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05.11.2023 → 02.12.2023

Le « Grand Macabre » à l’Opéra de Francfort : l’effet-miroir troublant de notre société

par Helene Adam
12.11.2023

L’opéra de Francfort met en scène ce mois-ci l’œuvre de György Ligeti. La réalisation moderne de Vasily Barkhatov, sous la baguette de son directeur musical Thomas Guggeis, est une grande réussite musicale et visuelle. Ce réjouissant mais inquiétant Grand Macabre est servi par une brillante distribution.

Bizarre, vous avez dit bizarre ? Comme c’est étrange…

Le Grand Macabre a été composé par György Ligeti et créé, en 1978, à Stockholm. Mais la version proposée par l’Opéra de Francfort, est celle, revue et corrigée en 1996, en langue anglaise et sans les dialogues parlés initiaux, créée au festival de Salzbourg en juillet 1997. Qualifiée par son auteur d’« anti-anti-opéra », l’œuvre a un peu perdu de son caractère novateur et scandaleux au fil des années, mais elle reste incontestablement tout à la fois inquiétante et comique, légère et grave, familière et bizarre, fine et très grossière, bref un objet théâtral et lyrique pas toujours clairement identifié que Francfort a su valoriser, rendant, en quelque sorte, justice au modernisme des thèmes abordés. L’excellence de la réalisation dans tous ses aspects conduit l’ensemble de l’auditoire à partager sans réserve ces deux heures et des poussières de folie burlesque. Mais à chaque tableau, nous apparaît le miroir déformant et angoissant de notre propre société.

La fin du monde

L’argument de l’opéra Grand Macabre est tiré de la pièce intitulée La ballade du grand Macabre du flamand francophone Michel de Ghelderode, une pièce écrite en 1934, dans la période qui voit monter nazisme et fascisme en Europe. C’est un classique du théâtre absurde et provocateur des années trente, insolent, grossier et volontairement scandaleux.

L’histoire se passe dans une contrée fantaisiste, Breughellande (le pays de Brueghel), dans laquelle surgit un étrange personnage, Nekrozotar, qui affirme être la mort en personne et annonce à la population la prochaine fin du monde  tandis que divers personnages, tous plus truculents les uns que les autres, poursuivent leurs activités et tentent de profiter des derniers instants pour assouvir leurs passions.

Mais l’œuvre de Ligeti, aussi déroutante soit-elle, est bien un opéra à part entière, un anti-anti en quelque sorte : les différents tableaux font sens, les personnages existent, l’instrumentation est riche, les performances vocales comportent une majorité d’airs dont la forme est objet de parodie, mais qui relèvent bien du registre lyrique.

Et les allusions musicales ouvertement moqueuses adressées à la Symphonie Héroïque de Beethoven, à l’Orfeo de Monteverdi ou à Rossini, sont autant de références à la « Grande Musique » qu’on apprécie à leur juste valeur.

Le programme de l’Opéra s’ouvre sur une célèbre citation de Walter Benjamin « Dass es so weitergeht, ist die Katastrophe. Sie ist nicht das jeweils Bevorstehende, sondern das jeweils Gegebene » que l’on peut traduire ainsi : « Si le monde continue ainsi, il court à la catastrophe. La catastrophe n’est pas ce qui va arriver, mais ce qui existe déjà et va la provoquer ».

Le caractère très actuel (et finalement assez intemporel) de cette prédiction, émise alors qu’il était « minuit dans le siècle », convient parfaitement à ce Grand Macabre.

« Rien n’est plus absurde que la réalité »

Ainsi s’exprime Vasily Barkhatov, le metteur en scène du Grand Macabre. Il avait déjà réalisé une très belle dramaturgie pour L’Enchanteresse de Tchaïkovski dans ce même opéra de Francfort et se confie à propos de sa relation avec l’œuvre de Ligeti qu’il juge comme l’une des plus importantes de la fin du siècle dernier avec Die Soldaten de Zimmermann.

En modernisant, à juste titre, le propos, Barkhatov et son décorateur Zinovy ​​​​​​Margolin se moquent ouvertement et de manière très efficace de notre propre monde. La scène s’ouvre ainsi sur un gigantesque embouteillage sur une bretelle d’autoroute, avec voitures récentes et plus anciennes et quelques échantillons type de notre société (le punk, la mère et ses enfants, le couple interchangeable), tandis que les « News » annoncent dans toutes les langues et au travers du même type de speakers souriants et indifférents au contenu de leurs « infos », l’arrivée imminente d’une comète qui détruira la terre. Cette succession de discours formatés identiques, mais dans toutes les langues de la planète, prête à sourire, mais d’un sourire grinçant et même un peu crispé tant le réalisme de la séquence est inquiétant.

