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La Flûte décharmée de Cédric Klapisch au Théâtre des Champs-Élysées

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Paris. Théâtre des Champs-Élysées. 14-XI-2023. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Die Zauberflöte, K.620, Singspiel en deux actes sur un livret d’Emanuel Schikaneder. Mise en scène : Cédric Klapisch. Décors : Clémence Bezat. Costumes : Stéphane Rolland, Pierre Martinez. Lumières : Alexis Kavyrchine. Images numériques : Niccolo Casas. Illustrations : Stéphane Blanquet. Avec : Cyrille Dubois, Tamino ; Regula Mühlemann, Pamina ; Florent Karrer, Papageno ; Catherine Trottmann, Papagena ; Jean Teitgen, Sarastro ; Marc Mauillon, Monostatos ; Aleksandra Olczyk, La Reine de la Nuit, Judith van Wanroij, Isabelle Druet, Marion Lebègue, Trois Dames ; Ugo Rabec, Blaise Rantoanina, Prêtres/Hommes d’armes ; Josef Wagner, L’Orateur. Trois Enfants : solistes de la Maîtrise des Hauts-de-Seine. Chœur Unikanti. Les Siècles, direction musicale : François-Xavier Roth

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Attiré par l'univers de la danse classique pour son film En Corps, signe avec La Flûte enchantée une première mise en scène d'opéra décevante pour le Théâtre des Champs-Élysées.

Cette saison encore, Michel Franck tente de ramener un célèbre réalisateur de cinéma à la mise en scène d'opéra. Et si James Gray avait présenté en 2019 au Théâtre des Champs-Élysées une mise en scène des plus conventionnelles des Noces de Figaro de Mozart, on pouvait espérer un regain d'intérêt à l'annonce de La Flûte Enchantée sous la direction de cette année. Malheureusement, il n'en est rien.

Le rideau s'ouvre dans la pénombre, laissant le début à la nuit autour de trois arbres aux troncs bleus, comme entourés de papier crépon. Le chiffre symbolique de l'opéra est respecté, mais il n'y a pas plus d'idée, et, de ce premier décor très laid se développe le second, avec plus de troncs plus réduits devant une image de forêt digne de Disney. À la scénographie de Clémence Bezat et aux images numériques de Niccolo Casas, d'où l'on ne voit par la suite qu'un vague château en grillage, puis en hommage au jour une horrible représentation d'une ville futuriste sortie des plus mauvais Star Wars, s'ajoutent les vidéos de monstres et d'animaux de Stéphane Blanquet. Après un serpent projeté sur le rideau apparaissent des monstres en décalcomanie, puis un éléphant ou une girafe dessinés pour illustrer le grand air de Tamino.


À ce décor mal inspiré, il faut ajouter les costumes simplistes de Stéphane Rolland et Pierre Martinez, où Tamino en survêtement rouge doit surveiller ses pas pour ne pas marcher sur sa cape, quand Papageno est affublé de ridicules plumes fluos. Les femmes ne sont pas mieux servies, grossièrement maquillées et habillées de robes plus ou moins dorées, toutes d'une laideur à faire regretter les parures de Madonna vues la veille à Bercy. Dans ce contexte, la production semble n'avoir rien à proposer ni rien à renouveler, sauf des textes parlés voulus « modernisés » et traduits en français, pour faire rire une partie du public avec des phrases d'ados : « tu kiffes ? », « de ouf ! », « oh la la, ce propos est un peu genré ! ».  Affligeant, le spectacle n'est hué que des balcons à l'arrivée de Klapisch aux saluts. On n'ose imaginer le tollé qu'il aurait reçu il y a encore une vingtaine d'années.

Cette Flûte ne peut donc être enchantée par la scène, mais au moins attendait-on d'être charmé par la musique de en fosse, monté sur ressorts et lui aussi mal inspiré par des idées peu mûries, jamais vraiment adaptées. Les instruments viennois sélectionnés auraient pu offrir de beaux moments, mais c'est oublier le manque de souplesse globale et les nombreux couacs entendus dès l'ouverture, sans compter les insupportables ajouts sonores, dont on n'ose pourtant plus user. Il faut donc écouter la musique au milieu de crépitements lorsqu'on nous met des vidéos de feu sur scène, puis de clapotements quand on projette des images d'eau, et surtout du début à la fin, subir des appeaux tous plus sonores et grossièrement présents pour associer en permanence le conte au chant des oiseaux. Quelques idées rafraichissantes parviennent certes à se démarquer, mais jamais l'ensemble Les Siècles ne porte aucun grand air, et il faut attendre les dernières scènes pour qu'il s'attendrisse un peu, lorsque la jolie flûte solo double Tamino.


Au chant, le Prince de a malheureusement lui aussi été entendu bien meilleur (et mieux entouré, comme à Bastille en 2021) ; il semble ici en méforme, entre les deux hommes d'armes bien chantés par Ugo Rabec et Blaise Rantoanina en fin d'ouvrage. Sa Pamina débute avec un timbre doux et soyeux, mais s'est elle aussi déjà montrée sous un bien meilleur jour. est un Papageno peu passionnant jusque dans son dernier duo avec la Papagena de où il s'y montre bien plus convaincant. Les Trois Dames mal chorégraphiées peinent elles aussi à ressortir de leurs scènes, même si le timbre d' se trouve ici plus enjôleur que celui de et .

Pour les Trois Garçons, on a inséré une fille dans le groupe, plus tendue et moins gracieuse vocalement que les deux jeunes hommes. possède pour Sarastro les graves et le phrasé, mais le chant s'affadit à mesure que les scènes s'enchaînent, sans qu'il ne puisse jamais se raccrocher à quelque chose dans cette production, de même que qui rend son Monostatos de plus en plus insupportable à mesure que s'écoule la soirée. Trop court pour se démarquer, mérite bien plus que le piètre Orateur de cette soirée (on pourra l'entendre en mars prochain en Telramund à l'Opéra du Rhin), mais nous avons gardé le pire pour la fin avec La Reine de la Nuit d', dont la prestation sans le moindre legato et sans une note audible dans les deux dernières octaves se montre finalement à l'image du spectacle : totalement raté.

Crédits photographiques : © Vincent Pontet

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Paris. Théâtre des Champs-Élysées. 14-XI-2023. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Die Zauberflöte, K.620, Singspiel en deux actes sur un livret d’Emanuel Schikaneder. Mise en scène : Cédric Klapisch. Décors : Clémence Bezat. Costumes : Stéphane Rolland, Pierre Martinez. Lumières : Alexis Kavyrchine. Images numériques : Niccolo Casas. Illustrations : Stéphane Blanquet. Avec : Cyrille Dubois, Tamino ; Regula Mühlemann, Pamina ; Florent Karrer, Papageno ; Catherine Trottmann, Papagena ; Jean Teitgen, Sarastro ; Marc Mauillon, Monostatos ; Aleksandra Olczyk, La Reine de la Nuit, Judith van Wanroij, Isabelle Druet, Marion Lebègue, Trois Dames ; Ugo Rabec, Blaise Rantoanina, Prêtres/Hommes d’armes ; Josef Wagner, L’Orateur. Trois Enfants : solistes de la Maîtrise des Hauts-de-Seine. Chœur Unikanti. Les Siècles, direction musicale : François-Xavier Roth

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