A Toulouse, Les Pêcheurs de Perles enchantent le Capitole

- Publié le 4 octobre 2023 à 15:12
Cent soixante ans presque jour pour jour après la création des Pêcheurs de Perles du tout jeune Bizet au Théâtre Lyrique, le Capitole en propose une nouvelle production pleine d’élan et de couleurs, assumant l'exotisme du livret.
Les Pêcheurs de perles de Bizet

Thomas Lebrun, chorégraphe avant d’être metteur en scène, met naturellement le Ballet de l’Opéra national du Capitole à profit, lui offrant une gestuelle qui s’inspire librement de la tradition indienne. Le rideau s’ouvrant sur une fête rituelle, les danseurs y sont les bienvenus et ne quitteront presque jamais le plateau, leur présence s’intégrant de manière naturelle au récit. D’emblée se perçoit un léger second degré : décors peints représentant palmiers ou divinités locales, échafaudages de bambous, costumes chatoyants à l’exotisme un peu kitsch. Nous sommes à Bollywood.

Puis Leila, toute de bleu roi et de pierreries couverte, paraît sous une toile figurant la mer, soulevée par les soins d’un Nourabad à l’imposant habit d’un rose fantasmagorique. Les serments de la prêtresse de Brahma se font sous les hospices de la déesse Kali aux huit bras, évoquée de manière très poétique par les danseurs. Aux paroles de Zurga et Nadir (« Oui, c’est elle, c’est la déesse »), une ballerine sur pointes vêtue d’un voile blanc entre en scène – image charmante.

Fluidité et harmonie

Les sombres masques à tentacules portés par le chœur au dernier acte font sans doute référence à quelque démon local – dommage cependant qu’un surprenant french cancan gâche l’effet effrayant de l’ensemble. Pas de quoi atténuer la fluidité d’un spectacle en parfaite harmonie avec l’esprit de l’œuvre, telle qu’elle pouvait être perçue par les spectateurs du Second Empire, bien que les aspects les plus dramatiques en soient parfois atténués – on verse quand même une larme, tant la narration est respectée.

Mathias Vidal (Nadir) se distingue une fois encore par la perfection de sa prononciation et un  chant plein de pureté et suavité quand il n’est pas forcé, comme en témoigne sa séduisante sérénade en coulisses (« Ma bien aimée est enfermée »). Mais le rôle reste trop lourd pour ce ténor haute-contre, obligé d’esquiver certains aigus, le timbre manquant par ailleurs de richesse pour rendre pleinement justice à la fameuse romance.

Soprano lumineux et ductile

Si un grelot peu seyant dessert sa prière (« O Dieu Brahma »), Anne-Catherine Gillet (Leila) fait briller un soprano lumineux et ductile, aux aigus aussi puissants qu’aisés, qui s’épanouit généreusement dans les passages plus intenses, comme le grand duo avec Zurga. Ce dernier est campé par un Alexandre Duhamel à la présence scénique aussi avantageuse que ses moyens vocaux : un beau baryton sombre, large et chaleureux, auquel manque juste un soupçon de nuances pour donner davantage de relief à son grand air – l’incarnation n’en reste pas moins des plus attachantes. Enfin, la basse profonde au timbre somptueux de Jean-Fernand Setti fait regretter que le rôle de Nourabad ne soit pas plus long !

Si la petite suite d’orchestre Jeux d’enfants de Bizet, introduite au début de l’acte II, pour charmante qu’elle soit, rompt un peu le rythme, Victorien Vanoosten imprime à sa direction musicale beaucoup d’allant et de dynamisme, évitant les temps morts tout en soulignant le raffinement de l’écriture. Le chœur impressionne par sa précision et sa puissance, l’Orchestre national du Capitole par sa sonorité généreuse mais sans lourdeur.

 Les Pêcheurs de Perles de Bizet. Toulouse, Théâtre du Capitole, le 1er octobre. Représentations jusqu’au 8 octobre. Diffusion le 14 sur Radio Classique. 

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