 

 

Le décor est identique pour toute la première partie, les seules évolutions concernant la place des véhicules utilisés pour chaque tableau – un camping-car servira de cadre aux ébats de la nymphomane Mescalina -. Le contenu du panneau publicitaire évoluera aussi, pour souligner la vacuité de notre monde, vantant les mérites de la crème anti-âge ou de la montre Rolex en pleine catastrophe annoncée. Et surtout, d’assez fantastiques « hologrammes » (en fait des projections vidéos réalisées par Ruth Stofer et Tabea Rothfuchs sur un très fin tulle tendu) représentent les fantasmes sexuels rendus comiques, du couple Astradamors/Mescalina, écrans de « jeux » vidéo, personnages de mangas, et autres inventions qui se succèdent en cadence rapide, rendant le tableau étourdissant de virtuosité visuelle et musicale.

Une fois n’est pas coutume, le décor splendide de la deuxième partie, représentant une sorte de « Casino Royal », l’auberge de la mort où l’on « s’amuse à mourir » (Wir amüsieren uns zu Tode), est chaleureusement applaudi au lever du rideau. Le public salue la beauté esthétique du décor, ce superbe clavecin installé sur une estrade, les lumières qui accentuent chaque couleur, chaque matière, chaque forme. Tout est prétexte à profusion de beaux costumes (d’Olga Shaishmelashvili), chamarrés et colorés, donnant des personnages une galerie façon commedia dell’arte débridée, où tous les fantasmes sexuels s’expriment librement et où tous les personnages semblent avoir largement goûté à la cocaïne distribuée par les techniciens de la scène. Il y a ainsi des dizaines de saynètes qui créent une sorte de tourbillon formidablement bien maitrisé par les solistes et les chœurs, avec la danse macabre du pharaon, le prince Go-Go devenu Disc-Jockey, de jeunes éphèbes, dansant tous nus ou revêtus de multiples costumes empruntant au règne animalier, autant de symboles d’une certaine décadence tandis que sur les grandes fenêtres du fond de la scène, le compte à rebours s’affiche régulièrement. Dernière minute avant l’impact… qui n’a pas lieu tandis que chacun semble se réveiller d’un long cauchemar pour voir les arbres et la ville intacts au-dehors.

 

Beaucoup d’humour, d’astucieux clins d’œil et quelques très belles réussites, ponctuent une mise en scène fidèle à l’œuvre et qui contribue très largement à la faire découvrir ou re-découvrir sous son meilleur jour.

Puissance de l’interprétation musicale

La musique n’est pas en reste, bien au contraire : la synchronisation entre une partition riche et complexe, sorte de portrait volontairement grotesque et caricatural de la musique « classique » et cette mise en scène est parfaite. Thomas Guggeis, qui a pris ses fonctions de directeur musical à l’occasion de cette nouvelle saison, a beaucoup d’appétence pour cette musique du 20e siècle, et n’est sûrement étranger au choix de la présenter ici. Il en donne une lecture très aérée, n’exagérant jamais les effets de cuivres ou de percussions, mais laissant au contraire une grande place au chant. Il évite ainsi, avec beaucoup de talent, d’appuyer les caricatures des œuvres du passé dont Ligeti a truffé sa composition tout en les soulignant discrètement. Notons la très grande réussite de l’incursion sur scène des trois instrumentistes déguisés en chérubins obèse durant l’un des derniers tableaux ainsi que des effets de spatialisation des timbales, annonçant la fin du monde (qui ne vient pas finalement). Les chœurs (dirigés par Tilman Michael) sont régulièrement présents sur la scène, ensemble ou par petits groupes, formidables acteurs eux aussi, à qui l’on doit un salut appuyé pour la beauté de leurs performances fort agitées et complexes tant sur le plan vocal que sur le plan théâtral.

