limites des possibilités des chanteurs, par exemple dans un « Im Feuerstrom der Reben » un brin frénétique), il sait aussi ménager de beaux moments de poésie. Notamment pendant le très gracieux « Bruderlein und Schwesterlein », repris en bis pour clore une soirée qui ouvre dans la joie cette période de fêtes.

La Chauve-Souris de J. Strauss. Paris, Théâtre des Champs-Elysées, le 13 décembre

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