 

La formidable équipe de solistes

 

Le redoutable et effrayant Nekrotzar, monarque de la mort, est interprété par Simon Neal, baryton britannique habitué du rôle de Wotan, qui a le coffre, la puissance et l’autorité requise, et recherche clairement un effet de peur dans son annonce de fin du monde. Mais les protagonistes réagissent tous différemment et ses effets sont largement émoussés d’autant plus qu’il est affublé lui-même de costumes loufoques et que son porte-voix est un cône signalisateur routier.

Sa très belle prestation est accompagnée de celle du Piet de Peter Marsh, beau ténor de la troupe de l’Opéra de Francfort, comme presque toute l’équipe de chanteurs, qui apparaît dès le premier tableau, en peignoir, ivre d’avoir vidé le mini bar de sa chambre d’hôtel en apprenant la fin du monde prochaine. Son chant est volontairement débridé et ses sauts d’octave impressionnants, d’autant qu’il garde une sorte de voix trompettante en permanence pour simuler son état d’ébriété. Jolie et difficile performance parfaitement maitrisée.

Le Prince Go-Go du jeune contre-ténor américain Eric Jurenas, sait allier également le jeu burlesque appuyé à la performance vocale soignée. Il est probable que ce point d’appui sur une troupe habituée à chanter et à jouer ensemble est un atout maitre dans la manche de l’Opéra de Francfort. Dans tous les cas, aligner autant de pointures dans une œuvre rare et inhabituelle la même soirée, relève de la gageure !

La soprano Anna Nekhames qui incarne à la fois Venus (parfois morte et parfois bien vivante) et le chef de la Gepopo, nous éblouit également de ses aigus dardés avec puissance, de ses graves brusques et bien tenus, bref de cette incarnation juste qui sera aussi le lot des deux incroyables couples. D’abord par ordre d’apparition, celui d’Amanda et Amando, qui sortent d’une séance de chirurgie esthétique et décident de se marier quand même et même de se réfugier dans une tombe pour faire l’amour jusqu’à la mort, incarnés par les désopilantes sopranos Elizabeth Reiter et Karolina Makuła, aux voix très légèrement contrastées, mais à la gémellité revendiquée ( !). Ensuite celui, à l’inverse, totalement disparate, composé de l’Astradamors de l’immense Alfred Reiter et la Mescalina de l’imposante Claire Barnett-Jones, tous deux magnifiques dans un affrontement aussi physique que vocal où ils dominent une longue scène avec verve et allant. Autre duo très réussi, celui du White Minister de Michael McCown opposé au Black Minister de Iain MacNeil, deux rôles parlés. Sans oublier bien sûr les plus petits rôles des trois barytons basses, Ruffiak (Nicolai Klawa), Schobiak (Yan Lei Chen) et Schabernack (Yongchul Lim).

La qualité de l’ensemble de l’équipe est impressionnante et l’on ne peut que saluer l’excellent travail fait depuis longtemps par cette maison qui ne recule jamais devant l’audace et l’innovation.

Le public était nombreux pour cette troisième représentation de la série, et totalement conquis. Les applaudissements chaleureux pour l’ensemble de l’équipe et tout particulièrement pour le chef d’orchestre prouvaient une incontestable adhésion au programme proposé.

Notons enfin que, selon la tradition dans cette maison, une courte introduction concernant l’œuvre était proposée avant le début de la représentation. Le foyer réunissait ainsi plus de deux cents personnes attentives.

Le retour du Grand Macabre

La saison 2023-24 sera celle du retour du Grand Macabre sur les scènes européennes, à l’occasion du centenaire de la naissance de Ligeti. Outre cette nouvelle production de Francfort , le Staatsoper de Vienne propose une autre mise en scène à partir du 11 novembre, celle de Jan Lauwers, la direction musicale sera assurée par Pablo Heras-Casado.

Ensuite ce sera au tour de Radio France de proposer une version concert en français, dirigée par François Xavier Roth à l’auditorium, à Paris, le 2 décembre prochain. L’opéra de Munich proposera à son tour une mise en scène de Krzysztof Warlikowski, pour la version en langue allemande cette fois, sous la direction de Kent Nagano. Cette dernière ouvrira le festival d’été 2024.

L’occasion d’aborder cette œuvre de nombreuses manières différentes !

Le Grand Macabre de György Ligeti 1923–2006 – Opéra en deux actes sur un livret de Michael Meschke & György Ligeti basé sur la pièce de Michel de Ghelderode – Chanté en anglais.

À l’Opéra de Francfort du 5 novembre au 2 décembre.

Visuel : © Barbara Aumüller